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Intervention de Rama Yade

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rama Yade, secrétaire d'état chargée des sports :

Je veux vous le dire d'emblée : je partage la satisfaction du mouvement sportif de voir aujourd'hui discutée, au sein de cette Commission, la proposition de loi visant à encadrer la profession d'agent sportif.

L'accès, l'exercice et le contrôle de la profession d'agent sportif sont actuellement encadrés par des dispositions de la loi du 12 juillet 2000, désormais codifiées aux articles L. 222-6 et suivants du code du sport. Cependant, ces dispositions sont rapidement apparues complexes et lacunaires, autorisant encore bon nombre de dérives et de malversations mises en évidence, en particulier, par le rapport du Groupe d'action financière, le GAFI, en 2009. Ces dérives, souvent médiatisées, ternissent l'image de cette activité et, au-delà, celle du sport professionnel.

Aussi, à la suite d'une mission d'inspection du ministre de l'économie et du ministre chargé des sports, des travaux visant à modifier ce cadre législatif ont été engagés par le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, par le Comité national olympique et sportif français – le CNOSF –, ainsi que par le sénateur Humbert. Le rapport rendu par le député Dominique Juillot en février 2007 a également constitué une source importante de propositions.

L'ensemble de ces travaux a montré que les fédérations sportives délégataires se sont acquittées depuis 2003 de façon relativement satisfaisante de la mise en oeuvre du dispositif dans sa partie relative à l'accès à la profession d'agent sportif. En revanche, le contrôle de cette activité n'a été que partiel et s'est révélé, dans certaines disciplines, compliqué et inefficace, ce qui rend nécessaire un renforcement des dispositions législatives.

Ce renforcement doit être mené en harmonie avec notre objectif de transparence financière et de moralisation de l'activité d'agent sportif, afin que la France continue de donner l'exemple à cet égard, et il doit servir une meilleure régulation du sport professionnel, que ce soit au niveau national, européen ou international. Le mécanisme de licence club voulu par l'UEFA, ainsi que la mise en place de la règle du fair-play financier au niveau européen servent ces deux fins, pour moi essentielles.

Partant des difficultés rencontrées dans l'application du dispositif actuel, la proposition de loi adoptée par le Sénat couvre à la fois l'accès, l'exercice et le contrôle de la profession d'agent sportif. Elle constitue pour le Gouvernement une avancée très importante sur l'ensemble de ces points ; seules quelques modifications, mineures, nous semblent devoir y être apportées.

S'agissant d'abord de l'accès à la profession d'agent sportif, la licence peut aujourd'hui être délivrée à une personne physique ou à une personne morale. Or, dans ce dernier cas, une confusion s'est instaurée entre les personnes véritablement autorisées à exercer cette profession – celles qui ont passé l'examen – et les actionnaires, associés et salariés de la société, qui n'y sont pas autorisés.

La suppression de la délivrance de la licence aux personnes morales permettra de mieux identifier la personne qui peut exercer la profession d'agent sportif. Cela implique de permettre aux agents sportifs de constituer une société pour exercer leur activité. De plus, les actionnaires, associés et salariés de cette société ou de la société ou dont il est le préposé – c'est-à-dire le salarié – seront soumis à des conditions de moralité, d'incapacités et d'incompatibilités similaires à celle des agents sportifs.

La liste des incompatibilités est complétée afin d'éviter les conflits d'intérêts entre les agents sportifs et les autres acteurs du sport et empêcher les pratiques de rétro-commissions et sur-commissions. Une « étanchéité juridique » est ainsi établie entre l'activité d'agent sportif, d'une part, et celle des dirigeants, associés ou actionnaires d'une société employant des sportifs ou organisant des manifestations sportives et des dirigeants d'une fédération ou d'une ligue, d'autre part.

La liste des incapacités a également été complétée de manière à viser notamment les délits d'ordre financier. Pour en assurer le respect, les fédérations devront demander la communication du bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Les agents sportifs ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen non établis sur le territoire national peuvent aujourd'hui exercer occasionnellement leur activité sans qualification et sans déclarer leur intervention. De plus, la législation actuelle n'opère pas la distinction, qui existe dans les directives « services » et « qualifications », entre le libre établissement et la libre prestation de services des agents sportifs communautaires.

C'est pourquoi le nouveau texte prévoit la possibilité pour un agent communautaire d'exercer sa profession de manière temporaire et occasionnelle en libre prestation de services s'il en fait la déclaration à la fédération délégataire compétente, laquelle devra vérifier si son niveau de qualification est suffisant pour ne pas causer de préjudice au sportif.

De plus, un ressortissant communautaire pourra s'établir en France s'il est qualifié pour exercer cette profession dans son pays d'origine. La fédération devra alors vérifier que son niveau de qualification est similaire à celui exigé en France. En cas de différence substantielle, la fédération pourra exiger le passage d'un examen écrit ou oral.

Le dispositif actuel ne prévoit pas explicitement le cas des agents extracommunautaires non titulaires d'une licence d'agent sportif. Du silence de la loi, il faut déduire que, pour exercer cette profession en France, ils doivent obtenir la licence française d'agent sportif. Trop contraignante, cette obligation n'est pas respectée : les agents extracommunautaires ne veulent pas passer l'examen de la licence pour effectuer le placement d'un seul sportif.

Il semble donc nécessaire de les contraindre à conclure une convention de présentation avec un agent sportif détenteur de la licence, afin que celui-ci place le sportif. Cette convention, qui servira de fondement juridique à leur rémunération, sera transmise par l'agent sportif à la fédération.

S'agissant de l'exercice de la profession d'agent sportif, la définition de celle-ci ne comprend pas l'activité d'agent d'entraîneur. Une évolution de la législation sur ce point paraît donc nécessaire de manière à encadrer et rendre licites les opérations de placement d'entraîneurs par les agents sportifs.

D'autre part, dans le dispositif actuel, un agent sportif ne peut être rémunéré que par la personne qui le mandate – article L. 222-10 du code du sport –, mais cette obligation est très souvent contournée pour permettre la rémunération des agents par les clubs alors même qu'ils sont mandatés par les sportifs. Cette situation ne favorise pas la transparence dans les opérations de placement des sportifs. La proposition de loi précise donc le type de relations contractuelles relatives à l'activité d'agent.

Le contrat passé entre l'agent et le sportif ou le club – ou l'organisateur d'une manifestation sportive – devra être écrit, transmis à la fédération, et préciser les modalités de rémunération de l'agent sportif ainsi que la personne qui le rémunère.

Le dispositif permet à l'agent d'être rémunéré par l'une des parties au contrat relatif à l'exercice d'une activité sportive, quelle que soit celle qui lui a demandé de les mettre en rapport – en pratique d'être rémunéré par un club alors même qu'il agit pour le compte d'un joueur.

Le texte est sur ce point conforme au règlement FIFA, qui permet aux clubs de rémunérer l'agent même si celui-ci a été « mandaté par le joueur », à la condition que ce dernier ait donné son accord écrit.

La rémunération de l'agent reste limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais deux types de contrats sont désormais visés : les contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive – par exemple, le contrat de travail du joueur – ; et les conventions prévoyant les contrats de travail relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive – c'est le cas des contrats de transfert.

De plus, l'agent sportif ne pourra pas percevoir de rémunération tant qu'il n'aura pas transmis son contrat à la fédération.

Enfin, lorsque plusieurs agents sportifs interviennent lors du placement d'un sportif, la somme totale de leurs rémunérations ne pourra excéder 10 % du montant des contrats conclus.

Il est actuellement interdit à un agent sportif, à une société ou association sportive, ou à une personne agissant pour le compte d'un mineur, d'être rémunéré à l'occasion de la conclusion par le mineur d'un contrat relatif à l'exercice d'une activité sportive. Cette disposition peut être contournée par la conclusion par le mineur d'autres types de contrats permettant aux personnes susvisées d'être rémunérées. La proposition vise donc tous les contrats relatifs à l'exploitation de l'image et du nom d'un sportif mineur.

S'agissant enfin du contrôle de la profession d'agent sportif, il repose sur deux piliers indissociables.

Les pratiques frauduleuses devant faire l'objet de toutes les attentions, les sanctions pénales sont renforcées. Les agents sportifs qui exercent dans l'illégalité et au mépris de toutes les règles relèvent du juge pénal. Ce volet répressif n'est toutefois pas suffisant. Il est également essentiel d'impliquer dans le dispositif le mouvement sportif, et tout particulièrement les fédérations sportives et les ligues professionnelles.

La procédure de renouvellement triennal de la licence à l'occasion de laquelle l'activité de l'agent est contrôlée étant à l'origine de nombreux contentieux, la licence doit être délivrée pour une durée indéterminée. En contrepartie, un contrôle annuel de l'activité de l'agent sera effectué et s'accompagnera notamment de la transmission des documents comptables. De plus, les contrats d'agent – de courtage –, ainsi que les contrats relatifs à l'exercice rémunéré d'une activité sportive – contrats de travail ou contrats de transfert –, seront transmis à la fédération.

Les sanctions disciplinaires se limitent, dans le dispositif actuel, à sanctionner les agents qui n'auraient pas communiqué les contrats de travail des joueurs ou les mandats. Il est donc nécessaire d'étendre les possibilités de sanctions disciplinaires des fédérations aux agents sportifs qui contreviennent aux autres dispositions légales, et notamment au plafond de rémunération.

De même, il est nécessaire de subordonner la rémunération de l'agent sportif à la transmission à la fédération du contrat d'agent.

Dans le dispositif actuel, seules les fédérations délégataires doivent veiller à ce que les contrats mentionnés aux articles L. 222-6 et L. 222-10 préservent les intérêts des sportifs et de la discipline concernée. Les ligues professionnelles devront, elles aussi, sans se substituer aux fédérations mais en complétant l'action de celles-ci, édicter des règles qui préservent les intérêts des sportifs et de la discipline concernée.

L'actuel code du sport ne donne pas compétence au Comité national olympique et sportif français pour exercer ses missions de conciliation dans les conflits opposant les agents sportifs aux fédérations. Le code du sport vise les licenciés – sportifs et dirigeants –, mais pas les agents sportifs, qui ont une licence de nature différente – à savoir un permis d'exercer une activité professionnelle.

Il est donc important de permettre au CNOSF d'exercer ses missions de conciliation dans de tels conflits.

Enfin, les sanctions pénales sont renforcées : la proposition prévoit désormais une peine d'emprisonnement de deux ans et 30 000 euros d'amende pour toute personne exerçant illégalement la profession d'agent sportif. Cet exercice illégal recouvre notamment : l'exercice sans licence ; l'exercice rémunéré pour le compte d'un mineur ; le non-respect des dispositions relatives aux incapacités et incompatibilités ; et le non-respect des dispositions relatives à la rémunération ou à la transmission des contrats.

Dans certains cas, l'amende pourra dépasser 30 000 euros et atteindre jusqu'au double de la somme indûment perçue.

Cela étant précisé, la proposition de loi votée par le Sénat nous semble devoir être aménagée de manière limitée. En effet, la profession d'agent est une profession qui s'exerce bien souvent au-delà des frontières nationales. Pour prendre en compte la mobilité des sportifs, notre dispositif national doit être cohérent avec les dispositions internationales existantes en la matière, en particulier avec les textes communautaires. La proposition de loi constitue une étape importante en ce sens, dans la mesure où elle prévoit, distingue et encadre la libre prestation de services et le libre établissement des agents communautaires, et où elle améliore l'encadrement des agents extracommunautaires. Les prescriptions des directives « services » et « qualifications » et le respect du principe de libre circulation rendent toutefois nécessaires deux amendements supplémentaires.

Le premier est relatif à la suppression de l'obligation de souscription d'un contrat d'assurance visant à couvrir la responsabilité civile professionnelle des agents sportifs et de leurs préposés.

Le second est relatif à la suppression des incompatibilités pour les agents sportifs intervenant en libre prestation de services. Cet amendement n'est toutefois pas contradictoire avec l'exercice d'un contrôle effectif sur les activités de ces intermédiaires : ceux-ci devront se déclarer et seront de plus soumis aux mêmes incapacités que les nationaux et les agents communautaires s'établissant sur le territoire.

Monsieur le rapporteur, cher Philippe Boënnec, je vous remercie très chaleureusement d'avoir contribué aussi activement à relancer l'examen de ce texte. Il est un maillon essentiel du travail que nous devons mener tous ensemble pour conforter et défendre les valeurs du sport.

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