Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que nous sommes aujourd'hui réunis pour évoquer la modernisation d'un des éléments clés de notre politique familiale, à savoir le congé de maternité, je suis particulièrement heureuse de m'exprimer une nouvelle fois dans cet hémicycle sur ces questions qui touchent tant aux évolutions de notre société qu'à la place que nous souhaitons donner à la femme dans celle-ci.
C'est sous les auspices de l'Union européenne que nous devons placer les termes de notre débat. En effet, alors que les directives européennes sont le plus souvent le prétexte à un moins-disant social pour notre modèle d'État- providence en matière de politiques familiales, je crois que nous pouvons nous réjouir de l'adoption, le 23 février dernier, par la commission du droit des femmes et de l'égalité des genres du Parlement européen d'un rapport proposant que tous les pays membres créent un congé maternité de vingt semaines, rémunéré à hauteur du dernier salaire, et un congé paternité rémunéré de deux semaines continues.
Ce rapport de la commission du droit des femmes, n'intervient pas pour nous dans n'importe quel contexte puisque l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, le 18 février dernier, la proposition de loi relative à l'Européenne la plus favorisée qui consiste à harmoniser par le haut les législations en matière de droits des femmes.
Nous nous trouvons aujourd'hui à ce carrefour où les pays membres de l'Union européenne ont pris conscience que l'Europe pouvait et se devait d'être un « mieux-disant » social jusqu'à faire émerger, espérons-le, un État-providence européen qui pourrait donner sa cohérence à cette Europe politique que nous appelons de nos voeux.
Je voudrais d'emblée écarter l'un des arguments que l'on a pu lire ici et là contre cette proposition de loi. Il n'est pas acceptable d'affirmer que les mesures en faveur de la modernisation des congés maternité coûtent cher et que, du fait de la crise, de l'austérité que l'État se doit d'observer et d'un éventuel dumping social, nous ne pouvons nous permettre de telles dépenses. Certaines études ont, au contraire, clairement montré que plus le salariat est protégé, plus cela constitue un avantage concurrentiel important. En d'autres termes, et c'est presque un argument éculé aujourd'hui que de le dire, une politique sociale et familiale ambitieuse est une source de productivité pour un pays. Un modèle social fort, loin d'être une tare pour la France, peut au contraire constituer une de ses lignes de force.
L'esprit de cette proposition de loi se nourrit des changements qui affectent nos sociétés, lesquels constituent autant de défis pour le législateur.
Les femmes françaises ont un taux d'activité professionnelle en constante augmentation – même s'il y aurait beaucoup à dire sur les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes. Le taux d'emploi des femmes s'élevait déjà à 57,6 % pour l'année 2005. Le rapport de notre collègue et amie Danièle Bousquet montre que le souhait des Françaises et des Français est de pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale.
Le retrait des femmes du marché du travail au moment où elles deviennent mères reste un retrait contraint, ce qui va parfaitement à l'encontre de notre préoccupation : aider les femmes dans leur autonomie et leur émancipation afin de parvenir à une plus grande égalité entre les deux sexes.
La deuxième mutation que nous pouvons observer concerne la volonté des hommes et leur souci croissant d'assumer l'éducation de leurs enfants et de partager avec leurs compagnes et épouses les contraintes qui y sont liées. Comme en atteste également le rapport de Danielle Bousquet, l'évolution des mentalités est palpable : 20 % des pères se disent prêts à interrompre leur activité professionnelle pendant au moins trois ans pour garder et éduquer leurs enfants.
Enfin, nous devons également prendre en compte dans notre réflexion la diversité des formes familiales : couples mariés ou non, concubinage, PACS, couples du même sexe.
Nous devons nous adapter à ces nouvelles structures familiales et non faire subir à nos concitoyens un conservatisme législatif. Notre assemblée a su prouver par le passé qu'elle pouvait se faire l'écho des préoccupations des Français et des évolutions de notre société sur les questions de politiques familiales.
Notre proposition de loi propose donc que le congé maternité passe à vingt semaines. Si l'on compare les pratiques des différents pays européens, on s'aperçoit que la France se situe dans la moyenne basse. L'augmentation du nombre de semaines de congé apparaît une nécessité, conforme aux recommandations du rapport évoqué précédemment, conforme à l'évolution des pratiques. Je suis particulièrement attachée à l'article 3 qui prévoit que le montant de l'indemnité journalière doit être égal au salaire journalier moyen des trois derniers mois dans la limite du plafond. L'avancée de cet article réside dans son caractère obligatoire qui prémunit les femmes d'une forme de précarité liée à la maternité.