C'est pour aider les non-spécialistes à s'y retrouver…
Édifiant, non ? Comment pourriez-vous, mesdames et messieurs les députés, voter dans un tel contexte, et sous prétexte de moralisation, une loi promise depuis des années par le président de la ligue de football aux présidents de clubs, et soutenue par la secrétaire d'État aux sports qui, flairant le risque politique, ne présente pas ce projet au nom du Gouvernement ? Prudence, quand tu nous tiens…
Jean-François Lamour, notre collègue et ancien ministre des sports, avait toujours refusé de soutenir la proposition de loi Landrain-Rochebloine, car il pensait que les clubs devaient respecter la loi et ne pas payer les agents de joueurs. Je reprends donc ma question : quel est l'intérêt pour les clubs de payer des agents dont ils n'ont pas besoin à la place des joueurs, si ce n'est pour perpétuer les rétro-commissions ?
Il faut revenir à un principe sain et logique : que le joueur paye directement son agent, afin d'éviter les flux financiers opaques, les rétro-commissions et les petits arrangements financiers entre dirigeants de clubs, agents et parfois joueurs. Analyse totalement partagée par l'ex-député UMP de Saône-et-Loire Dominique Juillot, par ailleurs président du club de basket l'Élan sportif châlonnais, classé en Pro A, et auteur du rapport d'information sur les transferts et les agents de joueurs.
Page 97 de son rapport, il évalue les commissions perçues en 2004 par les agents du foot en France à 30 millions d'euros. Et il affirme : « Ce montant apparaît largement suffisant pour permettre nombre de reversements et de partages de commissions. » Cité dans le rapport, Michel Platini, le Président de l'UEFA, souhaite voir la fin de ces rétro-commissions : « Il n'y a qu'une solution, que les joueurs rémunèrent les agents, et qu'il soit interdit aux clubs de les rémunérer. Cela réglera le problème. Car les joueurs ne paieront les agents que jusqu'à un certain point. » Tout comme Philippe Piat, le président du syndicat des joueurs, déjà cité par Valérie Fourneyron : « Quand on met le nez dans les transferts, on voit que les agents touchent d'énormes commissions. Mais si c'était le joueur qui payait directement l'agent, vous croyez qu'il lui verserait cinq cents briques ? »
Tout le monde semblait donc sur la même longueur d'onde : qquand un joueur paie son agent, il est plus regardant et ne versera pas n'importe quelle somme, même s'il n'est pas Auvergnat. (Sourires.) Mais la proposition de loi présentée par Jean-François Humbert et votée le 4 juin 2008 en première lecture au Sénat prend l'exact contre-pied de ce rapport : avec l'appui de l'ex-secrétaire d'État aux sports Bernard Laporte, les sénateurs souhaitent en effet légaliser la rémunération des agents par les clubs au grand dam de Dominique Juillot : « Je regrette que Bernard Laporte ne m'ait pas demandé mon avis. Avec cette loi, on décide de légaliser une pratique illégale. Ce n'était pas l'esprit du rapport, en tout cas. »
Et de conclure : « Pour moi, le problème va bien au-delà du paiement des agents : on doit aller plus loin en matière de flux financiers. On ne peut pas me dire qu'à la tête du foot, on ne pourrait pas payer des gens qui contrôleraient ce qui se passe au moment du Mercato ! ».
À ce sujet, je me tourne vers Mme Buffet : souvenez-vous des difficultés que nous avons rencontrées pour en rester au seul Mercato d'hiver alors que certains voulaient le Mercato toute l'année ; les bandits manchots auraient alors fonctionné à longueur de temps… et ils ne sont pas tous manchots ! (Sourires.)
Il y a un véritable problème de volonté politique de la part des instances dirigeantes du football finit par constater M. Dominique Juillot, rapporteur et ex-député UMP. Je ne doute donc pas que la majorité dans cet hémicycle partage ses convictions.
Je pose à nouveau ma question : quel est donc l'intérêt pour les clubs de payer des agents dont ils n'ont pas besoin ?
Il est clair que des sommes considérables d'argent plus ou moins propres, ou plus ou moins sales, continuent d'être blanchies et de circuler. En fait, la fraude se perpétue puisqu'il s'agit bien, dans le meilleur des cas, du versement indirect d'un revenu net d'impôts – autrement dit de fraude fiscale, n'ayons pas peur des mots. Ajoutons que ce revenu est aussi net de cotisations sociales, au grand dam de l'URSSAF. Je renvoie ceux qui auraient des doutes à ce sujet à un journal plutôt sérieux, Les Échos, qui titrait le 18 mars 2010 : « Le PSG et Nike accusés de fraude aux charges sociales ».