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Intervention de secrétaire confédéral

Réunion du 5 mai 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

secrétaire confédéral :

La pénibilité.

Les mesures pour prendre en compte les longues carrières vont se tarir. En raison du durcissement des conditions de départ, le nombre des départs a décru de 100 000 à 20 000 : seuls ceux qui ont 59 ans peuvent en bénéficier. Ce dossier me semble donc clos.

Dans le domaine de la pénibilité, le législateur ne pourra pas tout faire, il devra se contenter de reprendre ce qu'ont fait les partenaires sociaux. Si ceux-ci étaient parvenus à un accord, cela aurait été plus facile pour le législateur de le traduire dans la loi. C'est pourquoi j'estime que ce dossier doit être renvoyé aux branches professionnelles.

Je n'ai pas évoqué toutes les corrections à apporter à la réforme de 2003. Notre système comporte encore des inégalités mais il faut savoir que tout système de retraite, quel qu'il soit, créera toujours ses propres inégalités.

La méthode employée par le Gouvernement est-elle trop rapide ? En fait, la priorité de ce dernier est de dégager des économies pour passer sous le cap des 3 % de déficits publics en 2013. Les marges sont étroites. La question des retraites, pour importante qu'elle soit, passe au second plan. C'est pourquoi elle est étudiée dans l'urgence et qu'il n'est proposé qu'une réforme paramétrique.

Cela étant, il ne faut pas, à chaque rendez-vous, dramatiser le problème de la retraite. Je m'inscris en faux contre la croyance selon laquelle il serait possible de réformer une bonne fois pour toutes notre système de retraite. Cela ne pourrait se faire en fixant le taux de cotisation à 22 ou 25 % et en passant d'un débat politique à un débat purement technique dans lequel les ajustements nécessaires seraient quasi-automatiques. Dans le système de comptes notionnels mis en oeuvre par les Suédois, c'est la croissance qui vient revaloriser le capital et c'est l'espérance de vie de la génération à laquelle on appartient qui définit le moment où on peut prendre sa retraite, un coefficient de conversion jouant le rôle de la décote dans notre système actuel.

Nous ne sommes pas favorables à une réforme systémique. Il y a 38 régimes en France. Le général de Gaulle n'a pas réussi à les unifier en 1945. Je ne vois pas comment nous pourrions le faire aujourd'hui, alors qu'ils ont des règles et des paramètres différents.

En ce qui concerne les différences public-privé, l'application, par exemple, aux enseignants – qui appartiennent à la catégorie A de la fonction publique – et aux postiers – catégorie C – des règles de prise en compte des vingt-cinq meilleures années, plutôt que des six derniers mois, pour le calcul de la pension conduirait à une diminution respectivement de 20 % et de 25 % du montant de leur retraite. Par ailleurs, des pratiques se sont développées dans la fonction publique dont il faut tenir compte. Des commissions paritaires revalorisent en fin de carrière les rémunérations des fonctionnaires qui n'ont pas eu une évolution de carrière à la hauteur de ce qu'ils auraient pu prétendre ou en retrait par rapport à celle qu'ils auraient eue s'ils étaient allés dans le privé. En outre, les primes s'étagent entre 15 % et 75 % des traitements. Donc, il faudrait non seulement revenir sur le statut de la fonction publique mais encore sur toute la grille indiciaire, comme est en train de le faire la SNCF à l'occasion de la réforme des régimes spéciaux puisqu'elle conserve ses salariés un peu plus longtemps en activité. Cela nécessiterait donc de revoir les évolutions professionnelles. Je livre ces éléments à votre réflexion.

On peut toujours prendre des exemples caricaturaux et citer les écarts qui peuvent exister entre les retraites de certains hauts fonctionnaires et les petites retraites réduites au minimum vieillesse pour stigmatiser les inégalités existant entre le public et le privé. Mais, je ne pense pas que cela doive être l'objet de notre réflexion, surtout quand on saura que le taux moyen de remplacement de la retraite dans le public est de 61 %.

Inversement, on verra qu'il serait tout aussi absurde d'appliquer au secteur privé la règle du secteur public – prise en compte des six derniers mois – quand j'aurai précisé que six salariés sur dix ne sont plus en activité quand ils prennent leur retraite, ce qui fait que les six derniers mois sont les plus mauvais de toute la carrière. Donc, il faut bien trouver une moyenne pour permettre au futur retraité de disposer, comme c'est l'objectif de tout système de retraite, d'un revenu de substitution lui permettant de vivre avec un minimum de décence et d'indépendance financière.

On ne peut plus bâtir un système sur les solidarités familiales d'antan ni sur les systèmes d'assistance d'avant guerre.

L'assurance retraite a été conçue à une époque où l'espérance de vie était de 65 ans, donc pour un risque qui ne devait pas arriver. Aujourd'hui, elle ouvre des droits. C'est pourquoi, il faut poursuivre notre effort en direction des petites retraites. Des dispositions ont été prises en 2003 pour augmenter le minimum vieillesse, mais elles sont limitées aux personnes seules.

L'une des mesures sur lesquelles nous souhaiterions revenir sont les plafonds fixés pour les pensions de réversion. Nous souhaiterions également que les polypensionnés dans le secteur agricole ou dans le secteur privé relevant de la CNAVTS puissent faire liquider leur retraite par l'une ou l'autre caisse, en neutralisant par des opérations comptables entre caisses. Ce serait plus juste et cela éviterait que certaines personnes ne soient pénalisées.

En cas de veuvage précoce, il est inutile de prévoir, comme dans la réforme de 2003, le versement d'une pension de réversion sans condition de ressources, car la pension de réversion serait très faible. En revanche, il faudra probablement revoir l'assurance veuvage pour permettre aux personnes qui se retrouvent en situation de veuvage précoce d'avoir un revenu leur permettant de se retourner. Enfin, il faudra réfléchir à un dispositif permettant de mettre en place une rente éducation pour les personnes qui se retrouvent seules avec des enfants en bas âge.

Concernant notre appréciation sur la réforme de 2003 ? En 1993, nous avons laissé passer les trains. Les salariés sont aujourd'hui effarés d'apprendre la baisse régulière du niveau des pensions. Une personne qui a travaillé pendant vingt-cinq ans au plafond de la sécurité sociale ne peut plus prétendre à 50 % de retraite mais au maximum à 43 %. Il n'y a plus une retraite de base supérieure à 1 250 euros pour un cadre. L'AGIRC et l'ARRCO comptent désormais respectivement pour 65 % et 33 % du montant de la retraite totale. Ce ne sont plus des compléments, mais des éléments majeurs de la retraite.

La réforme de 2003 a obligé certains fonctionnaires à supporter la décote, ce qui a entraîné une baisse progressive du niveau de leur retraite. Or, on n'a pas trouvé de solution à cette baisse. Si l'on veut donner confiance aux futures générations, il faut éviter de leur dire que le manque de financement, une démographie défavorable et l'allongement de l'espérance de vie nous mènent dans le mur.

Il faut d'ailleurs relativiser cet allongement de l'espérance de vie. L'espérance de vie en bonne santé est aujourd'hui de 63 ans. L'évolution que nous avons connue au cours des trente dernières années résulte de l'élévation du niveau de vie des retraités qui a entraîné celle de leur niveau de bien-être. La paupérisation d'une partie des retraités – un million d'entre eux vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté et 3 millions vivent avec moins de 900 euros par mois – montre que l'on est en train de détricoter tous les efforts qui ont été réalisés. Il serait dommage que, dans un pays comme le nôtre, on ne s'attache pas à conserver tout ce qui a fait la valeur de notre système de retraite par répartition.

Je suis effaré par la campagne de communication du Gouvernement. En dehors du fait que les 123 photos ne montrent en réalité que 40 personnes différentes portant des tenues vestimentaires différentes – ce qui est un aspect anecdotique amusant –, elle n'a d'autre but que d'appeler l'attention sur le fait que l'espérance de vie n'est pas la même qu'avant. On ne va tout de même pas tuer nos parents ! Si elle avait mis en avant les éléments de solidarité de la retraite par répartition, nous aurions souscrit à la démarche car les retraités doivent être conscients que, si on ne défend pas le système de retraite actuel, leurs retraites en seront également fragilisées. Il faut créer un lien intergénérationnel.

Les mécanismes de solidarité auraient également besoin d'être revus, mais nous marchons là sur des oeufs.

La politique familiale doit être revisitée, car la structure de la famille a évolué depuis 1945 et certaines corrections seraient sans doute justifiées. Mais cela ne peut se faire en deux mois.

Au-delà de ce qui va se passer en juillet, septembre et octobre, il sera donc nécessaire de revoir en permanence le dossier retraite, ne serait-ce que parce que personne n'est capable de prévoir le nombre des naissances ou le taux de croissance économique en 2040 ou en 2050. Il est déjà suffisamment difficile de faire des prévisions au-delà de 5 ou 10 ans !

J'ajouterai aux pistes de financement que j'ai citées tout à l'heure la compensation à 100 % des exonérations de charges sociales. Le fait qu'elles ne le soient qu'à 90 % coûte, chaque année, un milliard d'euros à la CNAVTS.

Comme je l'ai déjà indiqué, nous ne sommes pas opposés à un point de cotisation supplémentaire. Le fait de vivre plus vieux impose de payer un peu plus. Les retraites représentent actuellement 13,2 % du PIB : nous ne sommes pas sûrs que ce taux soit un plafond indépassable. En 1960, les retraites représentaient 5,3 % du PIB, qui s'élevait alors à 370 milliards d'euros. À l'heure actuelle, le PIB atteint 1 700 milliards d'euros. On nous dit que le PIB va doubler d'ici à 2040 ; eh bien, je le souhaite car si c'est le cas, cela signifiera que la France aura encore eu la capacité de se développer.

Nous sommes contre les scénarios catastrophes. Il nous est reproché, ainsi qu'au Conseil d'orientation des retraites, de présenter des chiffres éloignés de la réalité, comme un taux de chômage à 4,5 %. Mais, si vous dites que le taux de chômage va rester à 9 % pendant quarante ans ou que le taux de productivité va stagner à 1,2 % – ce qui signifie, en fait, qu'on fait une croix sur l'industrialisation du pays –, vous allez désespérer complètement la population française.

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