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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Modernisation du congé maternité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Il constituait indiscutablement un progrès puisqu'il ouvrait des droits pour les personnes qui n'existent pas aux yeux de la loi actuelle, mais qui pourtant assument un rôle prépondérant auprès des enfants ; il améliorait l'accueil du nouveau-né tout en garantissant la santé des mères, avec un allongement du congé de maternité de seize à vingt semaines et de la durée d'interdiction d'emploi de huit à dix semaines. De telles mesures auraient permis de réduire l'impact des activités professionnelles sur la santé, pour toutes les femmes puisque les non-salariées en auraient également bénéficié : en période prénatale afin d'éviter les naissances prématurées et préparer au mieux l'arrivée du bébé, mais également après l'accouchement, car il est prouvé que la période de récupération psychologique et physique dépasse largement la durée légale du congé de maternité, comme en témoigne notamment la prescription très fréquente par les professionnels de santé de congés dits « pathologiques », d'une durée moyenne de vingt et un jours. Quant à la création d'un congé d'accueil pour le conjoint, la personne vivant maritalement avec la mère ou la personne avec qui celle-ci a conclu un PACS, d'une durée de quatorze jours contre les onze jours du congé de paternité actuel, cela allait également dans le bon sens.

Ces deux dispositifs étaient d'autant plus intéressants qu'ils étaient couplés à une obligation pour les employeurs de verser à leurs salariés une indemnité compensatrice se cumulant aux indemnités journalières accordées par la sécurité sociale, permettant ainsi le maintien de leurs revenus. Il s'agit d'une mesure qui réduirait les obstacles matériels conduisant les hommes, notamment les jeunes en situation précaire, à renoncer au congé de paternité, qui instaurerait une égalité entre les femmes salariées – car les conventions collectives ne prévoient pas toujours le maintien de leur revenu – et qui améliorerait les conditions d'accueil de l'enfant puisque, il ne faut pas l'oublier, l'arrivée d'un enfant augmente considérablement les dépenses du ménage.

Nous sommes également favorables à ce que le temps passé à l'accueil et à l'éducation des enfants soit assimilé à du temps de travail effectif pour ne pas pénaliser les carrières et les retraites des parents, notamment des femmes. Car si les configurations familiales sont multiples, les inégalités demeurent, hélas ! dans la répartition des travaux familiaux et surtout dans l'évolution des carrières professionnelles. Cela explique que 83 % des femmes retraitées ont une pension inférieure au minimum vieillesse et que celle-ci est en moyenne de 38 % inférieure à celle des hommes.

Enfin, concernant le congé parental d'éducation, personne ne s'oppose à son existence. Le débat est ouvert sur sa durée, sur la possibilité de l'alternance entre le père et la mère, sur son caractère fractionnable ou non. Mais il ne faut pas perdre de vue que l'aspiration première des parents est de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. Selon le rapport de Mme Bousquet, « un tiers des parents déclare n'avoir pas eu le sentiment de choisir entre plusieurs modes de garde et d'avoir, en quelque sorte, été contraints d'arrêter de travailler pour garder eux-mêmes leurs enfants ». C'est un point incontournable, qui renvoie à la question cruciale du libre choix du mode de garde, malheureusement pas mis en oeuvre par le Gouvernement, et qui n'est pas traité dans ce texte.

Or, sans le développement de modes de garde collectifs et d'aménagements du temps de travail, le congé parental devient un moyen de pallier le manque d'offre de garde publique. Selon le rapport de Mme Tabarot, il manque encore 320 000 places en crèche pour les moins de trois ans. Les parents adressent pourtant au Gouvernement et à la représentation nationale des signaux clairs. D'une part, ils plébiscitent les modes de garde collectifs dans les études qualitatives puisque, selon l'étude de la Caisse nationale d'allocations familiales réalisée en novembre 2009 avec le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, la part de population estimant que les équipements ou les services collectifs sont préférables aux aides financières pour aider les familles est passée de 36 % à 65 % au cours des vingt dernières années, contre 50 % à 34 % pour les aides monétaires sous forme d'allocation. D'autre part, il faut noter que les parents se mobilisent, avec les professionnels, contre les réformes en cours remettant en cause la qualité de l'accueil dans le secteur de la petite enfance, comme le démontre le succès grandissant des actions menées par le collectif « Pas de bébé à la consigne ». Si les modes de garde collectifs obtiennent la préférence des familles, c'est tout simplement parce qu'ils garantissent un encadrement de qualité, avec des personnels formés et qualifiés, ce qui est essentiel pour le développement physique et la construction psychique des tout-petits.

Mais alors que la création d'un service public de la petite enfance était une promesse du candidat Sarkozy à l'élection présidentielle de 2007, madame la secrétaire d'État, avec le fameux « décret crèches », vous prévoyez de déréglementer le secteur de la petite enfance, en revoyant au rabais la formation des professionnelles et en faisant passer de dix à douze le nombre d'enfants dont elles auront la responsabilité. Vous choisissez également de renvoyer au secteur privé la prise en charge des jeunes enfants par vos choix de financement et en déréglementant toujours plus l'accueil par les assistantes maternelles, ainsi qu'en faisant entrer la petite enfance dans le champ d'application de la directive « Services ».

Ces choix sont inacceptables. Ils vont de pair avec le rejet par la majorité, en commission des affaires sociales, de tous les articles du texte que nous discutons, au motif qu'ils créeraient de nouvelles dépenses et de nouvelles charges pour les entreprises. Si nous ne nous faisons pas trop de soucis pour la situation financière des entreprises du CAC 40, nous avons bien sûr tous en tête le montant du déficit de la sécurité sociale, que vous laissez filer d'année en année,…

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