Le lien avec l'État serait meilleur. Or dans la gestion de crise, ce qui compte, ce sont les douze, voire les trois premières heures. C'est au début de la crise qu'il est nécessaire de faire preuve de professionnalisme. Cela signifie qu'il faut former les gens pour leur apprendre à maîtriser leur émotion, à réagir rapidement, à faire jouer les mécanismes intellectuels nécessaires pour apporter une réponse optimale. C'est cela qui manque. Les maires, notamment, ne sont pas formés à cela. Certes, le préfet reçoit l'assistance des services chargés de la protection civile, mais encore faut-il qu'un département – voire deux – soit touchés, sans quoi le dispositif national est à plat. Quant à la formation des gestionnaires aux situations de crise, elle reste très faible. Les personnes placées aux postes de protection civile n'ont pas toujours d'expérience en ce domaine : si la question les intéresse, tant mieux, sinon tant pis.
En ce qui concerne les moyens matériels, nous sommes un des pays les plus pauvres en systèmes d'information dédiés à la gestion de crise. Il n'existe qu'un système de main courante partagée appelé SYNERGI. Aux États-Unis ou à Singapour existent des systèmes intégrant une cartographie et proposant, à partir d'informations parcellaires sur le risque, qu'il soit toxique ou naturel, une simulation permettant d'évaluer la situation en temps réel, voire de l'anticiper. Nous ne disposons pas d'un tel outil : non seulement le corps préfectoral est méfiant à l'égard des outils techniques, mais ces derniers coûtent beaucoup d'argent. Or nous ne dépensons pas beaucoup sur ces questions, alors que les crises tendent à avoir un coût exponentiel.
Il est donc nécessaire de développer la prévention. En ce domaine, le ministère de l'écologie propose des actions – lesquelles ne sont pas toujours bien coordonnées avec celles du ministère de l'intérieur – destinées à développer une sensibilité commune entre le gestionnaire de crise et son réseau local. Mais une telle entreprise est difficile et réclame des moyens. Or les sites de protection civile sont très peu nombreux, leurs personnels sont réduits et se voient confier des tâches supplémentaires. Par ailleurs, si un décret a été pris en 2006 s'agissant des opérateurs d'importance vitale, il ne traite que des mesures de sécurité à prendre contre le terrorisme. Aucune disposition ne prévoit la continuité des activités en situation de crise. Les entreprises ne travaillent sur ce sujet que si elles y trouvent un intérêt. De nombreux trous subsistent donc dans le dispositif, et les liens restent ténus entre les acteurs, de sorte que la crise les casse.