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Intervention de François Baroin

Réunion du 28 avril 2010 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances rectificative que je vais vous présenter aujourd'hui revêt un caractère particulier dans l'histoire des finances publiques de notre pays. Il marque une nouvelle étape dans la construction européenne et témoigne de la destinée commune et de la solidarité qui lient les États membres par la monnaie unique. La situation de la Grèce met en lumière son fonctionnement et l'insincérité de son gouvernement précédent quant à l'évaluation de son niveau de déficit, passé en quelques semaines de 6 % à 12 % de PIB. Mais, comme je l'ai dit hier en réponse à des questions d'actualité posées par M. Eckert et M. Lequiller, l'attaque lancée contre la Grèce est une attaque contre notre monnaie. Face à cela, la solidarité au sein de l'Union, portée par la France, est une exigence car cette instabilité générale a des conséquences immédiates sur l'Europe tout entière.

Les observateurs ont anticipé sur un éventuel défaut de paiement de la Grèce, estimant que le risque s'était accru de façon très significative, avec une accélération hier sur laquelle je reviendrai.

Les États de la zone euro ne pouvaient rester sans rien faire face à cette situation qui pouvait, à terme, porter un grave préjudice à notre monnaie commune.

C'est pourquoi, dès le 11 février, les chefs d'État et de gouvernement de la zone euro ont déclaré qu'ils prendraient les mesures coordonnées nécessaires pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble.

Les modalités techniques d'un éventuel plan de soutien ont été précisées lors du Conseil européen des 25 et 26 mars : le soutien financier interviendrait en dernier recours, en particulier si le financement des marchés devait se révéler insuffisant. Il prendrait la forme d'un accord, comprenant une implication financière du FMI – à hauteur de 15 milliards d'euros – et une majorité de financement européen par le biais de prêts bilatéraux des pays membres de la zone.

Ces modalités d'intervention ont été une dernière fois précisées le 11 avril dernier : le montant maximal de l'aide annoncée s'élèverait, pour la première année, à 30 milliards d'euros, apportés par les États membres de la zone euro, auxquels s'ajouteraient des fonds apportés par le FMI. Les États membres de la zone euro contribueraient à cette aide sur une base reflétant leur poids économique au sein de la zone. Cette aide prendrait la forme de prêts qui seraient rémunérés à un taux non concessionnel, qui atteindrait environ 5 % pour un prêt à taux fixe sur trois ans, soit un taux nettement supérieur à celui auquel les autres États membres de la zone, notamment la France, se financent (aux alentours de 1,5 % pour ce qui concerne notre pays).

L'octroi de cette aide est naturellement conditionné à la mise en oeuvre effective du programme d'assainissement des comptes publics sur lequel le gouvernement grec s'est engagé et qui devrait permettre de réduire le déficit public de quatre points de PIB dès cette année. Les efforts demandés par le gouvernement grec à sa population sont considérables.

Vendredi dernier, 23 avril, le gouvernement grec a demandé officiellement à ses partenaires l'activation du mécanisme décidé le 11 avril. Avant qu'il ne fasse cette demande, il était convenu qu'il faudrait se tenir prêt à réagir vite dans l'hypothèse où la Grèce deviendrait incapable de refinancer sa dette sur les marchés financiers. C'est pourquoi les États membres s'étaient engagés à prendre les mesures nécessaires, au niveau national, pour être en mesure de fournir rapidement une assistance à la Grèce. Cette urgence est d'autant plus d'actualité désormais. Il appartient maintenant à la Commission, à la Banque centrale européenne, la BCE, et au Fonds monétaire international, le FMI, d'évaluer la situation.

Des mécanismes de contrôle sont absolument nécessaires : la solidarité n'exclut pas l'exigence et la fermeté – position du Gouvernement, que j'ai rappelée hier –, et nous serons bien évidemment très attentifs aux mesures prises par la Grèce et à leurs résultats.

Ce projet de loi de finances rectificative, que Christine Lagarde et moi-même présenterons en séance publique le 3 mai, répond ainsi à cette urgence et vise à mettre en place les moyens juridiques et budgétaires pour autoriser le concours de la France à la Grèce, puisqu'elle vient d'en faire la demande.

Il ouvre donc pour 2010 un total de 6,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement, sur un programme créé à cet effet : « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro ».

Les 6,3 milliards d'euros pour 2010 correspondent à l'engagement maximal de la France sur les 30 milliards d'euros d'aide européenne annoncée pour la première année, soit 20,97 %. Le niveau de participation de chaque État membre est en effet calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale nationale au capital de la BCE.

À titre conventionnel, l'estimation du montant global de prêt effectif par la zone euro à la Grèce correspond à environ deux tiers du besoin de financement global de l'État grec estimé jusqu'à la fin de l'année. Le montant des crédits de paiement ouverts en France s'élève donc à 3,9 milliards d'euros pour 2010. Le tiers restant du prêt de la zone euro à la Grèce est supposé couvert par des ressources levées par les autorités grecques, soit directement sur le marché, soit via le FMI.

Il s'agit d'une hypothèse haute, car la mise en place du plan de soutien et sa traduction concrète dans chacun des États membres ont véritablement pour objectif un retour rapide de la Grèce sur les marchés financiers et non une mise sous perfusion durable.

Je précise que ces ouvertures de crédits n'ont pas d'impact sur le déficit public de notre pays, puisqu'il s'agit d'une opération financière – un prêt – et non d'une dépense définitive pour le budget de l'État.

Quel que soit le montant décaissé au titre des prêts à la Grèce, la prévision de déficit public pour 2010 reste donc inchangée par rapport au montant notifié il y a quelques jours à la Commission européenne, à savoir huit points de PIB.

En revanche, le déficit budgétaire se doit de refléter l'ensemble des crédits budgétaires autorisés, même si leur décaissement n'est pas à ce stade certain et qu'il ne s'agit pas d'une dépense définitive. C'est la raison pour laquelle le déficit budgétaire s'établit, dans le projet de loi de finances rectificative, à 152 milliards d'euros, en dégradation de 3 milliards par rapport au chiffre du collectif sur l'emprunt national.

La dégradation n'est pas de 3,9 milliards, mais de 3 milliards d'euros, car l'ouverture de 3,9 milliards de crédits de paiement est en partie compensée par une réévaluation à la hausse des recettes de TVA, environ 900 millions d'euros. Cette nouvelle estimation traduit simplement, dans l'équilibre du budget de l'État, le surcroît de recettes de TVA, que nous avons notifié à Bruxelles le 8 avril.

Ces ouvertures de crédits n'ont pas non plus d'impact sur la charge de la dette et ne supposent pas de modifier le programme d'émission de la dette française – ni pour la dette à moyen et long terme, ni pour la dette à court terme –, qui reste donc identique à celui présenté à l'occasion du collectif « Grand emprunt ». Le financement du surcroît de déficit lié aux prêts ainsi autorisés serait en effet couvert par 2,4 milliards d'euros d'apport net en trésorerie des primes enregistrées sur les émissions de titres à moyen et long terme réalisées depuis début janvier et par un ajustement de 600 millions d'euros de la contribution du compte du Trésor.

Pour conclure, je tiens à souligner le caractère particulier de ce collectif.

Comme je vous l'ai dit, cette démarche est avant tout l'aboutissement d'une décision concertée et collective. L'ensemble de nos partenaires fait ou s'apprête à faire de même. Ainsi, le gouvernement néerlandais a-t-il déjà saisi son Parlement de la question. De la même manière, les autres pays de la zone euro sont en train de franchir ou franchiront rapidement dans leur droit interne les étapes nécessaires à la mise en oeuvre du dispositif.

Le Gouvernement demandera au Parlement que ce projet de loi de finances rectificative soit examiné en urgence pour que le dispositif d'aide à la Grèce puisse être activé sans délai. Aussi, pour s'assurer que ce projet de loi reste bien concentré sur son unique objet, il ne contient que cette unique disposition. C'est d'ailleurs pourquoi d'autres dépenses urgentes – aide à Haïti, suites de la tempête Xynthia – font l'objet, comme c'est l'usage à ce stade de l'année, d'un décret d'avance qui a été transmis en début de semaine aux commissions des finances des deux assemblées.

Le Gouvernement compte donc sur l'esprit de responsabilité de l'ensemble des parlementaires pour que, à l'image de la loi de finances rectificative d'octobre 2008 sur le financement de l'économie, les débats se concentrent sur l'objet du projet de loi et permettent son adoption dans les plus brefs délais. Je vous remercie de l'esprit dans lequel nous avons pu préparer cette réunion, d'autant plus que la situation est sérieuse et très exigeante.

Concernant les engagements des banques françaises, le niveau de l'ensemble des actifs des groupes bancaires les plus internationaux ayant des positions en Grèce est d'un demi pour cent, pas plus. On est donc loin d'un risque systémique, comme lors de l'affaire Lehman Brothers où l'effet domino et la position de l'administration américaine avaient provoqué la crise que nous connaissons. D'après nos informations, ce n'est ni le même risque, ni la même ampleur, ni les mêmes positions.

Quant à la position de l'Allemagne, les hésitations de la chancelière, dues à ce temps de latence lié à des élections régionales importantes pour la coalition allemande, ont incontestablement nourri les raisons du doute. Mais ce qui importe, ce sont ses propos, avant-hier, selon lesquels « l'Allemagne apportera son secours lorsque les préalables seront réunis ; nous y apporterons notre contribution ; je fais confiance aux négociations menées par le FMI et la Commission européenne avec la Grèce ».

La chancelière allemande a tenu compte de l'accélération de la spéculation des marchés. En réalité, il s'agit d'une course de vitesse.

Je crois que le message est passé. Cette annonce confirme les échanges que nous avons avec le gouvernement fédéral allemand : elle reflète la claire conscience qu'a l'Allemagne de son rôle dans le déclenchement du processus de soutien aux Grecs. Nous n'avons donc aucun doute sur la volonté de ce pays – malgré les hésitations et l'état d'esprit de l'opinion publique allemande – d'entrer dans ce dispositif de soutien. Cela se fera.

J'en viens au taux de 5 %. On ne peut pas, d'un côté, annoncer une aide à un pays en difficulté, qui a mené des politiques inappropriées et menti sur ses déficits et, de l'autre, se voir reprocher que cette aide revête la forme d'un prêt. Ce prêt est relativement avantageux puisque nous empruntons à environ 1,5 %.

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