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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Modernisation du congé maternité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la rapporteure, le 18 février dernier, nous nous sommes félicités de l'adoption à l'unanimité – une fois n'est pas coutume, même si cela s'est reproduit tout à l'heure – d'une résolution présentée par notre groupe et visant à promouvoir l'harmonisation par le haut des législations européennes applicables aux droits des femmes, suivant le principe de la clause de l'Européenne la plus favorisée.

Cela doit nous conduire à reconnaître que si la loi française peut parfois servir de référence européenne en matière de résultats des politiques familiales – cumul d'un bon taux d'activité des femmes et de l'un des premiers taux de fécondité –, elle est aussi largement perfectible en ce qui concerne l'arrivée d'un enfant et la conciliation de la vie familiale et professionnelle, comme l'a rappelé la rapporteure.

Ainsi, l'objet de notre proposition de loi est en quelque sorte de passer de la théorie à la pratique.

Nous y sommes d'ailleurs invités par l'Europe à la suite de l'adoption, le 8 mars, de la directive sur le congé parental, qui porte ce dernier de trois à quatre mois et qui établit le principe d'un mois non transférable entre parents ainsi qu'une négociation obligatoire avec l'employeur sur l'aménagement d'un horaire de travail au retour du congé parental.

La présente proposition de loi s'inscrit dans la lignée de ces initiatives européennes. Elle vise à garantir les droits des femmes et à favoriser leur accès à l'emploi, à favoriser un meilleur partage des tâches entre les genres, et à améliorer la conciliation des vies familiale et professionnelle.

Le débat que nous allons avoir aujourd'hui va être l'occasion de vous interroger, madame la secrétaire d'État, sur ce que vous comptez faire et nous offre surtout l'opportunité, même si de nombreux articles sont tombés sous le coup de l'article 40, de présenter nos propres propositions.

À cet égard, il s'agit tout d'abord d'allonger la durée du congé de maternité, la France se situant dans la moyenne basse en Europe. Notre proposition de loi vise à adapter notre législation à l'évolution du droit européen et à la réalité du congé de maternité. Nous proposons d'en augmenter la durée de seize à vingt semaines, avec le maintien intégral du salaire.

Deuxième proposition : allonger et élargir le congé parental. Guidés par cette même logique, et comme le préconise le rapport de notre collègue Marie-Françoise Clergeau sur la prestation d'accueil du jeune enfant, nous proposons un congé de paternité de quatorze jours consécutifs, que nous rebaptisons « congé d'accueil de l'enfant » pour élargir le champ des bénéficiaires à l'ensemble des conjoints, quel que soit leur sexe. En créant ce congé d'accueil de l'enfant et en ouvrant la possibilité d'en faire bénéficier la personne vivant maritalement avec la mère et impliquée dans l'éducation de l'enfant, ce texte contribue à l'évolution de notre législation pour l'adapter aux réalités actuelles des familles.

Enfin, il s'agit d'engager le débat sur la modernisation du congé parental d'éducation. Ce congé est très peu répandu chez les hommes ; il faut reconnaître que la faiblesse des contreparties financières représente un réel frein. Tandis que de nombreux pays européens, en particulier les pays nordiques, ont clairement décidé de valoriser le congé parental, en insistant sur la nécessité de le partager entre les deux parents, la France fait, là encore, figure de retardataire.

C'est pourquoi notre proposition de loi propose un congé parental pouvant durer non pas trois ans, comme dans le texte initial, mais, aux termes d'un amendement, dix-huit mois, congé mieux rémunéré à condition qu'il soit partagé entre les deux parents.

Au-delà des propositions contenues dans notre texte, son examen doit aussi ouvrir une réflexion sur la politique familiale s'articulant autour de trois axes.

Le premier axe est la reconnaissance des « nouveaux pères ». En tant que représentant de la gent masculine, je me dois d'insister sur l'importance de l'implication du père dans l'éducation de l'enfant. Autrefois cantonné à incarner le pater familias, symbole de l'autorité au sein de la famille, il est désormais présent au même titre que la mère pour gérer tous les aspects du quotidien. Parallèlement à la montée en puissance du travail des femmes – en 2008 près de 70 % des femmes appartenant à la population active exerçaient un emploi, contre 75 % des hommes –, le rôle des pères a effectivement évolué. Ceux que l'on a désormais coutume de qualifier de « nouveaux pères » s'investissent dans les soins apportés aux enfants dès les premiers jours.

Ces affirmations méritent néanmoins d'être relativisées. Plusieurs études ont démontré l'existence d'un décalage entre la conception du « nouveau père » et la conduite de ces hommes pour accomplir les tâches du quotidien. D'importantes différences sont observées quant à la nature des besognes accomplies. Et le partage des missions parentales n'est pas interprété de la même façon suivant que l'on se place du côté du père ou de la mère.

Toutefois, pour un père, trouver sa place n'est pas chose évidente. Si les pères ont toujours été physiquement présents, ils le sont désormais socialement, et c'est à la société de les encourager.

Le congé de paternité, crée en 2001 par Ségolène Royal, alors ministre de la famille, a été un pas décisif en ce sens. En incitant le père à rester avec son enfant et sa conjointe après l'accouchement, il développe le sentiment de paternité et l'implication du père dans le partage des tâches. Nos sociétés ont trop souvent sanctuarisé le lien exclusif entre la mère et son bébé en insistant, cela a été rappelé, sur l'importance de l'allaitement, balayant ainsi la présence du père dès les premiers instants de la vie de l'enfant. Or, à travers notre proposition de loi, nous tentons de corriger ce phénomène afin que le père soit impliqué à part entière.

Cela étant, tous les pères ne prennent pas leur congé de paternité – seulement deux tiers d'entre eux en avaient pris en 2004 –, et celui-ci ne représente que 4 % des congés parentaux. L'analyse de ces chiffres tend avant tout à mettre en exergue la persistance de stéréotypes dans la définition des rôles parentaux mais aussi les obstacles économiques qui doivent être levés.

D'où le second axe de réflexion : l'amélioration de l'indemnisation des congés familiaux. En effet, la rémunération est un facteur déterminant dans la prise du congé. La désaffection des pères et de certaines femmes pour le congé parental est principalement due à sa faible indemnisation. Une amélioration de celle-ci est donc indispensable. Elle doit s'inscrire dans une meilleure gestion des ressources humaines par le maintien des femmes dans la population active, quitte à en réduire la durée et à prévoir un accompagnement du retour à l'emploi. Je reconnais que la question du montant de l'indemnisation est délicate : si elle est trop basse – comme actuellement –, ou au contraire trop haute, elle tend, dans les deux cas, à éloigner les femmes du marché du travail. À ce titre, elle doit être plafonnée.

Troisième axe de réflexion : rapprocher les congés parentaux pour créer un droit à prendre du temps pour élever ses enfants. Un pays européen, la Suède, guidé par une véritable volonté de réduire le conflit entre travail et vie personnelle, propose un congé parental très souple qui se confond avec le congé de maternité et qui valorise la participation du père aux soins de l'enfant. Cette conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle engendre par ailleurs une diminution du nombre d'arrêts maladie, abaissant conséquemment les coûts des prestations sociales. Ainsi, je considère qu'il est primordial de rattacher la réforme du congé de paternité à celle du congé de maternité, mais aussi à celle du congé parental d'éducation. Je pense qu'il faudra à terme rapprocher ces différents congés, dans une sorte de congé familial ne se limitant pas à la petite enfance, attaché à chaque individu et, bien évidemment, abondé à chaque naissance. Un tel dispositif permettra de dégager, aux différents âges de la vie, du temps pour la solidarité familiale et pour l'éducation. Ce sera la meilleure solution pour promouvoir une implication paritaire des deux parents.

À ce sujet, je souhaite revenir sur la nécessaire évolution du rôle des hommes, mais aussi des femmes. D'un côté, il est encore difficile d'admettre qu'un père soit aussi qualifié qu'une mère pour s'occuper d'un nouveau-né, mais, de l'autre, comme le décrit Dominique Méda, si on est passé du modèle de « monsieur Gagnepain et madame Au Foyer », où l'homme est apporteur de revenus et la femme pourvoyeuse de soins, à un modèle où les deux sont apporteurs de revenus, c'est encore bien souvent la femme qui continue de porter l'essentiel des tâches domestiques et d'éducation.

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