Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de directeur de l'AFSSA

Réunion du 11 mai 2010 à 17h00
Commission des affaires sociales

directeur de l'AFSSA :

Nous aurons des relations avec cinq agences, dont l'EFSA, l'Autorité européenne de sécurité des aliments. Les modes d'organisation sont très différents d'une agence européenne à l'autre. L'EFSA a son propre système d'expertise où vont puiser des experts de tous les pays membres, dont un grand nombre de ceux que consulte l'AFSSA. D'autres agences européennes s'appuient davantage sur l'expertise des agences nationales. En étant l'interlocuteur de toutes, la nouvelle agence constituera un observatoire précieux.

Le nouvel établissement s'appellera l'ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire, car nous avons voulu un acronyme facilement prononçable, y compris dans d'autres langues. C'est pourquoi nous n'avons pas souhaité accoler les intitulés des deux agences actuelles. Couvrant tous les domaines de la vie du citoyen – travail, environnement, transports, qualité de l'air extérieur et intérieur, domicile et alimentation –, cette agence permettra d'appréhender l'exposition cumulée, pour un individu donné, aux contaminants de toutes natures et de toutes sources. Grâce à une approche scientifique pluridisciplinaire, nous aurons une très large compétence sur l'ensemble des produits chimiques, et appliquerons un principe simple : il y aura, pour chaque substance, évaluation des risques et appréhension de l'exposition couvrant l'ensemble des sources.

Cette approche globale est particulièrement pertinente pour les risques émergents, pour l'exposition à certains contaminants à très basses doses, pour les effets à long terme, ou encore pour les cas de multi-exposition.

Aujourd'hui, AFSSA et AFSSET travaillent chacune de son côté sur les perturbateurs endocriniens, substances susceptibles d'agir à très basses doses et qui appellent la mise au point de nouvelles méthodes d'évaluation des risques. De même en ce qui concerne les pesticides – l'AFSSET accueille l'Observatoire des résidus de pesticides tandis que l'AFSSA instruit des dossiers d'autorisation de mise sur le marché – ou encore des sujets d'actualité tels que les nanomatériaux. Rassembler nos forces nous fera gagner en efficacité sur tous ces grands sujets, d'autant qu'ils vont nécessiter des coopérations internationales importantes.

La nouvelle agence emploiera 1 400 agents salariés, dont des scientifiques – médecins, vétérinaires, toxicologues –, et plus de 800 experts extérieurs, sélectionnés dans le cadre d'appels à candidature de manière à garantir, non seulement leur compétence, mais aussi leur indépendance. Elle animera en outre un réseau de 31 organismes de recherche – contre 21 aujourd'hui pour l'AFSSET.

L'AFSSA a en charge 51 laboratoires nationaux de référence, pour toutes les questions de sécurité sanitaire des aliments, de qualité nutritionnelle, de santé et de bien-être animal. Le ministre de l'agriculture, M. Bruno Le Maire, a lancé en janvier les états généraux du sanitaire : le rôle de l'agence est central pour ces dispositifs de sécurité sanitaire et d'épidémio-surveillance.

L'agence jouera aussi un rôle important s'agissant des grands plans gouvernementaux : plan national nutrition santé, plan national santé environnement, plan santé travail n° 2, plan Écophyto…

Je mène ma mission de préfiguration avec trois convictions fortes.

La première est qu'une très forte concertation s'impose avec l'ensemble des parties prenantes pour construire cette agence sur la confiance. La fusion, et c'est compréhensible, suscite des inquiétudes qu'il faut apaiser. Depuis le mois d'octobre, nous avons organisé plus de dix réunions rassemblant chacune une quarantaine de partenaires – et d'autres sont prévues – afin de mettre au point les documents définissant le fonctionnement de la nouvelle agence.

Ma deuxième conviction est qu'il faut éviter tout ce qui pourrait ressembler à l'absorption d'une agence par l'autre. Les acquis des deux, leurs similitudes, mais aussi leurs différences, sont des points d'appui pour aboutir à quelque chose de neuf, pour dégager de la valeur ajoutée. Un plus un doit faire plus de deux.

Enfin, je crois à la nécessité d'aller vite – tout en veillant à l'indispensable dialogue – pour créer une dynamique interne.

Un rapport reprenant tous les points issus de la concertation a été remis au Gouvernement à la mi-novembre et utilisé pour élaborer le projet d'ordonnance adopté en conseil des ministres, au début de janvier. La concertation s'est poursuivie pour mettre au point le décret d'application, que le Conseil d'État doit examiner le 18 mai prochain. La nouvelle agence sera juridiquement opérationnelle le 1er juillet, avec la mise en place de ses instances de gouvernance.

L'indépendance, la transparence, l'ouverture à la société nous sont apparues comme les conditions essentielles de la crédibilité d'une telle agence. À tous ces égards, il n'est pas question de laisser perdre les acquis de l'AFSSA et de l'AFSSET. Dans le contexte actuel de controverses sur l'expertise collective, la construction de l'ANSES est pour nous l'occasion de prendre en compte de nouveaux éléments, tout en nous appuyant sur notre histoire.

Celle-ci nous a montré que l'indépendance se jouait surtout à deux niveaux : celui de la sélection individuelle des experts et celui du processus d'expertise lui-même.

Premièrement, tous les experts auxquels nous faisons appel pour nos comités spécialisés – il y en a treize à l'AFSSA, sept à l'AFSSET – sont sélectionnés, dans le cadre d'appels à candidatures très ouverts, sur la base d'éléments de curriculum vitae, mais aussi d'une déclaration publique d'intérêts. Les propositions de mission sont soumises à l'examen du conseil scientifique.

En outre, l'AFSSA retient presque exclusivement pour ces comités des experts venant du secteur public – essentiellement des organismes de recherche –, et ne sollicite que pour des auditions ceux qui, tout en disposant de compétences utiles, ne satisfont pas aux critères d'indépendance.

Deuxièmement, il est essentiel que le processus d'expertise soit collectif et contradictoire. En la matière, AFSSA et AFSSET ont été pionnières dans la définition de la norme NF X 50-110, que nous essayons maintenant de promouvoir au niveau européen. Un des projets forts de la nouvelle agence sera d'aller vers une certification ISO 9 000 et de cette norme NF X 50-110. Notre objectif est que les débats au sein des comités d'experts spécialisés permettent à l'agence de dire l'état de la science en faisant clairement apparaître, conformément à l'exigence de transparence, les positions minoritaires et les éléments d'incertitude, ce afin d'émettre en tant que de besoin des recommandations proportionnées.

Nous perfectionnerons les dispositifs actuels. Ainsi, dans le cadre de la concertation, nous avons décidé de doter la nouvelle agence d'un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts. Ce comité de sages, totalement indépendant de la direction de l'agence, rapportera au conseil d'administration et pourra être saisi de cas particuliers, afin de vérifier le respect des règles déontologiques : transparence, indépendance, rigueur.

Tous les avis et toutes les recommandations issus des travaux d'expertise collective de l'agence seront systématiquement publiés.

Nos débats ont fait ressortir trois autres préoccupations, auxquelles nous avons apporté des réponses, reprises soit dans l'ordonnance, soit dans le projet de décret, soit encore dans les documents internes à l'agence qui seront validés par ses instances de gouvernance.

Il s'agit, premièrement, de la séparation entre évaluation et gestion des risques. Il a été décidé de structurer l'agence en trois pôles bien identifiés : l'évaluation des risques, les laboratoires et l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) qui, aujourd'hui au sein de l'AFSSA, évalue les médicaments vétérinaires, mais aussi délivre les autorisations de mise sur le marché et réalise des inspections.

Deuxième préoccupation : le risque de dilution dans un ensemble très large des actions consacrées à la santé au travail, sujet pour lequel l'AFSSET joue un rôle très important d'expertise. Garantie est donc donnée que ce secteur conservera l'intégralité des moyens qui lui sont actuellement affectés. En outre, comme les autres – santé et environnement, sécurité sanitaire des aliments et qualité nutritionnelle, santé et bien-être des animaux –, il bénéficiera d'un comité d'orientation spécifique, placé auprès du conseil d'administration et qui sera à l'écoute de l'ensemble des parties prenantes, attentif à toutes les alertes, afin d'élaborer un programme de travail.

Troisième préoccupation : l'ouverture à la société civile. Le conseil d'administration comprendra cinq collèges, tels qu'on a pu les connaître dans le cadre du Grenelle de l'environnement : ministères, syndicats, organisations professionnelles, mouvement associatif – ONG environnementales, associations de patients, de consommateurs, de victimes d'accidents du travail – et élus – l'Association des maires de France et l'Association des départements auront chacune un représentant. Les organismes ainsi représentés pourront saisir l'agence sur telle ou telle question.

Des lieux de restitution des avis sont prévus.

Nous ferons un recours accru à l'expertise en sciences humaines et sociales, d'ores et déjà développée au sein de l'AFSSET. Elle nous aidera dans la conduite de saisines liées à des enjeux sociétaux.

Enfin, s'agissant des moyens financiers, les discussions sont en cours pour préparer le budget triennal. L'objet de la fusion n'est pas la recherche d'économies, mais l'amélioration du service rendu. Un de nos soucis est, en particulier, de faire face aux risques émergents.

Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous sommes maintenant dans la dernière ligne droite avant la mise en place effective de cette nouvelle agence, dont le périmètre très large traduit une approche pionnière en Europe et dans le monde. Notre pari est d'anticiper des tendances lourdes en matière de sécurité sanitaire, afin de pouvoir présenter des évaluations et des avis qui couvrent l'ensemble des champs, qui soient clairs pour le consommateur et le citoyen et qui contribuent à mieux le protéger.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion