Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dopage, triche, blanchiment d'argent sale, malversations et corruption sont aujourd'hui les fléaux du sport-business, qu'il nous faut combattre sans concession car ils contribuent à ternir injustement l'image du sport professionnel aux yeux de nombre de nos concitoyens écoeurés par les sommes d'argent en jeu, en particulier dans le milieu du football.
Le procès des comptes de l'Olympique de Marseille, les instructions et mises en examen au Paris-Saint-Germain, l'instruction en cours sur le Racing Club de Strasbourg sont quelques-unes des affaires qui ont récemment défrayé la chronique judiciaire.
Face à ces dérives inacceptables, nous devons légiférer, encadrer, contrôler, sans faire preuve de naïveté. Si la loi de 2000 a strictement encadré la profession d'intermédiaire sportif en posant les règles d'accès à la profession, d'exercice de celle-ci et de contrôle des agents sportifs, le système en vigueur depuis huit ans et son application ont montré toutes leurs limites. Les affaires sont toujours aussi nombreuses et la loi est contournée avec constance, facilitant les transactions douteuses.
Le code du sport dispose en son article L. 222-10 qu'« un agent sportif ne peut agir que pour le compte d'une des parties au même contrat, qui lui donne mandat et peut seule le rémunérer. » Mais il est régulièrement bafoué !
Les agents sont le plus souvent rétribués par les clubs : c'est le double mandatement, facteur de graves dérives allant de la tromperie pure et simple du joueur, dont le montant du contrat est négocié par un agent qui a tout intérêt à une négociation avantageuse pour le club, puisque c'est celui-ci qui le paiera, jusqu'au versement de surcommissions ou de rétrocommissions aux dirigeants de clubs.
C'est aussi le reversement d'une partie des commissions à des joueurs pour qu'ils bénéficient ainsi de compléments de revenu échappant aux charges sociales, ce que nous a très bien décrit tout à l'heure Valérie Fourneyron.
La prohibition du double mandatement aurait dû demeurer la règle. Au contraire, cette proposition de loi légalise le paiement des agents sportifs par les clubs, ce qui ne mettra pas fin aux dérives constatées aujourd'hui. Nous pensons que seul un renforcement des contrôles des contrats passés entre les agents et les sportifs, ou entre les agents et les clubs, combiné à des investigations plus poussées des services de police judiciaire pour traquer les fraudes, permet de débusquer et de limiter les manoeuvres fiscales et les détournements d'argent.
Ce texte a le mérite d'encadrer certains aspects du métier d'agent sportif : suppression de la licence d'agent sportif pour les personnes morales, renforcement des incompatibilités, extension du champ des sanctions, meilleure protection des mineurs ; mais, dans les faits, vous ne faites que valider par la loi des pratiques qui abîment le sport.
Le présent texte ne traite qu'une infime partie des dérives du sport business, sans s'attaquer à la question centrale des transferts et de l'opacité des transactions.
En ce qui concerne l'encadrement de la profession d'agent sportif, l'idéal serait bien évidemment de disposer d'une législation européenne, d'autant plus que le traité de Lisbonne, aujourd'hui en vigueur, nous invite en son article 165 à promouvoir « l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives » et à protéger « l'intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d'entre eux. »
Nous avions l'occasion, avec la présidence française de l'Union européenne en 2008, de faire avancer ce sujet. Cela n'a pas été le cas, madame la secrétaire d'État. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus nous contenter de paroles ; il faut agir, sur l'ensemble des dossiers sportifs, au niveau européen, certes en promouvant si possible une réglementation sur les agents sportifs, mais aussi en favorisant la protection des politiques de formation, la mise en oeuvre d'un contrôle de gestion des clubs – on en a parlé, c'est le fameux « fair-play financier » –, sans oublier les mécanismes de solidarité financiers entre sport professionnel et sport amateur, à travers la centralisation et la vente collective des droits de retransmission, tout simplement parce qu'il s'agit aujourd'hui de façonner un modèle sportif européen qui s'inspire du modèle sportif français.
Enfin, nous avons la fâcheuse impression que ce texte arrive à point nommé, comme pour compenser la suppression du dispositif du droit à l'image collective que nous avons votée lors de la discussion budgétaire. Ce texte vient d'ailleurs après d'autres concessions et cadeaux octroyés par le Président de la République aux présidents de clubs professionnels, qu'il a personnellement reçus dans son bureau.
Sur ces concessions et ces cadeaux, nous aimerions avoir un certain nombre d'explications de votre part, madame la secrétaire d'État : qu'en est-il, en particulier, de l'abondement de 25 millions d'euros du fonds d'aide aux PME, dans lequel les clubs pourront puiser jusqu'en 2012, ou encore de l'abandon scandaleux du relèvement de la taxe Buffet sur les retransmissions d'événements sportifs, que nous avions portée de 5 à 5,5 % à l'Assemblée nationale ? Vous êtes revenus sur cette hausse, au détriment des ressources propres de l'Agence française de lutte contre le dopage.
Je conclus, madame la secrétaire d'État, en vous disant que nous en avons assez de nous voir dicter notre conduite et de subir la pression permanente de M. Aulas et de ses amis, qui aimeraient bien écrire la loi à notre place. Il s'agit d'un texte a minima, qui manque d'ambition. Nous doutons fortement qu'il mette fin, à l'avenir, aux pratiques douteuses qui gangrènent le sport. Il ne peut, en l'état, recevoir notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)