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Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 27 avril 2010 à 21h30
Réseaux consulaires commerce artisanat et services — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Fioraso :

En fait, pour revenir aux CCI, ce texte est né d'un zèle de l'Assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, en décembre 2008, pour « faire mieux et moins cher », selon les propos de son président – des propos qui auraient pu aussi bien être tenus par un autre Président –, en révisant les politiques consulaires dans l'esprit de la RGPP.

On devrait toujours se méfier de ce type de formules. On se souvient du « travailler plus pour gagner plus », dont on a pu mesurer l'efficacité. Nous craignons que cette réforme ne se termine de la même manière : faire moins bien, et pas moins cher, au détriment du développement des territoires.

Fort de l'appui annoncé de l'ACFCI, fort des préconisations du rapport Attali, et surtout désireux de faire des économies sur le dos des territoires sans pour autant supprimer le bouclier fiscal – on revient à l'idéologie dont parlait Jean-Pierre Brard cet après-midi –, vous vous êtes lancé, monsieur le secrétaire d'État, dans une réforme que vous aviez cru acquise, en ayant tout oublié, au passage, des avatars de la réforme pourtant récente de la carte judiciaire. Et la réalité s'est vite imposée. Personne ne s'est retrouvé dans cette réforme de type Gosplan – un comble lorsqu'on connaît votre libéralisme, d'ailleurs assumé –, dans laquelle tous les territoires se retrouvent logés à la même enseigne : perte de l'initiative et de l'autonomie des chambres proches du terrain et des acteurs locaux au profit d'une régionalisation mal faite et ne tenant pas compte de la diversité des territoires.

Quatre exemples en témoignent. Celui des régions PACA et Rhône-Alpes, tout d'abord, les deux plus importantes après Paris-Île-de-France, dont le développement économique et le rayonnement sont complémentaires, et non concurrents, mais différents et fondés sur deux pôles, Marseille et Nice pour la première, Lyon et Grenoble pour la seconde. Pour elles, une régionalisation, appliquée simplement, pénaliserait le développement et l'emploi de l'ensemble du territoire, et pas seulement de Grenoble ou de Nice.

A contrario, qu'adviendra-t-il de territoires comme la Bretagne, où des zones de développement vont se retrouver à plus de 200 kilomètres de la chambre de commerce et d'industrie régionale, avec une réalité de développement bien différente de celle imaginée à une échelle centrale ?

Troisième exemple, celui des pôles métropolitains, dont la loi va débattre prochainement, et qui étaient complètement absents du texte initial, alors même que, au plan national, européen, et même mondial, la dynamique économique de cette échelle métropolitaine affirme de plus en plus son efficacité et sa pertinence.

Dernier exemple, et non des moindres, puisqu'il pèse plus de 30 % dans la dynamique économique nationale, celui des chambres de Paris-Île-de-France, dont la prestigieuse CCIP. C'est un statut assez étonnant que vous nous proposez.

Face à la levée des mécontentements, tous légitimes, et pour éviter le fiasco, vous avez demandé à la rapporteure, Catherine Vautrin, de raccommoder tout cela ou, pour le dire de façon plus triviale, de rattraper le coup. Bonne élève, Catherine Vautrin a donc pris son bâton de pèlerin, a procédé de façon très ouverte, je dois le reconnaître, à de nombreuses auditions, palliant ainsi le manque de concertation et de vision initiales, d'où le décalage entre le dépôt du projet de loi, fin juillet 2009, et sa venue en débat dans notre hémicycle, pourtant en urgence, paraît-il. Compte tenu du contexte, le projet dont nous allons débattre n'a plus grand-chose à voir avec le projet initial.

La rapporteure, après les auditions, en toute honnêteté, a bien dû intégrer tant bien que mal la diversité des demandes de modifications correspondant à la diversité des territoires. D'où un nombre impressionnant d'amendements de la rapporteure, qui amènent de fait en débat un texte nouveau, assez hétéroclite, très éloigné du texte initial et pas plus consensuel pour autant, comme en témoigne d'ailleurs la vivacité des débats au sein de votre majorité – que je n'oserai pas qualifier elle aussi d'hétéroclite – au sein de la commission des affaires économiques.

On relève des innovations juridiques, comme en Île-de-France, où des chambres départementales regroupées perdraient le statut d'établissement public tout en en gardant l'autonomie. C'est une espèce de Canada Dry destiné à calmer le jeu dans un territoire stratégique, à rassurer la CCIP et à éviter de bloquer l'ensemble du projet. Et l'on voit bien, à cet acharnement à conduire un texte improbable jusqu'au bout, que ce n'est pas le fond qui importe, mais bien les économies qu'il va permettre, avec des réductions de personnel à la clef, que l'on se garde bien d'évoquer mais qui vont bel et bien se poser, surtout avec la baisse annoncée du financement de l'État, qui commence à inquiéter même l'initiateur de cette loi, je veux parler de l'Assemblée générale des chambres françaises de commerce et d'industrie, dont l'inquiétude s'est manifestée tout au long de cette journée dans les couloirs de l'Assemblée.

Cela explique l'insistance sur les missions rémunérées des CCIT et CCIR, qui prendront le pas sur les missions de service public et d'intérêt général et transformeront les nouvelles chambres en super-consultants : cette évolution n'est pas acceptable.

Pas plus que nous ne pouvons accepter la réécriture totale d'un projet de loi par la même majorité, au détriment du débat parlementaire démocratique et surtout au détriment de l'efficacité économique sur le territoire, avec à la clef le maintien et la création d'emplois.

Après la méthode, c'est le contexte qui nous amène à rejeter ce projet de loi, et ce à deux titres.

Tout d'abord, le contexte économique : alors que nous ne sommes pas sortis, contrairement à ce qui a été dit, monsieur le secrétaire d'État, de la crise économique et sociale suscitée par la crise financière, que nos emplois industriels sont chaque jour menacés, que les délocalisations s'accélèrent, est-ce vraiment le moment de déstabiliser l'animation économique du territoire, à laquelle contribuent les organismes consulaires ? La réponse est évidemment non.

Ensuite, le contexte politique : au moment même où la réforme de l'organisation des collectivités territoriales et de leurs compétences est en plein débat, et un débat lui aussi difficile, avec un projet de loi en perspective, est-ce le moment opportun pour modifier l'organisation territoriale d'un partenaire économique important comme les chambres consulaires, alors même que la compétence économique des territoires n'est pas encore clairement définie ni répartie ? La réponse, là encore, est non, d'autant que le projet de loi ne prend pas suffisamment en compte – nous en reparlerons lors de l'examen des amendements – le nécessaire partenariat entre organismes consulaires et collectivités territoriales.

L'exemple des MIN est révélateur de l'insuffisance de ce projet de loi, tant sur la méthode que sur le fond. Une négociation s'était engagée entre les MIN et leurs ministères de tutelle pour adapter leur statut à la directive européenne sur les services. Le principe d'une réforme progressive avait été acté, avec un aménagement concerté du périmètre de référence, qui est de fait un périmètre de protection. Or, en catimini, et à la surprise générale des MIN, la rapporteure a introduit un amendement tendant à la suppression pure et simple de ce périmètre, mettant ainsi en cause la pérennité de ces marchés. C'est non seulement une insulte à la concertation en cours, mais c'est aussi une contradiction évidente avec l'esprit du Grenelle, puisque les MIN, sous maîtrise publique, permettent les circuits courts, la diffusion d'une alimentation issue de l'agriculture raisonnée et biologique favorable à la santé des personnes âgées, à la prévention des maladies chez les jeunes enfants scolarisés bénéficiaires de la restauration collective publique – laquelle s'appuie sur les MIN lorsqu'il y en a –, et à la santé des utilisateurs des marchés de détail. J'ajoute que, grâce à une logistique concentrée et organisée, les MIN évitent la circulation de camions,…

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