…mais sa conversion en mission d'information présidée par le député UMP Dominique Juillot est à porter à notre crédit.
Moraliser la profession d'agent et réintroduire de l'éthique dans le sport business : tel est leitmotiv qui revient dans le discours de tous les défenseurs de cette proposition de loi, et je ne doute pas de leur sincérité. Reste qu'à mes yeux, l'objectif n'est pas tant de moraliser la profession que de se donner tout simplement les moyens de faire respecter la loi.
Parmi les points positifs de la proposition de loi, je citerai le renforcement des peines pour les contrats illégaux engageant des mineurs, la suppression de la licence pour les personnes morales, le renforcement des incompatibilités entre, d'une part, fonctions sportives, d'encadrement ou actionnariat, et, d'autre part, exercice de la profession d'agent et l'élargissement de la palette de sanctions à la disposition des fédérations. Je me réjouis également que nos débats en commission aient permis de supprimer une disposition incompréhensible introduite lors des débats au Sénat, qui rendait incompatible l'exercice de la profession d'agent sportif avec celui de la profession d'avocat. En effet, dès lors qu'un avocat se soumet à l'examen lui permettant d'obtenir la licence et qu'il le passe avec succès, il semblerait étrange de lui fermer les portes d'une profession que, fort, lui, d'un code déontologique solide, il pourrait contribuer à moraliser.
Mais le coeur de ce texte est bien évidemment ailleurs. Il se trouve très exactement dans la rédaction proposée pour l'article L. 222-10, dont je cite la phrase fatidique : « Le montant de la rémunération de l'agent sportif peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l'article L. 222-6, être pour tout ou partie acquitté par le cocontractant du sportif ou de l'entraîneur. » Tout est là ou presque, et c'est là que réside notre désaccord de fond.
Si la pratique du double mandatement et le paiement de l'agent du joueur par le club sont aujourd'hui explicitement interdits, c'est pour d'excellentes raisons. Il s'agit tout d'abord d'éviter tout conflit d'intérêt : la préservation des intérêts du sportif n'est absolument pas garantie lorsque l'agent est payé par le club. Celui-ci se retrouve alors vis-à-vis de l'agent et du joueur dans un rapport de force qui lui est favorable. Il peut donc faire pression sur l'agent pour se débarrasser d'un joueur ou agir contre l'intérêt du joueur par l'intermédiaire de l'agent, ce qui contrevient totalement au principe du mandat unique.
Je rappelle la façon dont Andrej Golic, que j'ai déjà cité, conçoit sa profession : « L'agent doit être un intermédiaire, mais il doit surtout écouter le joueur et tenir compte de son intérêt pour décider ou non d'un changement de club. C'est à cette seule condition qu'il peut durer dans la profession et être reconnu par les différents acteurs sportifs. Mon rôle consiste aussi à aiguiller les joueurs vers des équipementiers, des avocats, voire à organiser leur rééducation […] dans d'autres pays que celui où ils évoluent. »
Ces missions ne peuvent être remplies que si ce sont les intérêts du seul joueur qui guident l'agent, que si la relation entre agent et joueur est, en quelque sorte, sacrée. Or l'intervention du club dans cette relation ne peut que lui nuire. Je suis d'ailleurs prête à parier que les avocats exerçant l'activité d'agent sportif, soumis au respect de la déontologie de leur profession d'avocat, ne pourront pas se faire payer par deux mandants.
Ensuite et surtout, il s'agit de réduire les risques de rétrocommissions et de blanchiment. La mission d'information présidée par Dominique Juillot considérait les agents sportifs comme la « plaque tournante » des malversations dans la mesure où « tout flux financier peut être source de fraudes » et où, pour les agents, les occasions de percevoir des commissions sont nombreuses. L'utilisation d'un agent sportif pour payer des rétrocommissions, par exemple aux dirigeants de clubs ou au joueur, est un des montages frauduleux constatés dans le monde du football. Il est aussi le plus direct de ces mécanismes et probablement, de ce fait, le plus fréquent. Au cours des auditions de la mission, il a été souligné de façon réitérée que, si les dispositions légales relatives à la rémunération des agents de joueurs étaient respectées et non contournées comme elles le sont actuellement, ces pratiques de rétrocommissions seraient significativement réduites.
Pourquoi ? La réponse est donnée par Michel Platini, président de l'UEFA, et Philippe Piat, président du Syndicat des joueurs français et du FIFPro. Le premier dit : « Il n'y a qu'une solution : que les joueurs rémunèrent les agents, et qu'il soit interdit aux clubs de les rémunérer. Cela réglera le problème. Car les joueurs ne paieront les agents que jusqu'à un certain point. »