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Intervention de Valérie Boyer

Réunion du 25 mars 2010 à 15h00
Modernisation du congé maternité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer :

Le chômage est également plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. Le taux de chômage pour les femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans était en 2007 de presque 8 %, contre 6 % pour les hommes de la même tranche d'âge. Le taux d'activité des femmes est encore inférieur à celui de leurs homologues masculins.

Tous ces chiffres montrent que votre proposition d'allongement de quatre semaines, chère collègue, n'est pas judicieuse actuellement, car nous pouvons craindre que cela éloigne encore davantage les femmes du marché du travail et nuise à leur progression professionnelle, ce qui irait contre leur intérêt ainsi que celui de leurs familles. J'ose espérer que ni vous ni moi ne poursuivons cet objectif.

N'oublions pas que, même si, en France, l'âge moyen des femmes à la naissance de leur premier enfant est passé à trente ans en 2009 – trente et un ans et demi à Paris –, ces maternités ne remettent pas en cause le taux de fécondité. Celui-ci reste, malgré la crise, l'un des plus forts d'Europe. Nous arrivons juste après l'Irlande. Aujourd'hui, quatre femmes sur dix ont des enfants, deux sur dix n'en ont qu'un, deux sur dix en ont trois, et elles ne sont qu'une sur dix à dépasser quatre enfants. La moyenne en France est tout de même satisfaisante au regard de l'Union européenne, puisque nous enregistrons 790 000 naissances en 2009.

Les femmes ont leurs enfants en même temps qu'elles construisent leur carrière et elles se retrouvent souvent seules à les élever. Ne les pénalisons pas trop et surtout ne mettons pas en péril leur avenir. Au lieu d'envisager de façon provocatrice et brutale un allongement du congé de maternité de quatre semaines sans aucune mesure d'accompagnement, il conviendrait, dans un contexte économique si difficile dont les femmes sont le plus victimes, d'engager une réflexion sur une meilleure harmonie entre activité professionnelle et maternité. C'est ce que nous préconisons dans le rapport sur la santé des femmes, dans lequel nous formulons quelques propositions ou plutôt pistes de réflexion.

Si nous avons proposé de réfléchir à un allongement du congé de maternité, j'ai cependant suggéré que cet allongement soit de deux semaines, comme la proposition de directive européenne. Le passage à dix-huit semaines de congé de maternité, soit douze semaines post-natales, permettrait de résoudre le problème de la garde du nourrisson lorsqu'il va en crèche, puisque ces établissements ne les acceptent qu'à partir du troisième mois, c'est-à-dire douze semaines, alors que le congé de maternité post-natal dure deux mois et demi, soit dix semaines.

Cet allongement pourrait également s'accompagner d'une liberté supplémentaire pour la femme : la liberté de reprendre, si elle le souhaite, son travail de façon anticipée à partir de la seizième semaine et selon des horaires aménagés définis avec son employeur dans le cadre des conventions collectives. En effet, il s'agit d'abord d'une question de pragmatisme et surtout de prise en compte de la nécessité de ne pas éloigner trop longtemps les femmes du travail à l'occasion de leur maternité, pour ne pas obérer leur avenir.

Je constate que la proposition de loi qui nous est soumise est loin d'avoir mesuré tous ces inconvénients.

Une autre proposition intéressante à explorer serait de rendre modulables entre les deux parents ces deux semaines supplémentaires. Il appartiendrait au couple d'en disposer comme il l'entend, en fonction de l'organisation professionnelle et familiale du ménage.

Je crois qu'en la matière, il faut être flexible et imaginatif. Il est important de repenser le congé de maternité en tenant compte des intérêts de l'enfant, de la mère, du père, mais également de l'employabilité des femmes et des discriminations dont elles sont encore victimes.

Les femmes françaises souhaitent de plus en plus conjuguer maternité et vie professionnelle. La solution ne peut être dans un allongement pur et simple du congé de maternité. Si l'on décide de l'allonger, il faudrait également l'aménager et surtout le financer. C'est ce que je propose dans le rapport précité.

Aujourd'hui, si une mère bénéficie de seize semaines de congé de maternité pour le premier comme pour le deuxième enfant, elle ne bénéficie en revanche que de vingt-quatre semaines pour le troisième. Cette situation mériterait d'être examinée et éventuellement d'évoluer car, vous en conviendrez, le passage de premier au deuxième enfant ne peut être traité comme la naissance d'un seul enfant.

Si les intentions de la proposition de loi de Danielle Bousquet sont au départ sûrement excellentes, l'enfer est pavé de bonnes intentions et je regrette de ne pouvoir y souscrire. La France n'est pas une île ; on ne peut proposer brutalement, dans un contexte de crise si profonde, un mois complet supplémentaire de congé de maternité sans aucune concertation avec les partenaires sociaux, les entreprises et les administrations, et surtout sans en discuter avec nos voisins européens pour parvenir à une harmonisation au sein de l'Europe tout en restant concurrentiels.

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