Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Valérie Fourneyron

Réunion du 23 mars 2010 à 21h30
Encadrement de la profession d'agent sportif — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Fourneyron :

Parmi les autres points qui suscitent de notre part réserves et interrogations, le premier est de taille, et j'attends de vous, madame la secrétaire d'État, des explications précises. Je pense à l'amendement proposé par le Gouvernement visant à remplacer les alinéas relatifs aux condamnations pénales qui interdisent la détention de la licence par une formulation extrêmement vague, arrivée aujourd'hui devant nous dans le cadre de l'article 88, celle des « agissements contraires à l'honneur, à la probité et aux bonnes moeurs ». Qu'est-ce donc que cette nouveauté ? Exit le bulletin n° 2 du casier judiciaire. Cette nouvelle rédaction, bien moins stricte que la précédente, soulève dans nos rangs de grandes inquiétudes, voire des doutes sur vos motivations.

La question des agents de sportifs individuels demeure également : nombre d'entre eux sont aussi organisateurs de compétitions. Sont-ils suffisamment alertés sur les incompatibilités nouvelles introduites par le texte ?

Quant au cas des agents extracommunautaires, il n'est absolument pas réglé et que le système des « agents prête-noms » prête le flanc à toutes sortes de dérives. Il faut bien avouer que légiférer au plan national dans le cadre d'un Mercato mondialisé est bien compliqué. Je regrette que la France n'ait pas saisi l'opportunité de la présidence de l'Union européenne pour faire avancer le dossier des agents – même si, madame la secrétaire d'État, vous nous avez dit tout à l'heure que vous alliez y revenir – et celui du salary cap, voire d'une DNCG européenne par la même occasion ? Une harmonisation est impérative si nous voulons enfin progresser sur le sujet de la moralisation du foot business.

J'arrive maintenant au dernier point de mon intervention, que je centrerai sur les pistes à creuser à l'avenir. Parmi les nombreuses recommandations du rapport de la mission Juillot, figurait celle d'une centralisation des flux financiers, à la fois pour les transferts et pour les commissions d'agents. Dominique Juillot, interviewé il y a peu, disait d'ailleurs : « avec cette loi, on décide de légaliser une pratique illégale. Pour moi, le problème va bien au-delà du paiement des agents : on doit aller plus loin en matière de flux financiers. On ne peut pas me dire qu'à la tête du foot, on ne pourrait pas payer des gens qui contrôleraient ce qui se passe au moment du Mercato ! Il y a un véritable problème de volonté politique des instances du football. » On ne trouve pas trace, dans ce texte, des pistes évoquées par la mission d'information, s'agissant de la transparence des flux financiers et du renforcement de l'indépendance et du contrôle de la DNCG.

Je rappelle rapidement ces pistes : dédier des comptes bancaires spécifiques aux opérations de transfert ; assurer un suivi comptable de l'activité d'acquisition et de cession des contrats de joueurs ; préciser les missions et le champ de contrôle de la DNCG ; centraliser les flux financiers relatifs aux transferts auprès de la DNCG ; centraliser les informations contractuelles et financières relatives aux transferts auprès de la DNCG ; renforcer les moyens de contrôle de la DNCG. La DNCG, qui a pour mission première, selon la doctrine, de « veiller à ce que le club qui commence un championnat, quel qu'il soit, soit en mesure de le terminer. » L'objectif est certes noble, mais limité. Les informations récoltées par la DNCG sont orientées en fonction de cet objectif : elles peuvent donc perdre une partie de leur caractère systématique et le contrôle de gestion une partie de son caractère prudentiel.

Autre proposition : celle que nous avons faite par amendement sous la forme d'un rapport afin de ne pas tomber sous le coup de l'article 40, tendant à créer, sur le même modèle que celui de la CARPA pour les avocats, une caisse de rémunération pécuniaire pour les agents sportifs, afin de mieux contrôler les commissions d'agents. Cette caisse centraliserait les dépôts et les opérations dans lesquelles les agents interviennent. Comme pour les avocats, les écritures liées à l'activité de chaque agent seraient retracées dans un sous-compte individuel au nom de l'agent, qui ne pourrait prélever sur ce compte que les honoraires qui lui sont dus, uniquement par un transfert sur son compte professionnel. L'idée, comme pour la DNCG, est de centraliser les flux afin de mieux les contrôler.

J'arrive à la fin de mon intervention et je voudrais établir un parallèle entre cette proposition de loi et un texte examiné aujourd'hui par nos collègues commissaires des finances : le projet de loi visant à ouvrir à la concurrence les jeux et paris en ligne, texte dont nous n'avons d'ailleurs pas fini de mesurer les conséquences sur notre société. J'ai eu l'occasion de le dire en première lecture et je le redis ici : la création, chez l'amateur de sport et le téléspectateur, d'un réflexe du pari en ligne – on peut appeler cela réflexe, habitude, envie chronique, peu importe – a pour conséquence de déplacer l'enjeu sportif vers l'enjeu financier. Ce n'est pas anodin. C'est une part de désintéressement et de liberté que l'on enlève au sport ; c'est un pas de plus vers le sport business.

La question des transferts relève de la même logique : finalement, le club qui gagne, c'est celui qui a les moyens de se payer les meilleurs joueurs, et le facteur financier pèse à tel point qu'il triomphe presque de l'aléa sportif. C'est d'ailleurs ce qui rend la victoire d'une équipe comme Carquefou contre l'OM et, ce soir, de l'US Quevilly contre Boulogne, si savoureuse…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion