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Intervention de Yves Cochet

Réunion du 6 mai 2010 à 15h00
Engagement national pour l'environnement — Avant l'article 23 a, amendements 686 687 688

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Cochet :

Il faut, en effet, prendre en compte l'ensemble des coûts, y compris la recherche publique, le démantèlement des centrales, les subventions à la filière, la gestion des déchets pendant des milliers d'années et, ce qui n'est jamais compté, le prix de l'assurance-accident. Celle-ci n'est pas prise en compte parce que, depuis plus de cinquante ans, à cause d'une loi votée aux États-Unis, le Price-Anderson Act, c'est l'État qui paye en dernier ressort pour tous les accidents de l'industrie nucléaire. On l'a vu aussi à Tchernobyl, et il en irait de même dans le reste de l'Europe. Des études d'économistes ont montré que, si le nucléaire n'était pas exorbitant du droit commun en matière de garanties, le kilowattheure coûterait un ou deux centimes de plus.

J'en viens à la gestion des déchets. Comme on le sait, le problème n'est pas résolu. Je me demande comment on a pu lancer une telle industrie sans penser à la gestion des déchets. Il y en a tout au long de la chaîne du nucléaire, dès l'extraction dans les mines d'uranium, au Mali, au Niger et ailleurs ; des centaines de tonnes de minerai sont nécessaires pour obtenir une tonne d'uranium pur ; puis il faut procéder à un enrichissement isotopique afin d'augmenter la proportion d'uranium 235 qui va réagir dans le réacteur ; des tonnes d'uranium appauvri sont produites afin de créer de l'uranium enrichi utilisable dans les combustibles. Que fait-on de tous ces déchets ? L'Agence nationale des produits radioactifs – l'ANDRA – reconnaît elle-même qu'il y a des milliers de tonnes, réparties dans plus de 1 000 sites, dont La Hague, Cadarache, Marcoule. Un reportage récemment diffusé sur une chaîne publique de télévision nous a même appris qu'il y en a des milliers de tonnes en Russie, sur le site de Tomsk-7, un lieu évidemment inabordé et inabordable par les médias.

Je termine par l'argument anthropologique. Essayons de comprendre les différences d'utilisation de l'énergie nucléaire au XXe et au XXIe siècle. Au XXe siècle, l'humanité, à travers les pays les plus développés et les plus civilisés qui soient, a atteint une apothéose dans la manière de se faire la guerre et de provoquer des boucheries absolument horribles : deux guerres mondiales, avec des dizaines de millions de morts. Heureusement, à cette époque, ni le nucléaire militaire ni le nucléaire civil n'existaient – sauf à la fin du conflit, en 1945. L'un d'entre vous peut-il me garantir que, avant la fin du siècle, avant 2100, même en Europe et dans les autres pays nucléarisés, l'homme étant devenu bon, la nature humaine ayant changé, il n'y aura plus jamais de guerre ? La réponse est non. Il faut être un parfait idéaliste, un rêveur, un innocent, pour croire que plus il y aura d'industrie nucléaire, moins il y aura de guerres. C'est complètement idiot ! Plus de nucléaire, cela signifie au contraire plus de déchets, plus de coût, plus de prolifération. En cas de guerre, qui assurera la gestion des stocks d'armement et la maintenance des centrales nucléaires ? Qui l'aurait assurée entre 1914 et 1918, et entre 1939 et 1945 ? Si vous vous posez de telles questions, la réponse est claire : il faut sortir du nucléaire.

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