M. le président, je vous remercie pour votre invitation, qui va me permettre de faire le point avec vous sur notre activité. Vous l'avez dit, la Médiation du crédit est une innovation qui a réussi : d'ailleurs, je dois dire que, en raison tant de son pragmatisme que de l'absence de fondement textuel, c'est une institution qui aurait dû naître en Grande-Bretagne plutôt qu'en France où nous sommes peu habitués à ce type de culture… M. René Ricol, mon prédécesseur, a commencé à travailler en octobre 2008, à une époque où la banque Lehman Brothers venait de faire faillite et où il existait une réelle crainte de « credit crunch », c'est-à-dire de resserrement de l'offre crédit de la part des établissements bancaires. Le démarrage de l'institution a été rapide. Avec une équipe d'une trentaine de personnes, nous avons immédiatement travaillé avec les autres acteurs sur le terrain. C'est sûrement une des raisons pour lesquelles nous réussissons à obtenir de bons résultats : je vous rappelle en effet que nous disposons de médiateurs départementaux du crédit et que, grâce notamment aux équipes sur le terrain, beaucoup de choses peuvent se régler au plan local. Nos équipes, extrêmement dévouées et professionnelles, travaillent naturellement avec le préfet de département, qui fédère toutes les énergies sur ces dossiers, mais aussi avec le trésorier payeur général, le directeur départemental des finances publiques et le directeur départemental de la Banque de France, ce qui nous a d'ailleurs permis de réintroduire la Banque de France dans le circuit alors qu'elle avait pu être quelque peu tenue à l'écart par le passé. L'urgence des situations et les demandes des pouvoirs publics font que toutes ces compétences travaillent en bonne entente et que l'ensemble s'articule bien. Je souhaite préciser, à ce stade, que nous ne sommes pas les seuls acteurs puisqu'il existe en réalité deux sources d'aides financières : la médiation du crédit (qui représente le crédit bancaire) d'une part et les crédits gratuitement dégagés par décision d'étalement des encaissements de créances fiscales et sociales d'autre part. Les études que nous menons montrent que 80 % de nos clients sont des TPE (très petites entreprises) qui comportent donc moins de 10 salariés et que 95 % sont des entreprises qui emploient moins de 50 salariés : comme vous l'avez signalé en introduction, M. le président, ce sont donc les PME qui sont nos principales interlocutrices même si nous recevons chaque semaine entre 40 et 50 dossiers d'entreprises dont les effectifs dépassent 100 salariés.
Dès les premières semaines où M. René Ricol a travaillé, le taux de succès des interventions de la Médiature du crédit a été important : il est actuellement de 64 %, étant entendu qu'il s'agit là d'un taux cumulé depuis octobre 2008.
Les leçons à tirer de ce succès sont diverses.
En ce qui concerne l'attitude des banques, il existe un contraste saisissant entre les données macroéconomiques et le vécu de la part des entreprises. Les données macroéconomiques pour 2009 sont acceptables : le risque de tarissement du crédit est désormais écarté. Les banques ont soutenu et maintenu leurs concours financiers : pour les PME et les TPE, la hausse des concours d'une année sur l'autre a augmenté de 2,7 %, ce qui n'est pas négligeable compte tenu de la baisse, dans le même temps, du PIB de 1,5 % au plan national. Je signale au surplus que les crédits consommés sont en majorité des crédits destinés à l'investissement. Le ressenti sur le terrain est néanmoins d'une nature différente. Certes, je ne peux que parler de manière globale même s'il existe dans notre pays environ 2 millions d'entreprises ; néanmoins, on peut faire plusieurs constatations :
– un problème de délai dans le traitement des dossiers : de façon générale, l'interlocuteur ne répond pas assez rapidement, qu'il refuse (son refus prenant généralement la forme d'une décision implicite de rejet) ou qu'il accepte (on constate néanmoins des délais parfois très longs entre l'acceptation et le déblocage effectif des fonds) d'octroyer le crédit ;
– un dossier de PME qui est bon ne rencontre généralement aucun problème de financement. Les banques redoutent actuellement une hausse des risques liés au crédit, notamment des risques de non remboursement : elles demandent donc un nombre croissant de garanties. Il existe à ce niveau un problème qui relève d'ailleurs plus de la confiance que du strict bilan bancaire. Or, cette aversion au risque se traduit parfois en prudence excessive : on demande donc aux banques de prendre plus de risques qu'elles ne le font actuellement ;
– la coopération entre la Médiation du crédit et les banques se déroule plutôt bien, ce qui n'a pas toujours été le cas. Je précise que, dans les faits, une médiation réussie est une médiation qui a pour effet de diminuer les risques pour les banques.
En ce qui concerne l'avenir du financement, je ne suis pas aussi optimiste en 2010 que je l'étais en 2009. Il y a eu une période, en 2009, où la demande de crédits a été assez faible et les besoins d'investissements réduits : l'offre bancaire suffisait à satisfaire ces besoins. En 2010, on peut espérer que la reprise économique s'accélère, ce qui aura mécaniquement pour effet de susciter une demande de crédits plus importante. Sans être alarmiste, je suis inquiet à deux égards : d'une part, en ce qui concerne les discussions « Bâle III » qui vont vraisemblablement conduire à une exigence accrue de fonds propres pour faire face aux risques inhérents aux prêts et, d'autre part, même si nous n'avons pas encore les chiffres définitifs, les bilans 2009 des entreprises risquent d'être marqués par un défaut important de fonds propres, ces bilans n'étant actuellement pas satisfaisants. Il faut donc faire attention à ces différents facteurs.
Enfin, en ce qui concerne l'avenir de la Médiation, je suis convaincu que nous devons continuer notre mission à court terme : nous sommes en effet devenu un spécialiste du financement de l'économie, en particulier des PME. À ce titre, nous avons examiné divers sujets, qu'il s'agisse, par exemple, de l'assurance crédit, des relations entre donneurs d'ordres et PME… car j'insiste pour que l'appui et le conseil accompagnent notre activité de financement. Le Médiateur rendra un rapport à la fin de l'année, un rapport doit être remis au Parlement à ce moment-là pour déterminer si nous devons pérenniser ou non la Médiature du crédit.