Néanmoins, le RSA mouture 2008 atteste à l'évidence que gauche et droite n'ont pas la même conception de la lutte contre la pauvreté.
En effet, là où une politique économique et salariale volontariste est nécessaire pour faire évoluer la situation des travailleurs pauvres et pour lutter contre la précarité, vous mettez en place une politique sociale financée par l'impôt, au risque d'institutionnaliser cette précarité, puisqu'aucune contrepartie, aucune obligation n'est demandée aux entreprises.
Là où nos citoyens les plus exclus ont besoin d'un accompagnement social, certes rénové – et vous avez raison de vouloir le rénover –, vous supprimez le RMI et n'envisagez pour eux comme unique réponse que les seuls revenus du travail comme rempart contre la pauvreté. Or nous savons tous que la difficile question de l'insertion ne se limite pas à l'insertion professionnelle. Ainsi, de récents travaux de l'INSEE montrent que la pauvreté est aussi très souvent liée à des carences antérieures – de santé, de lien social. La pauvreté des liens commandant celle des biens, selon la formule de l'article d'un grand quotidien du soir, au titre évocateur : Non au RSA et à ses effets pervers.
En effet, le dispositif du RSA, avec l'inscription obligatoire au service public de l'emploi, conjugué à la loi du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi, pourra conduire certains allocataires à être radiés du service de l'emploi et du RSA, les pénalisant doublement et les mettant dans une situation d'exclusion maximum, victimes collatérales de votre dispositif.
Nous souhaitons tous que nos concitoyens en situation d'exclusion retrouvent une place dans la société et nous avons tous la conviction que le travail est un élément de structuration personnelle fondamental.
Contrairement à l'idée que le Gouvernement essaie d'accréditer dans l'opinion publique, en montant encore une fois les Français les uns contre les autres, il n'y a pas d'un côté ceux qui voudraient maintenir nos concitoyens dans l'assistanat et de l'autre ceux qui voudraient qu'ils travaillent.
Reste que la réalité s'impose à nous et l'ignorer n'a jamais permis de la faire céder : oui, la question de l'employabilité se pose ; oui, certains allocataires des minima sociaux sont dans une telle situation de déstructuration physique, psychologique, sociale, humaine tout simplement, que se limiter à parler pour eux d'insertion par l'emploi en oubliant tout accompagnement social personnalisé est un non sens absolu.
Preuve de cette déstructuration profonde qui va croissant : les dépenses que les départements consacrent au RMI augmentent alors même que le nombre d'allocataires diminue. De fait, ceux qui restent dans le dispositif sont les plus fragilisés, les plus éloignés de l'emploi ; je dirais qu'ils constituent le noyau dur des allocataires. C'est pourquoi, le niveau des plans moyens de RMI que les départements sont amenés à verser augmente.
Qui plus est, et vous le savez, monsieur le haut-commissaire, le travail est rare. Nous le constatons malheureusement chaque jour dans nos circonscriptions et dans nos permanences. J'ai, quant à moi, et j'aurai toujours, philosophiquement, du mal à stigmatiser comme profiteurs du système tous ceux qui, pour une raison ou une autre, n'arrivent pas à trouver leur place dans notre société.
Dans ce contexte, qu'adviendra-t-il des millions d'allocataires actuels du RMI les plus éloignés de l'emploi, et pour lesquels le RSA n'apporte pas de vraie réponse ?