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Intervention de Patrick Brouiller

Réunion du 28 avril 2010 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Patrick Brouiller, président de l'Association française des cinémas d'art et d'essai, AFCAE :

Pour le professionnel que je suis, il est très réjouissant de voir l'intérêt que porte la représentation nationale aux problèmes majeurs qui nous occupent actuellement. Les précédents avaient, déjà, été résolus par la mise en place d'un encadrement législatif ou réglementaire.

Le sujet est aujourd'hui particulièrement sérieux. Ne pas bien prendre le virage du numérique, c'est remettre en cause le système français. Cela fait plus de cinquante ans que, par une volonté publique permanente, nous avons réussi, par une forme élaborée de mutualisation, à faire exister à la fois un cinéma industriel, générant beaucoup d'entrées, et un cinéma d'auteur. Très souvent d'ailleurs, des films d'auteur ont permis de découvrir des talents qui, ensuite, ont réalisé des films porteurs.

Les salles d'art et d'essai relèvent majoritairement de la petite et moyenne exploitations et se trouvent surtout en milieu rural – parce qu'il y a une volonté publique pour cela : il faut se garder d'oublier les 1 500 à 1 800 salles qui vivent grâce aux collectivités territoriales, soit par mise à disposition d'équipements, soit en bénéficiant de subventions.

Le numérique, sur lequel nous travaillons depuis plus de deux ans et demi, nous ne l'avions pas voulu. La seule alternative qui a été offerte jusqu'à présent est le recours à de nouveaux entrants, les tiers opérateurs – collecteurs ou investisseurs – qui proposent de jouer un rôle d'interface entre exploitants et distributeurs. Mais pour ma part, en tant qu'exploitant, j'ai une négociation directe tous les lundis matins avec mes amis distributeurs – et je rassure Mme Langlade, ma programmation ne s'adresse pas seulement au troisième âge ! L'adoption de la proposition de loi, au demeurant susceptible d'être améliorée, est indispensable pour permettre à chaque exploitant de choisir la manière dont il va passer au numérique, étant entendu que ce passage est impératif. Quatre éléments sont essentiels : la contribution numérique obligatoire, la transparence des contrats liant les exploitants aux distributeurs et les tiers investisseurs à ces derniers, l'encadrement des contributions – à défaut duquel le système serait inefficace –, la déconnexion entre la programmation du film et la négociation de la contribution.

Le numérique peut être une chance pour améliorer l'accès aux films sur l'ensemble du territoire. Bien sûr, il faudra que, tant les distributeurs que les exploitants, aient des obligations à remplir à moyen et à long termes, en contrepartie du soutien public.

Le danger serait de créer un cinéma à deux vitesses, avec d'un côté les salles capables de passer elles-mêmes au numérique et de l'autre toutes celles qui seraient dépendantes de la subvention publique. Il est indispensable d'accompagner les salles les plus fragiles. Et il est tout simplement républicain d'assurer en la matière l'équité entre les territoires.

Quant à la rotation des films, elle existe, c'est vrai, sur certains marchés à forte concurrence, mais je rappellerai que les salles d'art et d'essai conservent la même programmation un peu plus longtemps que les autres…

L'équilibre entre les différentes formes d'exploitation est fragile, mais il est clair qu'il ne peut pas y avoir diversité de la création s'il n'y a pas diversité des distributeurs et diversité des lieux de diffusion. Paris est la première ville au monde en termes d'offre cinématographique, et en province la diversité de l'offre est grande aussi ; il ne faudrait pas qu'un changement technique remette cela en cause. Certains exploitants indépendants souhaitent pouvoir se regrouper pour faire face aux évolutions. Il faut absolument offrir aux exploitants un choix, et non leur offrir comme seule alternative les tiers collecteurs ou investisseurs.

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