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Intervention de Michel Hunault

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Hunault :

Je me réjouis que la discussion se déroule ce matin dans un climat apaisé, car la garde à vue en France pose un véritable problème. Vous l'avez tous rappelé, cela concerne près de 600 000 cas par an. Le Gouvernement comme la représentation nationale en ont conscience et, vous l'avez souligné, il y a une certaine unanimité pour faire quelque chose.

Le Président de la République lui-même, lors de son discours devant la Cour de cassation, le 7 janvier 2009, disait : « Parce que les avocats sont auxiliaires de justice et qu'ils ont une déontologie forte, il ne faut pas craindre leur présence dès les premiers moments de la procédure. Il ne le faut pas parce qu'elle est bien sûr une garantie pour leurs clients, mais aussi une garantie pour les enquêteurs, qui ont tout à gagner d'un processus consacré par le principe du contradictoire. »

Nous devons donc réfléchir ensemble pour apporter des réponses.

Le problème de la garde à vue a été soulevé par les parlementaires mais également par le comité Léger, qui a proposé une série de solutions : renforcement de la présence de l'avocat, extension de l'enregistrement obligatoire à toutes les gardes à vue, restriction des possibilités de placement en garde à vue. M. Delarue, dans son rapport, a lui-même proposé des pistes pour améliorer la situation, notamment le fait de retenir le nombre de placements en garde à vue comme l'un des indicateurs de la performance de la police et de la gendarmerie nationale ou de l'insuffisance du contrôle que les parquets exercent sur les mesures de garde à vue.

On voit bien que la prise de conscience est partagée, qu'il y a la volonté de trouver des moyens de réforme.

La réforme proposée par André Vallini et ses collègues du groupe socialiste rejoint la proposition de loi que j'ai moi-même déposée visant à permettre la présence de l'avocat à la première heure. Madame la garde des sceaux, vous avez soulevé des problèmes très pratiques. La présence effective de l'avocat est-elle possible dans la réalité ? Si l'objectif est louable, cela a au moins le mérite de faire en sorte que le Gouvernement veuille faire quelque chose. Vous l'avez indiqué à cette tribune, vous l'avez annoncé quelques instants auparavant aux Français sur LCI, c'est bien l'une des réformes du code de procédure pénale que la réforme de la garde à vue.

Je voudrais donc saluer votre méthode et la réponse que vous apportez car ce que j'ai retenu de votre intervention à la tribune, c'est qu'il y aura bien dans les semaines à venir une réforme de la garde à vue. Vous en avez déjà indiqué les pistes, pour une large concertation. C'est d'autant plus urgent que la question de la constitutionnalité de l'article 63-4 du code de procédure pénale vient d'être soulevée devant plusieurs juridictions. C'est un droit nouveau puisqu'il est applicable depuis le 1er mars dernier. On voit donc bien qu'il y a là un problème.

Concernant les pistes de réforme de la Chancellerie, j'ai retenu que vous vouliez limiter la garde à vue aux strictes nécessités de l'enquête. Aujourd'hui, une personne gardée à vue peut s'entretenir avec un avocat une demi-heure durant la première heure de garde à vue. La réforme prévoit un deuxième entretien à la douzième heure. Je suis certain qu'au cours de la discussion parlementaire vous serez ouverte à l'apport des parlementaires, et il n'est pas dit que, par voie d'amendement, nous n'arrivions pas à améliorer la situation. La proposition d'André Vallini a le mérite de rejoindre un certain nombre de points de vue selon lesquels l'avocat devrait être présent à la première heure. Nous pourrons en discuter.

Nous avons lors des réformes précédentes évoqué le fait que les gardes à vue sont filmées dans certaines conditions. N'aurions-nous pas intérêt, pour enrichir notre réflexion, à procéder à une évaluation, à un bilan de cette faculté ?

On voit donc que des pistes de réforme viennent abonder une volonté de moderniser le régime juridique de la garde à vue. C'est l'un des enjeux essentiels de la réforme du code de procédure pénale. Pour moi, la discussion de ce matin est un moment important. Il y a dans cet hémicycle beaucoup trop d'affrontements. Ce matin, nous avons plutôt un instant de consensus sur une question essentielle, qui touche aux libertés fondamentales des individus. Ce sont des sujets particulièrement sérieux, nous devons tout faire pour garantir la présomption d'innocence, les libertés les plus essentielles. Nous sommes tous attachés au principe que, tant que l'on n'est pas jugé, on est présumé innocent. Vous l'avez souligné, madame la garde des sceaux, en donnant des détails à cette tribune, bien des gardes des sceaux s'abstiennent parfois de dire que certains comportements sont une atteinte à la dignité d'une personne gardée à vue et une honte.

Nous avons été un certain nombre, notamment l'auteur de la proposition, à travailler dans le cadre de la commission dite d'Outreau. Nous allons discuter de cette réforme dans la plus grande concertation et je pense que vous devez être confortée dans votre méthode. Je souhaite que, grâce aux pistes du comité Léger, de la commission Outreau et aux huit propositions de loi, dont celle du parti socialiste et celle du Nouveau Centre, nous puissions améliorer encore les textes.

Au nom de mes collègues, je salue votre détermination à mettre en oeuvre la réforme du code de procédure pénale. La priorité, c'est de s'attaquer aux conditions de la garde à vue. Cela contribuera à permettre de concilier libertés individuelles et exigence de la sécurité.

Vous êtes bien placée pour le savoir, parce que vous avez occupé des fonctions régaliennes à la défense et à l'intérieur, il y a un vrai malaise dans la police et dans la gendarmerie, qui sont souvent montrées du doigt à propos des conditions de la garde à vue, alors qu'elles ne font qu'appliquer une loi votée par le législateur. S'il y a des insuffisances ou des abus, c'est d'abord au législateur d'assumer ses responsabilités et de modifier les textes. C'est la raison pour laquelle je salue à nouveau l'initiative de mes collègues du groupe socialiste.

J'aurais aimé, monsieur Vallini, que vous acceptiez la proposition que vous avait faite le président de la commission des lois lorsque votre proposition est venue en discussion, d'avoir une proposition groupée avec celles, quelque peu similaires, ayant été déposées auparavant. On voit bien que, sur cette question, il n'y a ni droite ni gauche, mais une volonté commune d'améliorer le système de garde à vue.

Pour ma part, madame la garde des sceaux, je me rallierai à votre point de vue. Vous prenez acte de ces propositions et nous donnez rendez-vous dans cet hémicycle dans quelques semaines ; je suis certain que la plupart de ces propositions se retrouveront dans le texte qui sera finalement voté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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