Au total, ce sont près de 950 000 dossiers qui ont été déposés ces cinq dernières années, soit, en moyenne, plus de 189 000 dossiers par an. L'endettement moyen par dossier est de l'ordre de 41 700 euros et se compose, en moyenne, de treize crédits différents. L'ampleur extraordinaire du phénomène de surendettement appelle une analyse bien plus fine que celle qui consiste à pointer du doigt la prétendue irresponsabilité des emprunteurs.
Ainsi, la Banque de France elle-même a dû constater que la part du surendettement dit passif, c'est-à-dire celui dû à une diminution des ressources consécutive à un accident de la vie, comme la perte de l'emploi, la maladie, le divorce ou le décès d'un parent, concerne trois surendettés sur quatre. La Banque de France insiste par conséquent sur la « relative faiblesse des ressources des ménages surendettés et l'absence de patrimoine » – c'est une litote – « qui les rendent très vulnérables face aux aléas ». La Banque de France parle, dans cette étude, d'une faiblesse « relative » des salaires : je pense que ses dirigeants n'ont pas idée de la difficulté qu'il y a à joindre les deux bouts à la fin du mois avec le SMIC, car lorsqu'il s'agit de moyens aussi limités, ils ne devraient pas parler de « relative faiblesse », mais de paupérisation absolue.
Par ailleurs, évoquer des « accidents de la vie » revient à donner un caractère de fatalisme à ces accidents, comme si les causes en étaient totalement étrangères à toute volonté humaine. Or, si ces « accidents » sont indépendants de la volonté des victimes, nombre d'entre eux résultent en réalité de certaines pratiques des actionnaires qui s'enrichissent sans cesse davantage, en particulier grâce à ces crédits à la consommation.
Sans surprise, les employés et les ouvriers sont les personnes les plus représentées dans les dossiers de surendettement, suivies des personnes en recherche d'emploi et des inactifs. Au total, ces quatre « catégories », comme on dit, représentent 89 % des personnes en situation de surendettement. Il est donc faux de prétendre que tout le monde peut être concerné : en fait, les plus pauvres sont largement plus exposés. Au sein de la population orientée vers la procédure de rétablissement personnel, c'est-à-dire ceux dont la situation est « irrémédiablement compromise », 81 % des débiteurs ont des revenus inférieurs ou égaux au SMIC.
En termes clairs, c'est donc bien le chômage de masse et le travail sous-payé – donc votre politique – qui sont responsables de la vulnérabilité d'un grand nombre de nos concitoyens face à ce que l'on appelle pudiquement les accidents de la vie, et, par conséquent, de plus de 75 % des situations de surendettement. Or, ni ce projet de loi, ni aucune autre mesure du gouvernement Fillon-Sarkozy ne s'est attaqué à cette injustice salariale. Bien au contraire : afin de satisfaire les appétits des plus aisés, des grands groupes et des banques, votre gouvernement a multiplié les cadeaux fiscaux, les exonérations de charges patronales ou encore les remises en cause de la progressivité de l'impôt. Vous êtes bien placée pour le savoir, madame la ministre, vous qui traînez derrière vous le bouclier fiscal, comme les pestiférés du Moyen Âge leur grelot ! N'est-ce pas la vérité, monsieur Tardy ?