Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après de longs mois d'hésitations et de tractations, le texte visant à réformer les réseaux consulaires est enfin inscrit à l'ordre du jour de nos travaux. Je ne porterai pas de jugement sur les dispositions du projet de loi relatives aux chambres de métiers : vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, de dire que la profession artisanale l'a adopté presque unanimement – dont acte.
Pour les chambres de commerce et d'industrie, je n'ai pas la même analyse. La réforme, oui, mais pas n'importe quelle réforme. Suite à la loi Dutreil de 2005 relative à la gestion des réseaux, les chambres ont fait preuve de dynamisme, puisque plus de trente d'entre elles ont déjà fusionné. Malgré cela, vous avez décidé d'accélérer la disparition des chambres locales par la réforme de la régionalisation telle qu'elle est envisagée.
L'ACFCI, l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, tête de pont du réseau, a donc présenté une réforme presque clés en main au Gouvernement, l'assurant du total soutien de l'ensemble des chambres de commerce de France. Mais la vérité est bien plus complexe. Ayant fait le tour de France des chambres, je tiens à vous livrer mon constat.
Tout d'abord, ce projet n'a fait l'objet d'aucun débat sérieux entre les chambres. Des simulacres de réunion ont été organisés ; au fil des mois, de nombreuses chambres se sont désolidarisées de l'ACFCI, et l'ambiance au sein du réseau s'est profondément tendue. Les chambres des futures métropoles ont demandé un régime dérogatoire ; les chambres locales veulent garder une autonomie financière, donc de décision ; les chambres de commerce et d'industrie de Paris souhaitent un statut particulier, qu'elles obtiennent alors que les chambres de la région parisienne – Essonne et Seine-et-Marne – ne sont pas d'accord. Bref, ce texte réussit le tour de force de ne satisfaire personne…
Il existe à ce jour deux difficultés majeures. La première concerne l'organisation des élections : elles devaient se tenir en novembre dernier ; un cavalier législatif les a repoussées en 2010, avec l'espoir d'appliquer le nouveau système électoral proposé par le texte, système dont je doute fort qu'il soit applicable. S'il y a six collèges dans une chambre comprenant trois représentants, trois seront élus pour rien.
Autre difficulté : alors que l'on ne sait pas ce que sera le futur paysage des collectivités territoriales, on veut modifier les cartes des bassins économiques. Le scénario retenu est celui d'une régionalisation à 100 %. Or mes amendements au projet de loi, et ma proposition de rédaction modifiée de l'article 79 de la LFI pour 2010, permettent de combiner trois dispositions : la transposition aux CCI de la contribution économique territoriale, par un partage d'assiette en deux bases, à savoir le foncier – pour 40 % – et la valeur ajoutée – pour 60 % – ; deuxièmement, le vote d'un produit plutôt que d'un taux, ce qui évitera la péréquation et la baisse annuelle des taux ; troisièmement, une répartition en trois parts de la TACET – nationale, régionale et territoriale –, qui peut être régulée par les trois niveaux du réseau consulaire, qui, eux, ne sont pas étanches, sur la base d'un plafond global voté par le Parlement.
En résumé, ma vision alternative de la réforme tient en trois propositions. La première consiste à ventiler le financement en trois parts autonomes, par bloc de compétences, comme c'est le cas pour les collectivités locales ; la deuxième, à proportionner le transfert de personnels au niveau régional par des blocs de compétences adaptés à chaque région – certaines ont des ports, d'autres des aéroports, d'autres encore gèrent des industries : il faut en tenir compte – ; la troisième vise à renforcer politiquement le niveau régional en y concentrant les exécutifs territoriaux : les élus consulaires régionaux sont des membres des bureaux des CCI locales. On ferait ainsi l'économie d'une usine à gaz électorale impossible à mettre en oeuvre, et pour laquelle une censure de l'une ou l'autre des deux hautes juridictions – Conseil constitutionnel et Conseil d'État –, voire des deux, n'est pas à exclure.
Il est enfin savoureux de constater que ce texte touchera toutes les chambres de commerce, sauf l'ACFCI qui en est à l'origine ; pourtant, il y a matière à la réformer, tant sa gestion financière et des ressources humaines est catastrophique.
La réforme, afin d'être mise en oeuvre rapidement et avec efficacité, doit être appropriée par chaque acteur. Elle ne doit pas se résumer à une incantation, comme c'est malheureusement le cas avec ce texte conçu au motif fallacieux de la RGPP.
En conclusion, plusieurs orateurs ont parlé de proximité ; mais la proximité passe par des moyens de décision et des financements. Or, dans la rédaction actuelle du texte, et contrairement à ce que j'ai pu entendre, ces objectifs ne sont pas atteints. Nos CCIT – chambres de commerce et d'industrie territoriales – sont tributaires, pour leur budget, d'un vote régional à la majorité qualifiée des deux tiers. Je souhaite bien du plaisir au président de la CCIT, élu au suffrage universel, qui aura à travailler avec un directeur nommé par un autre président !
Monsieur le secrétaire d'État, au cours de mes trois mandats de parlementaire, ma fidélité à la majorité a été sans faille. Mais ce projet met en péril notre territoire, que vous connaissez bien : il a perdu 28 000 mineurs, ainsi que 5 000 emplois dans la sidérurgie et 1 500 dans le textile. Il a fallu remonter la pente, et c'est ce que nous avons fait : non pas seuls, mais précisément avec l'aide des chambres de commerce. Si celles-ci deviennent de simples annexes de chambres régionales, il y a beaucoup de souci à se faire pour l'avenir économique de nos territoires. Aussi, et croyez bien que j'ai du mal à le dire, si le texte restait en l'état, je ne le voterais pas.