L'Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi en première lecture il y a un peu plus d'un an, le 22 janvier 2009. Elle nous revient en deuxième lecture dans une rédaction dont le Sénat a, sur certains points, considérablement déplacé les équilibres.
Les règles encadrant la recherche sur la personne forment un mille-feuille législatif, issu des textes successifs qui ont modifié et complété une loi fondatrice, la loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988 : directive européenne de 2001, loi relative aux droits des malades de 2002, loi relative à la politique de santé publique de 2004, loi de bioéthique de 2004, loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel de 2004, loi de programme pour la recherche de 2006. Le manque de cohérence qui découle de ce régime juridique a pour conséquence de bloquer les chercheurs, sans pour autant renforcer la protection des patients.
En établissant un cadre juridique commun à toutes les recherches, et des règles de protection des personnes proportionnées aux risques et aux contraintes qu'elles subissent, le texte que nous avons adopté en première lecture proposait un régime juridique plus équilibré, favorisant la recherche tout en garantissant la sécurité des personnes qui s'y prêtent.
Certaines des modifications introduites par le Sénat me semblent aller dans le bon sens. La formulation plus heureuse de « recherches impliquant la personne humaine » est conforme à l'esprit de la convention d'Oviedo et permet d'inclure les personnes en état de mort cérébrale dans le champ d'application de la loi. Le statut des tests de produits cosmétiques ou alimentaires au regard du régime des recherches est clarifié. Les conditions requises pour qu'une pharmacie hospitalière distribue à d'autres pharmacies à usage intérieur les produits nécessaires à une recherche ont été assouplies. Par ailleurs, les sénateurs ont supprimé l'avis du Comité consultatif sur le traitement de l'information en matière de recherche dans le domaine de la santé, redondant avec le travail de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Les sénateurs ont également assoupli les conditions dans lesquelles des personnes non affiliées à la sécurité sociale peuvent se prêter à des recherches non-interventionnelles. Cette mesure sera particulièrement utile pour développer les études françaises sur les maladies émergentes – on assiste par exemple à une recrudescence de la tuberculose – ou les populations migrantes. Par ailleurs, les promoteurs français pourront solliciter l'avis d'un comité de protection des personnes français sur des projets de recherche mis en oeuvre hors de l'Union européenne.
Le Sénat a, en outre, clarifié les règles de financement des produits de santé par l'assurance maladie dans le cadre d'adaptations.
Enfin, les sénateurs ont prévu que les chercheurs pourront examiner les caractéristiques génétiques d'une personne sans son consentement exprès – une personne décédée, par exemple – à partir de prélèvements biologiques initialement effectués à une autre fin.
Demeurent quatre problèmes majeurs.
En premier lieu, le Sénat a souhaité que le comité de protection des personnes chargé de se prononcer sur un projet de recherche ne soit plus choisi par le promoteur de la recherche mais tiré au sort par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS). Il serait dommageable que les spécialistes disposant de l'expertise la plus approfondie dans le domaine concerné par la recherche en question puissent être ainsi écartés de la procédure d'autorisation.
En deuxième lieu, le Sénat a voulu doter les comités de protection des personnes d'une tête de réseau nationale, en créant une commission nationale des recherches impliquant la personne humaine, qui serait chargée d'harmoniser les pratiques des comités, mais aussi d'examiner en appel les demandes d'autorisation qui ont fait l'objet d'une décision défavorable d'un comité, ce qui me paraît plus contestable. Par ailleurs, les sénateurs ont prévu son rattachement à la Haute Autorité de santé (HAS). Or, celle-ci n'exerce aucune compétence en matière de recherche et – son président me l'a fait savoir – ne souhaite pas en exercer.
En troisième lieu, on distingue depuis 2004 trois catégories de recherche : les recherches dites « biomédicales » ou « interventionnelles », les recherches visant à évaluer les soins courants, que l'on appelle désormais « recherches à risques et contraintes minimes », et les recherches observationnelles. Cette dernière catégorie concerne des groupes de patients soumis à observation pendant plusieurs années, sans qu'aucun geste médical ne soit pratiqué : il peut s'agir de grands prématurés, dont le quotient intellectuel est évalué pendant leurs vingt premières années, ou de personnes ayant développé une nouvelle thrombose après la pose d'un stent. Le Sénat propose de ne distinguer plus que deux catégories de recherches : les recherches interventionnelles et les recherches observationnelles, sans prendre pleinement en compte la spécificité des recherches à risques minimes.
En quatrième lieu, notre proposition de loi visait à établir une gradation des procédures de protection des personnes, en les proportionnant au degré de risques et de contraintes que comportent ces trois catégories de recherche : consentement écrit pour les recherches interventionnelles, consentement libre et éclairé pour les recherches à risques et contraintes minimes, simple information et droit d'opposition pour les recherches observationnelles. Or, le Sénat est revenu sur cette gradation, en alignant les règles de forme applicables au recueil du consentement de la personne aux recherches à risques et contraintes minimes sur les règles prévues pour les recherches interventionnelles.
Les amendements que nous présentons, élaborés en collaboration avec l'ensemble des groupes, visent à revenir sur ces modifications.