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Intervention de Nadine Morano

Réunion du 25 février 2010 à 15h00
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Après l'article 8, amendement 76

Nadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité :

Et on peut encore moins en tirer la conséquence immédiate qu'il faille supprimer l'incrimination de racolage.

Permettez-moi d'évoquer trois raisons à cela :

En premier lieu, je considère que supprimer l'incrimination de racolage actif comme passif créée par la loi du 18 mars 2003 nous conduirait mécaniquement à renouer avec la situation que connaissait la France avant 2003. Honnêtement, personne ne peut nier les nuisances, sanitaires et autres, que cette activité générait pour les riverains, adultes ou enfants. Je ne connais pas un maire d'une ville de quelque importance qui n'a pas reçu à cette époque des courriers d'habitants exaspérés par le spectacle se déroulant sur la voie publique, au pied de leur immeuble, voire dans des parties communes. De ce point de vue, la loi du 18 mars 2003 a incontestablement constitué un progrès et je suis persuadée que, pas plus que moi, vous ne souhaitez un retour à la situation antérieure.

En deuxième lieu, vous expliquez qu'il convient d'inverser le statut juridique des prostituées en les rendant victimes et non coupables aux yeux de la loi. Sur ce point encore, je pourrais être volontiers tentée de vous suivre, c'est vrai, si je n'étais pas persuadée qu'il faut regarder la situation d'une façon très précise et avec toute la mesure qui s'impose.

D'abord, c'est incontestable, le Gouvernement a toujours considéré celles qui étaient la proie de réseaux organisés comme des victimes. J'en veux pour preuve précisément les dispositions de la loi de 2003, qui ont mis en place des mesures à caractère social, à travers des dispositifs de protection et d'accompagnement ou la création de places en centres d'hébergement et de réinsertion, pour permettre à ces femmes d'échapper à la contrainte de leur souteneur.

Ensuite, la politique pénale qui a suivi l'instauration du délit de racolage a largement démontré que la loi de 2003 était appliquée avec le discernement nécessaire. Ainsi, en 2009, seules 2 315 procédures pour racolage ont été établies sur l'année, alors que l'on estimait à quelque 12 000 le nombre de prostituées officiant dans la rue.

En troisième lieu, permettez-moi de vous dire, madame la députée, qu'il n'y a pas de hasard. Dans le même temps où la loi de 2003 donnait aux services de sécurité un nouveau cadre légal d'action et des moyens d'investigation supplémentaires, on a constaté que certains réseaux de proxénétisme quittaient la France, pour s'installer dans d'autres pays, l'Espagne, l'Italie, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas, aux législations réputées moins contraignantes. D'après les chiffres transmis par l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains, le nombre de personnes interpellées, dans une période de mobilisation pourtant accrue de tous les acteurs de la sécurité, a diminué de 717 en 2004 à 465 au 30 novembre 2009. Les enquêteurs eux-mêmes expliquent cette diminution par le démantèlement antérieur de nombreux réseaux mais également par la nouvelle stratégie des trafiquants qui, par mesure de sécurité, ont préféré délaisser notre territoire.

Dans ces conditions, si le Gouvernement partage totalement votre combat, je suis persuadée, madame la députée, que nous prendrions un vrai risque à abroger à la hâte un dispositif qui a manifestement plus de mérite que certains ne veulent bien le dire et à revenir à une situation antérieure.

Je suis donc, je le répète, défavorable à cet amendement et je vous demande de le retirer en vous proposant de créer, dès aujourd'hui, avec vous-même, le ministère de l'intérieur, le secrétariat d'État que je dirige et tous les partenaires institutionnels concernés, un groupe de travail afin de réfléchir ensemble, dans les trois mois qui viennent, à la meilleure façon d'améliorer la situation que vous évoquez.

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