Je vous félicite à mon tour pour votre élection, monsieur le président, à la tête de la Commission des finances.
Je salue également mon ami Gilles Carrez, rapporteur général des finances, ainsi que tous les membres de la Commissions – dont je fus membre par le passé –, en particulier le rapporteur Jean-François Lamour.
Je suis animé par la ferme détermination de donner un cadre légal aux jeux en ligne. Intervenant quelques heures après la passation de pouvoirs entre Éric Woerth et moi-même, je ne puis cependant débuter mon intervention comme mon prédécesseur avait prévu de le faire en rappelant qu'il avait « longuement travaillé » sur ce texte ! Je ne conserverai que la fin de la première phrase de l'intervention qu'il avait préparée : « le texte que je vous présente aujourd'hui est majeur ».
Le Gouvernement a fait le choix d'ouvrir le marché des jeux en ligne à la concurrence pour lutter contre une offre illégale devenue pléthorique. Il n'était plus possible de faire comme si de rien n'était car 65 000 sites illégaux existent. Nous voulons faire respecter l'État de droit en encadrant et en régulant le jeu en ligne.
Le champ de l'ouverture sera limité aux jeux et paris les plus prisés par les joueurs sur internet mais présentant les risques d'addiction les moins élevés : les paris sportifs, les paris hippiques et le poker.
Les futurs opérateurs feront l'objet d'une procédure d'agrément très stricte : pour accéder au marché, ils devront présenter les meilleures garanties au vu d'un cahier des charges ; une autorité indépendante, l'ARJEL, sera instituée par la loi pour contrôler le secteur.
L'offre illégale sera combattue grâce à une combinaison de mesures, comme l'autorisation de faire de la publicité pour les opérateurs agréés, le blocage des sites et des flux financiers des comptes bancaires des opérateurs illégaux. L'offre illégale pourra être asséchée parce que les opérateurs légaux pourront faire de la publicité. Sur ce type de marché, la capacité à faire de la publicité est déterminante ; il est donc indispensable de l'autoriser pour les opérateurs, sous réserve que des conditions strictes, notamment de protection des mineurs, soient respectées.
À l'issue de la discussion en première lecture, vous aviez d'ailleurs renforcé l'encadrement de la publicité en l'interdisant dans les services de communication audiovisuelle lors d'émission à destination de mineurs, dans les services de communication au public en ligne ou dans les salles de cinéma lors de la diffusion d'oeuvres accessibles aux mineurs. Vous aviez aussi porté de 30 000 à 100 000 euros l'amende encourue en cas de violation des règles d'encadrement de la publicité.
La protection des mineurs, la lutte contre la fraude, la lutte contre l'addiction constituent bien les piliers de notre action, pour que l'offre proposée au public respecte l'ordre public et l'ordre social.
Vous aviez modifié l'article 16 afin de durcir le texte à l'encontre des opérateurs de jeux jusqu'ici illégaux qui obtiendraient un agrément en France. Je partage évidemment cet objectif : un opérateur ayant illégalement proposé des jeux à des consommateurs français ne doit pouvoir tirer un quelconque avantage, lors de l'ouverture du marché, de la situation d'illégalité dans laquelle il se trouvait antérieurement.
Le Sénat a fait évoluer cette disposition en renforçant substantiellement la portée des sanctions pénales, énumérées à l'article 47, à l'encontre des opérateurs de jeux illégaux, notamment avec la faculté de suspendre l'octroi de l'agrément, tout en confiant au juge le soin de constater l'illégalité. Le dispositif est donc très solide juridiquement et correspond à votre intention.
Vous avez aussi pu constater que les sénateurs ont souhaité renforcer l'indépendance de l'ARJEL, où les opérateurs ne seront plus représentés, et ont précisé le cadre du Comité consultatif des jeux, qui sera placé sous l'autorité du Premier ministre et auquel sera adjoint un Observatoire des jeux. Enfin, ils ont aussi soumis les opérateurs de jeux en ligne aux obligations de contrôle et de déclaration de soupçon à TRACFIN, afin de mieux lutter contre le blanchiment. La encore, il s'agit de s'assurer que le texte offre toutes garanties pour ouvrir ce marché.
Mais la question essentielle est celle de la date d'ouverture. Nous sommes en effet contraints par le calendrier de la coupe du monde de football, qui aura lieu à partir du 11 juin. Cet événement planétaire attirera de très nombreux joueurs sur internet. Il est nécessaire que nous puissions offrir aux joueurs le cadre régulé et contrôlé proposé par le projet de loi. Manquer cette occasion, c'est prendre le risque que l'offre illégale se développe spectaculairement et sans doute irrémédiablement. Être prêt à temps constitue donc à la fois une contrainte et une opportunité à ne pas manquer.
J'ai bien conscience que les délais sont très courts, mais je ne peux comprendre que nous nous ne soyons pas prêts au moment où le marché des jeux en ligne va exploser. Un travail énorme a été effectué sur ce texte depuis plus d'un an, avec l'ensemble des membres de la Commission des finances. Les avis de chacun ont été écoutés et le Parlement a pu apporter de nombreuses modifications au projet initial. Une clause de revoyure à dix-huit mois est en outre prévue pour affiner le texte si des manques apparaissaient.
Je souhaite donc obtenir le vote conforme de l'Assemblée nationale sur le projet de texte tel qu'il vous est soumis aujourd'hui. C'est la seule façon d'être prêts pour l'ouverture de la coupe du monde de football.