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Intervention de André Schneider

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider :

Madame la présidente, madame la ministre d'État, mes chers collègues, face à la recrudescence des témoignages de violences perpétrées par une infime minorité d'officiers de police judiciaire pendant les gardes à vue, et suite aux deux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme établissant la nécessité de garantir à toute personne placée en garde à vue le droit d'être effectivement entendue, la problématique de la mise en application de cette mesure privative de liberté revient une fois de plus sur le devant de la scène.

Un certain nombre de nos collègues ont choisi, avec un sens certain de l'opportunité, une période propice au dépôt de propositions de loi pour présenter un texte visant à protéger et à encadrer les droits des gardés à vue. Cette proposition intervient après la parution des chiffres sur le nombre de gardes à vue ainsi que l'ébauche par vous-même, madame la garde des sceaux, du projet de loi relatif à la réforme de la procédure pénale. Cette réforme va renforcer les droits de la défense en tenant compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme – arrêt Salduz contre Turquie –, elle consistera à réviser les articles 63 et suivants du code de procédure pénale. Si la déclaration récente du président de la CEDH, Jean-Paul Costa, encourage les États à anticiper les recours des justiciables en révisant de leur propre initiative leurs lois en matière de garde à vue, il est nécessaire que cette révision intervienne dans le cadre d'une réforme globale, et non dans le cadre plus étroit d'une proposition de loi.

La Cour de Strasbourg fait une analyse in concreto des affaires qui lui sont soumises. Elle a clairement reconnu que l'intervention de l'avocat peut être différée si des raisons impérieuses liées aux circonstances le justifient, dès lors que les exceptions à l'application du droit à un prompt accès à un avocat sont clairement circonscrites et strictement limitées dans le temps. Rendre l'intervention de l'avocat, dès le début de la garde à vue, obligatoire dans toutes les affaires, sans aucune dérogation possible, n'est absolument pas souhaitable.Arlette Grosskost a évoqué ce point, je n'y reviens donc pas.

Mes chers collègues, vous le savez, la loi accorde déjà des droits à tout gardé à vue, droits qui doivent lui être notifiés dans les meilleurs délais, à savoir : la possibilité de voir un médecin, de faire prévenir un membre de sa famille et d'obtenir un entretien d'une demi-heure avec un avocat durant la première heure de garde à vue. Voilà quelques-unes des obligations auxquelles doit satisfaire l'OPJ. Par ailleurs, est-il utile de rappeler que la décision de placer une personne en garde à vue est d'après la loi prise conjointement par un officier de police judiciaire et par le procureur de la République ? Cette décision bilatérale permet normalement d'éviter toute détention arbitraire.

Cette proposition de loi, si elle était adoptée, parasiterait la réforme globale de la justice et rendrait encore plus complexe sa lisibilité, ce qui est contraire aux objectifs de simplification et de clarification du droit que nous poursuivons tous. Il apparaît donc sage d'attendre la réforme de la procédure pénale qui viendra apporter des réponses aux questions soulevées aujourd'hui – Mme la garde des sceaux vient de nous en faire une belle démonstration.

Par ailleurs, j'entends régulièrement, notamment dans l'opposition, des collègues se plaindre de ne pas avoir assez de temps pour examiner un projet ou une proposition de loi. Or, en l'espèce, nous disposons de quelques mois pour nous pencher ensemble sur cet important sujet. Il est donc souhaitable de ne pas se précipiter.

Aussi louable que soit votre proposition, chers collègues, elle ne va pas assez loin : elle n'apporte que des solutions formelles en ne résolvant pas le problème de fond, à savoir l'explosion du nombre de gardes à vue, résultat du recours systématique à cette mesure privative de liberté, dont le formalisme s'est alourdi. Votre texte se révèle de fait inapplicable puisqu'il requiert la disponibilité permanente de l'avocat. Sa présence durant tout le processus n'est d'ailleurs pas compatible avec certaines exigences de l'enquête.

De plus, il me semble primordial de mener un travail en profondeur sur les conditions de la garde à vue. Or cette proposition ne s'y attelle pas. Mme la garde des sceaux nous a annoncé qu'elle allait remettre sur le métier l'intégralité de la garde à vue.

C'est uniquement pour ces raisons que je ne voterai pas la présente proposition de loi et que je vous propose, chers collègues de l'opposition, que nous continuions de travailler ensemble sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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