Il n'y a presque rien à ajouter aux propos de notre collègue Nicolas Dhuicq. S'imaginer que des nations comme le Japon ou l'Allemagne ne recouvreront pas un jour leur entière souveraineté serait une erreur. Le Japon demande aux États-Unis d'évacuer certaines bases qu'ils occupent sur son sol depuis la Libération. Une force de libération est devenue une force d'occupation si soixante ou soixante-dix ans plus tard elle est toujours présente. L'Allemagne aura un jour la même démarche. Elle sera plus tournée vers les pays d'Europe centrale ou la Russie que de l'autre côté de l'Atlantique.
Reste à savoir si la DAMB est un appoint indispensable à la souveraineté nationale et un complément à la dissuasion. Lorsqu'il avait été proposé à la France une place dans le système de dissuasion américain, le général de Gaulle avait décliné l'offre, estimant que devoir solliciter l'autorisation de déclenchement du feu aux États-Unis n'était pas compatible avec le principe de souveraineté et d'indépendance nationales. La France a constitué sa propre force de frappe, dont elle a la totale maîtrise.
L'OTAN est une alliance qui a été construite contre l'URSS, mais des évolutions stratégiques majeures sont intervenues depuis, notamment après la chute du mur de Berlin. L'opposition était idéologique : il ne s'agissait pas d'une confrontation des peuples. Nous avions, d'une part, le pacte de Varsovie, sous l'hégémonie de l'URSS, et, d'autre part, les États-Unis avec l'OTAN et l'occupation de certains pays au travers de bases militaires. Or, celles-ci existent toujours en Italie, en Espagne, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, par exemple, jusqu'au déploiement de missiles patriot en Pologne. La Russie a, quant à elle, retiré toutes ses troupes et ses bases de ses anciens satellites.
Si nous avions fait des choix différents de ceux de 1965 - retrait du commandement intégré de l'OTAN, constitution de notre propre force de frappe -, n'aurions-nous pas encore le siège de l'OTAN à Fontainebleau et les plus grandes bases américaines en Europe sur notre propre sol ?
La notion de souveraineté européenne est incongrue. Cela n'existe pas. Tout au plus peut-on croire que les États-Unis accepteront un jour une forme de partage et qu'il existera un pilier. L'Europe ne devrait-elle pas essayer de trouver un juste équilibre plutôt que laisser la Russie et les États-Unis débattre seuls entre eux ? La question de la défense balistique est depuis longtemps l'un de leurs sujets de discussion et nous risquons de nous positionner comme un pourvoyeur de moyens sans maîtriser quoi que ce soit. La question de la souveraineté et de l'indépendance nationales est centrale dans ce domaine.