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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 25 mars 2010 à 9h30
Présence de l'avocat dès le début de la garde à vue — Discussion d'une proposition de loi

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

…et j'entends travailler avec l'ensemble des groupes parlementaires. L'esprit est d'essayer de trouver ensemble la meilleure solution possible, mais ce n'est pas pour retarder les choses, monsieur Vallini. Depuis le début, j'ai annoncé mon calendrier, en y incluant cette vaste concertation. Mais après la concertation, le dépôt devant le Conseil d'État, que vous avez évoqué, et le passage en conseil des ministres, le projet sera déposé, comme je l'ai toujours dit, au début de l'été. Par rapport à votre texte et compte tenu du calendrier parlementaire, il n'y a pas de décalage entre le temps de votre proposition de loi et les navettes qu'elle devrait faire et le temps de la réforme.

Il faudra, dans le cadre de cette réforme, poser la question de la présence de l'avocat au cours de la garde à vue, dans la situation actuelle et à l'avenir. Monsieur le rapporteur, je ne partage pas votre analyse sur les conclusions qu'il faut tirer des décisions de la Cour de Strasbourg. En termes de garde à vue, la France n'a jamais été condamnée par la Cour européenne. Si les premiers arrêts sur les avocats sont intervenus en mai 1996, nos textes actuels sur la garde à vue datent de 2001, monsieur Vallini – vous voyez ce que je veux dire… Si ceux de votre groupe qui étaient au gouvernement à l'époque avaient estimé en 2001 qu'il fallait aller plus loin, je suppose qu'ils l'auraient fait.

Les décisions de la Cour de justice européenne, selon les principes du droit anglo-saxon qui s'appliquent, ne sont valables que dans les cas de figure visés. En outre, elles concernent essentiellement la Turquie, sur les bases d'un texte turc qui interdit la présence de l'avocat au cours de la garde à vue. Ce n'est pas le cas en France où la présence de l'avocat est possible dès la première heure de garde à vue. Nous ne sommes pas dans la même situation que celles sanctionnées par la Cour européenne. Si certains ont voulu en tirer des conséquences, ils se trompent dans leur interprétation. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a validé notre formule actuelle de garde à vue, ainsi que la Cour de cassation, et ce à plusieurs reprises. Aussi, je pense que les arguments avancés ne sont pas bons.

Le projet de texte que nous avons élaboré comporte des avancées par rapport à la situation légale actuelle. Le projet va d'ores et déjà au-delà puisqu'il veut garantir non seulement la présence de l'avocat, mais aussi l'efficacité de son assistance. Nous créons une nouvelle présence à la deuxième heure, nous prévoyons une présence en continu à la vingt-quatrième heure et la transmission au fur et à mesure des procès-verbaux d'interrogatoires. J'ai rencontré nombre d'avocats qui m'ont confié que leur problème était de ne pas savoir exactement ce qu'avaient dit leurs clients au cours des interrogatoires. Nous prévoyons aussi que l'avocat puisse, dans la prolongation de la garde à vue, poser des questions ou intervenir. Ce sont de grandes avancées par rapport à la situation actuelle résultant de la loi de 2001.

Enfin, les réponses que nous apportons au souci de renforcer les garanties de la défense doivent s'inscrire dans une logique et une réflexion d'ensemble. Je souhaite que, dans notre discussion, aucune question ne soit laissée de côté, aucune arrière-pensée éludée.

La première question à poser est celle du rôle réel des gardes à vue. L'explosion de leur nombre amène à s'interroger sur leur utilité. En permettant de poser des questions à une personne, le rôle de la garde à vue est de faire avancer les moyens de connaître la vérité. Toutefois, elle doit être limitée aux cas où elle est véritablement nécessaire. S'agissant du dégrisement, certaines personnes se retrouvent prises dans un système semblable à celui de la garde à vue, alors que le seul problème, compte tenu de leur état d'ébriété, est de les protéger d'abord d'elles-mêmes. Il faut également distinguer les locaux : ceux qui existent dans certains cas et ceux qui n'existent pas dans tous les cas.

Mais il faut aller au-delà. Le recours à la garde à vue, qui est une façon de priver quelqu'un de liberté, ne doit être possible que dans le cas d'un crime ou d'un délit susceptible d'être puni par une peine d'emprisonnement. On ne va pas priver quelqu'un de liberté quand la sanction même de l'acte commis n'est pas la privation de liberté. C'est une véritable aberration.

1 commentaire :

Le 28/03/2010 à 18:13, Zouze (citoyen) a dit :

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«La première question à poser est celle du rôle réel des gardes à vue. L'explosion de leur nombre amène à s'interroger sur leur utilité.»

Si même la ministre de la Justice le dit, pourquoi donc ne pas progresser en ce sens avec ce premier texte avant de le compléter par la suite ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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