Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi du groupe SRC aborde un sujet qui touche à des valeurs fondamentales : les droits de l'homme, l'État de droit, les libertés publiques.
Elle touche au rapport entre la société et sa justice et les conditions d'exercice de celle-ci, autant de sujets cruellement mis en lumière, au cours des dernières années, notamment par la catastrophe judiciaire d'Outreau, et sur lesquels nous avons, nous législateurs, le devoir d'agir.
Comme le rappelle M. le rapporteur, le nombre de gardes à vue n'a cessé d'évoluer de façon exponentielle au cours des dernières années. L'enjeu est donc de taille et peut concerner, dès demain, chacune et chacun d'entre nous.
L'intitulé du texte, et à travers lui son objectif, sont clairs. Il s'agit d'instituer la présence effective de l'avocat dès le début de la garde à vue. À la faculté doit désormais se substituer le principe d'obligation de cette présence de l'avocat de la défense.
Le dispositif retenu pour cela est simple : un article unique visant à rendre obligatoire cette présence si, naturellement, la personne placée en garde à vue ne la refuse pas.
La situation actuelle se caractérise en effet par le règne généralisé du non-droit. Insécurité juridique et insuffisant respect des droits de la personne en sont les traits marquants. Trop nombreux sont les conditions matérielles et les comportements attentatoires à la dignité humaine et à la présomption d'innocence. Le rapport de force dans le cadre de la garde de vue s'exerce très largement à armes inégales, au détriment de la personne entendue.
Or, et cela a été rappelé, les conditions de la garde à vue sont l'un des éléments déterminants d'un procès équitable. Les motivations de ce texte ne sont donc pas seulement d'ordre humanitaire, mais elles visent à garantir un service public de la justice efficace et sûr, au bénéfice de la société tout entière et du lien de confiance qui unit celle-ci à sa justice.
Par ailleurs, la situation actuelle nous place en totale contradiction avec l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme qui institue le droit à un procès équitable.
Les récents arrêts Salduz et Danayan de la Cour européenne des droits de l'homme vont dans le même sens et nous invitent à faire évoluer les choses d'urgence si nous ne voulons pas laisser à la France un rôle de mauvais élève.
La proposition de loi du groupe SRC vise donc ni plus ni moins qu'à mettre notre pays au diapason des démocraties modernes en créant les conditions d'un équilibre réel lors de la garde à vue. Comme avocat, dans ma pratique quotidienne, j'en mesure pleinement l'urgence et la nécessité.
Il s'agit là d'un préalable indispensable à toute réforme de la procédure pénale, en quelque sorte un prérequis avant une remise à plat dans ce domaine. La légitime aspiration à la sécurité et le nécessaire soutien au travail de nos forces de police ne sauraient faire perdre de vue ce qui relève d'un impératif au regard des droits de l'homme, auxquels nous sommes tous attachés.
N'oublions pas que la garde à vue fait partie intégrante de la procédure pénale et qu'à ce titre elle ne saurait se dérouler sans la présence effective de l'avocat, dûment informé par la communication complète du dossier d'enquête afin de pouvoir remplir correctement sa mission de défense du gardé à vue.
De plus, en cas de classement sans suite du dossier, la privation de liberté ne doit plus rester sans compensation. N'attendons donc pas un futur grand soir pénal pour garantir à nos concitoyens l'un de leurs droits fondamentaux. Parce qu'il est question de libertés fondamentales, nous ne devons pas attendre pour agir. Agissons tout de suite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)