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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 27 avril 2010 à 21h30
Réseaux consulaires commerce artisanat et services — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, il faut d'abord resituer cette réforme dans son contexte, en rappelant la prescription n° 297 du rapport de Jacques Attali visant à « réduire de 175 à une cinquantaine le nombre de chambres de commerce et d'industrie, au motif que l'efficacité et la nécessité de ces chambres dans leurs formes actuelles avec leurs missions actuelles ne sont plus établies sur le territoire ». Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'État, n'a pas été jusqu'à retenir le contrat de performance qu'il proposait. Il est vrai qu'il s'agissait d'une mesure un peu extrême, même pour des libéraux comme vous !

Le Gouvernement aurait donc mis le marché entre les mains des présidents de CCI : « Réformez vous avant que je ne le fasse ! »

Il en résulte un texte : le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Fruit, paraît-il, de la recherche d'un équilibre entre régionalisation et proximité. Fruit, c'est certain, d'un difficile compromis entre les différentes sensibilités des présidents, mais arbitré par la recherche d'économies, finalité ultime de la révision générale des politiques publiques.

Certes, l'objectif affiché de ce texte est d'« optimiser le fonctionnement des réseaux et d'accroître leur efficacité, tout en réduisant le poids de la fiscalité consulaire supportée par les entreprises ». La solution proposée est-elle la bonne ? Comme l'indique le président de la CCI des Landes dans un courrier : « La concentration du pouvoir à l'échelon régional avec la création d'une nouvelle technostructure ne sera ni facteur de performance pour nos territoires, ni une garantie d'économie au sens de la RGPP ».

Si les évolutions de certains bassins d'emplois remettent en cause la pertinence de l'existence de quelques CCI, le grand atout de ces établissements demeure leur proximité, comme l'a rappelé Jean-Pierre Brard cet après-midi. La réforme proposée ici prive les chambres de commerce et d'industrie territoriales de toute indépendance financière et stratégique. Mesure d'autant moins pertinente si l'on considère que ces établissements, qui seront regroupés sous l'égide d'une seule et même chambre de commerce et d'industrie de région, sont aujourd'hui en concurrence en matière d'attractivité des territoires, en particulier dans le domaine commercial.

Cette réforme intervient de plus dans un contexte économique tendu, à un moment où les entreprises, en particulier les PME et les PMI, ont besoin d'être soutenues, alors qu'elles sont impactées par la crise et demandeurs d'aides et de conseils et pas toujours uniquement de moyens financiers

On peut entendre l'argument qui consiste à vouloir mettre en place des interlocuteurs « privilégiés » face aux collectivités locales ou aux services déconcentrés de l'État.

Il ne faut pas cependant préjuger une future réforme des collectivités territoriales qui n'est pas encore votée et dont on sait qu'elle soulève de nombreuses interrogations et contestations, toutes tendances politiques confondues.

Par ailleurs, comment accepter la conception maximaliste proposée ici ? Pourquoi subordonner ainsi les chambres de commerce et d'industrie territoriales aux chambres de commerce et d'industrie régionales ? La loi du 2 août 2005 relative aux PME a complété la réforme des réseaux consulaires déjà engagée en clarifiant les missions et en restructurant le réseau. Si le rôle d'interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et des acteurs économiques régionaux a été renforcé, les chambres régionales de commerce et d'industrie ne se sont pas encore imposées comme opérateurs de plein exercice. Pour certains, c'est la faiblesse de leur budget qui est en cause, le montant cumulé de leur budget étant de 120 millions d'euros contre plus de 4 milliards pour les chambres de commerce et d'industrie.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas avoir retenu la solution proposée par différents intervenants, consistant à ventiler le financement des chambres en trois parts, afin que toutes conservent leur autonomie financière. À juste titre, les présidents de chambres de commerce et d'industrie territoriales redoutent de ne plus pouvoir élaborer de stratégie de développement, faute de moyens financiers et humains suffisants.

Pourquoi, dans la région Île-de-France, introduire une « exception francilienne », en créant une chambre unique, composée de « chambres départementales » privées de leur statut d'établissement public ? Pourtant, un document cadre, adopté par la majorité des CCI, lors de l'assemblée générale de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, le 14 avril 2009, prévoyait le maintien du statut d'établissement public pour les CCI territoriales. À juste titre, les présidents des CCI de l'Essonne et de la Seine-et-Marne appellent l'attention sur le fait que « à l'heure du projet de loi sur le Grand Paris, nous avons besoin de préserver un développement équilibré dans le reste de la France. L'Essonne et la Seine-et-Marne sont économiquement proches à la fois de la région capitale et des régions voisines et on doit leur laisser les moyens d'exprimer la voix d'entreprises qui ont des besoins différents de celles de Paris et de la petite couronne ». Je partage bien évidemment ces préoccupations.

Au-delà, cette décision nourrit le doute quant à votre volonté de maintenir le caractère public de l'ensemble des CCI territoriales, avec les conséquences qu'aurait une telle dérive, entre autres, mais pas seulement, pour les personnels. Car la question des moyens humains est remarquablement oubliée dans ce texte. Que deviennent les 30 000 ou 32 000 collaborateurs qui travaillent, chaque jour, au sein de ces établissements consulaires ? Le projet de loi occulte volontairement les conséquences sociales qu'il induit. Les modalités de leur transfert des chambres de commerce et d'industrie territoriales vers les chambres de commerce et d'industrie régionales, transfert que nous dénonçons par ailleurs, sont renvoyées à des commissions paritaires régionales qui n'existent pas et dont les conditions d'élection ne sont même pas définies. Sans oublier que si la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 indique ce que sont membres de la CPN, « six représentants du personnel désignés par les organisations syndicales les plus représentatives », aucune élection nationale n'a été organisée depuis bien longtemps. Le texte met en place une mobilité à l'échelle régionale, parle de mutualisation des fonctions support, de règlement intérieur unique, mais les personnels concernés n'ont pas été concertés.

Eu égard à l'importance de la réforme que vous proposez, la moindre des choses ne serait-elle pas d'appliquer, comme dans les autres établissements publics, les accords de Bercy sur la représentativité syndicale ? C'est pourquoi nous soutiendrons un amendement proposant que soient organisées, avant juin 2011, une élection nationale sur liste, afin d'élire les représentants des personnels à la CPN et des élections régionales, sur le périmètre des futures chambres de commerce et d'industrie régionales, avant le début des négociations locales.

À juste titre, les personnels sont inquiets. Ils savent qu'ils vont être impactés par la réforme et demandent concertation, démocratisation et garanties.

Votre projet de loi aborde la transposition de la directive « Services » dans plusieurs secteurs. Le Gouvernement, certainement échaudé par la mobilisation citoyenne en 2005 contre un texte menaçant les services publics et encourageant le dumping social, a fait le choix d'une transposition progressive de cette directive, au fur et à mesure des projets de loi, renonçant ainsi à une loi cadre.

Nous condamnons totalement cette façon de procéder.

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