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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Surtout avec ce personnage ! Dieu m'en garde !

Depuis quelque temps, les statistiques officielles des gardes à vue appellent particulièrement l'attention, vous l'avez vous-même reconnu. Il faut avouer qu'elles sont pour le moins inquiétantes ! Selon le ministère de l'intérieur, le nombre de gardes à vue est, en effet, passé de 336 718 en 2001 à 580 108 en 2009, soit une augmentation de 72 %, sans compter toutes celles qui sont exclues des statistiques de police et de gendarmerie, et notamment celles relevant des infractions routières.

Je citerai l'exemple récent d'un jeune de ma ville qui a été arrêté et placé en garde à vue tout simplement parce qu'il avait emprunté un sens interdit en bicyclette ! Croyez-vous vraiment que cela légitimait une garde à vue ? En revanche, c'était une véritable atteinte aux libertés !

Comment expliquer cette explosion des gardes à vue alors que, dans le même temps, la délinquance a officiellement baissé depuis 2002 ? Les syndicats de police sont unanimes : cette augmentation dans des proportions tout à fait inédites est la conséquence de la culture du résultat et de la politique du chiffre qui leur est imposée depuis 2002 par Nicolas Sarkozy et les siens. Peut-il d'ailleurs en être autrement dès lors que la garde à vue est désormais considérée comme un indicateur de performance ? C'est ainsi que des pompiers espagnols se sont retrouvés en garde à vue dans l'affaire récente que vous connaissez !

Cette obligation de faire du chiffre explique que le recours à cette privation de liberté avant jugement, précédemment réservée aux braqueurs, aux meurtriers ou aux délinquants d'envergure, s'étende désormais aux automobilistes, aux couples qui se disputent, aux camarades qui se bagarrent – peut-être y aura-t-il bientôt des interpellations au sein de l'UMP ! (Sourires) – aux voleurs de supermarchés, aux fumeurs de joints, aux sans-papiers ou encore à tous ceux qui ont des mots avec les forces de l'ordre. Comment prétendre, dans de tels cas, que la garde à vue est nécessaire à l'enquête de police alors que, pour la grande majorité de ces infractions de faible gravité, les personnes interpellées ne contestent même pas les faits qui leur sont reprochés et, par conséquent, ne refuseraient pas de se présenter si elles étaient convoquées ?

Le scandale des gardes à vue ne s'arrête cependant pas là. Dans son premier rapport annuel d'avril dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, a souligné l'indignité des conditions de garde à vue dans notre pays. Face à l'état répugnant des locaux de garde à vue, le gardé à vue est placé, de fait, dans un état d'infériorité inacceptable. En vertu des pouvoirs qui sont les nôtres, mes chers collègues, je me suis rendu la nuit, voici environ six semaines, pour voir les cellules de garde à vue du commissariat de Montreuil. J'ai pu constater que les cellules, ne contenant qu'une espèce de matelas en plastique à même le sol, étaient sales. J'ai demandé où étaient les couvertures. Personne n'y avait à vrai dire pensé. Un fonctionnaire de la police nationale fort courtois et dévoué a fini par trouver « la » couverture. Son état de crasse était tel que vous auriez préféré dormir sans couverture ! Voilà comment sont aujourd'hui respectés nos concitoyens qui, semble-t-il, bénéficient de la présomption d'innocence ! Mais quand bien même ne serait-on pas innocent, on a le droit d'être traité dignement. Je vous renvoie pour plus de détails au rapport de M. Delarue.

Il faut que le législateur accepte de questionner la pratique législative depuis 2002. En effet, tous les placements en garde à vue dénoncés comme abusifs par les médias, les associations ou les avocats sont néanmoins légaux, madame la garde des sceaux. Le code de procédure pénale est respecté, me semble-t-il. Mes chers collègues de la majorité, vous êtes toujours le petit doigt sur la couture du pantalon et ne savez faire qu'une chose quand on vous le demande : incliner la tête du bas vers le haut pour dire amen aux requêtes de Sa Majesté ! C'est ainsi que cela se passe ! Or la responsabilité du législateur, qui tend à accroître toujours plus le périmètre de la garde à vue, est première, bien avant celle de la police nationale. Si je parviens à lire dans vos pensées, madame la garde des sceaux, je vois, par votre sourire discret mais que je remarque, que vous n'êtes pas loin, en votre for intérieur, de partager mon point de vue ! Il nous faut donc nous aussi accepter de prendre toutes nos responsabilités. Comment s'indigner qu'une adolescente de quatorze ans soit placée en garde à vue pour une simple bagarre de jeunes, alors que le code de procédure pénale l'autorise ? Il est de notre responsabilité, lors de la réécriture de ce code, de revoir les infractions autorisant le placement en garde à vue, notamment des mineurs. C'est, j'en suis convaincu, le chantier essentiel pour mettre fin au scandale des gardes à vue dans notre pays. Ce n'est pas pour autant le seul.

Un autre chantier concerne le rôle et la place de l'avocat. C'est en effet une question déterminante qui permettra de répondre, en partie, aux conditions indignes de la garde à vue. Aujourd'hui, notre droit autorise seulement l'avocat à faire une courte visite d'une demi-heure pour vérifier que son client n'est pas maltraité, mais sans avoir accès à son dossier.

À cet égard, deux arrêts récents de la Cour européenne des droits de l'homme de 2008 et de 2009 ont mis en exergue trois fragilités du régime juridique de la garde à vue quant au rôle confié à l'avocat lors de la garde à vue, à son délai d'intervention et aux motifs justifiant une dérogation à ces délais. Vous avez souligné, madame la ministre, que nous n'avions pas été condamnés ; vous auriez dû préciser que nous ne l'avions pas encore été.

Au regard du droit européen et selon le bâtonnier de Paris, Me Christian Charrière-Bournazel,…

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