La fragmentation du territoire et la conversion des terres agricoles en zones urbanisées – au rythme de 74 000 hectares par an, soit l'équivalent de plus d'un département tous les dix ans – sont parmi les principales causes de disparition des espèces et de destruction des écosystèmes. Le constat n'est pas nouveau, mais la situation s'est aggravée ces derniers temps.
La France, avec ses territoires d'outre-mer, est concernée par cinq des trente-quatre « points chauds » de la biodiversité mondiale. Ces points chauds – Méditerranée, Caraïbes, océan Indien, Polynésie et Nouvelle-Calédonie – sont des régions particulièrement riches en espèces endémiques ; ils sont aussi particulièrement menacés.
La France abrite près de 10 % des récifs coralliens, ce qui la place au quatrième rang mondial, derrière l'Australie, l'Indonésie et les Philippines.
Selon la liste rouge des espèces menacées établie par l'Union internationale pour la conservation de la nature, la France se classe au huitième rang mondial des pays hébergeant le plus grand nombre d'espèces animales et végétales menacées. L'UICN en dénombre 131 considérées comme étant en danger critique d'extinction, ce qui, dans la classification de l'organisation, constitue le dernier stade avant l'extinction. La grande majorité de ces espèces vivent dans les territoires d'outre-mer.
En France métropolitaine, une espèce d'oiseaux nicheurs sur quatre, un amphibien et un reptile sur cinq, un poisson d'eau douce sur cinq, une espèce de mammifère sur dix sont menacés d'extinction, toujours selon l'UICN. Comme les autres pays de l'Union européenne, la France, qui s'était engagée à stopper l'érosion de la biodiversité d'ici à 2010, n'est pas au rendez-vous. « Sur les cinquante-cinq plans nationaux de sauvegarde d'espèces annoncés en 1996, trente-huit sont encore en cours de rédaction, quinze sont en cours de mise en oeuvre et deux seulement sont achevés », relève Sébastien Moncorps, du comité français de l'UICN.
La stratégie nationale pour la biodiversité, adoptée en 2004, dont l'une des priorités était d'intégrer la protection de la nature au coeur des grandes politiques sectorielles –transports, agriculture, urbanisme... – , n'a pas été mise en oeuvre. Des progrès ont certes été réalisés, comme l'extension des aires protégées : leur superficie représente aujourd'hui 12 % du territoire français, ou encore l'amélioration de l'état de conservation de certaines espèces emblématiques, telles que la loutre d'Europe ou le bouquetin des Alpes.
Mais ces succès ponctuels ne sont pas suffisants pour enrayer le déclin de la biodiversité ordinaire, qui se joue hors des espaces protégés. Le programme de suivi temporel des oiseaux communs a ainsi montré que la France a perdu, en vingt ans, 10 % des oiseaux communs nichant sur son territoire. Ce pourcentage atteint 20 % dans le cas des espèces agricoles.
La création des trames verte et bleue est l'un des piliers du texte. Son but est de conditionner toute nouvelle réalisation d'infrastructure au respect et à la protection de la faune, de la flore, des flux d'espèces. La compatibilité stricte des documents d'urbanisme avec ce maillage de protection est donc le gage d'efficacité de ces corridors écologiques. Une « prise en compte » ne veut rien dire et ne garantit rien. De plus, les sanctions qu'on agite face à ceux qui enfreindraient les règles d'aménagement de ces corridors sont ridicules et n'ont aucun pouvoir de dissuasion. Bis repetita, on l'a vu pour la loi SRU : on préférera payer les pénalités plutôt que d'appliquer la loi…
À la marge, le texte ne dit rien sur les financements de ces infrastructures écologiques que sont les corridors. Les collectivités paieront sans que soient évalués et quantifiés les services rendus en termes de fonctions écologiques des écosystèmes concernés, que l'on pourrait intégrer dans le calcul des dotations de l'État aux collectivités. D'un point de vue global, le coût de la mise oeuvre du Grenelle 2 est estimé à 133 milliards d'euros, la part de ce coût qui sera assumée par les collectivités étant évalué à 71 milliards d'euros. Que restera-t-il quand le Gouvernement aura décidé des coupes sombres qu'il compte effectuer, qui nous ont été annoncées hier soir ? Les collectivités, en raison d'un certain nombre de projets ne seront certainement pas en capacité d'aller au-delà de ce qu'elles font aujourd'hui.
Au-delà du seul principe, la concrétisation d'un maillage trames verte et bleue passe par la réalisation d'inventaires scientifiques, ce qui nécessite des compétences, des moyens humains et financiers, qui manqueront en certains endroits. Elle implique aussi une sécurisation foncière, ce qui signifie une politique d'acquisition de terrains. De notre point de vue, il y a, là encore, une sous-estimation financière.
Cela implique aussi des conventionnements avec les propriétaires, la mise en place de servitudes foncières, difficultés déjà rencontrées pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000. Autant d'aspects sur lesquels le texte nous laisse sur notre faim par un défaut d'accompagnement tant technique que financier
Dans ce contexte, nous présenterons des amendements portant aussi bien sur l'opposabilité que sur les infrastructures ou la création d'outils qui permettront de réaliser au mieux les trames verte et bleue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)