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Intervention de Nadine Morano

Réunion du 25 février 2010 à 15h00
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Nadine Morano, secrétaire d'état chargée de la famille et de la solidarité :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, cette nuit, Patricia, quarante-trois ans, a perdu la vie sous les coups de son conjoint qui s'est suicidé ; il y a quelques jours, Nathalie était égorgée devant son fils de douze ans, à qui l'on a volé, dit-il, ce qu'il avait de plus cher : sa mère. Aujourd'hui, notre mobilisation est générale. Nous pourrions égrener les prénoms des 157 femmes qui ont perdu la vie l'année dernière. Dans notre pays, 20 % des crimes sont commis contre des femmes.

Face à ce constat, le Premier ministre a décidé qu'en 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes serait déclarée grande cause nationale. Le Gouvernement aurait pu décider de présenter un projet de loi s'inspirant de vos travaux. Il ne l'a pas fait, par respect pour le Parlement et pour votre travail au sein de votre mission, par respect aussi de la mobilisation de l'ensemble de la représentation nationale qui, en cosignant cette proposition de loi, a démontré sa détermination à agir avec le Gouvernement, avec les associations, pour lutter contre ce fléau qui ne doit plus être une fatalité et auquel nous devons mettre un terme.

Pour réussir, nous devons mener une action globale. Outre la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, que le Gouvernement proposera d'amender, je voudrais vous rappeler l'action déjà entreprise par celui-ci dans ce domaine.

Le plan triennal 2008-2010 de lutte contre les violences faites aux femmes a porté ses premiers fruits. Je tiens à saluer ici l'action de Valérie Létard qui, à la suite de Catherine Vautrin, a initié la mise en oeuvre de ce plan. Ce dernier a notamment permis une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences à travers différentes mesures : trente-six référents violence, interlocuteurs uniques des victimes, ont été mis en place dans trente-deux départements, dix le seront très prochainement dans dix autres, et nous allons accélérer la mise en oeuvre pour que chaque département de notre pays soit couvert ; les moyens de la plateforme d'écoute téléphonique du 3919 ont été renforcés et permettent désormais de répondre à 80 000 appels par an ; les efforts de création de places en CHRS ont été poursuivis. Désormais, sur un parc de près de 36 000 places, plus de 12 000 sont consacrées à l'accueil d'urgence des femmes victimes de violences.

Deuxième volet d'action, le plan « Espoir banlieues » a insufflé une dynamique qui a permis d'actionner plusieurs leviers produisant des résultats concrets : vingt points d'accès au droit ont été ouverts dans les quartiers sensibles ; quatre-vingt-dix-huit centres d'information sur les droits des femmes et des familles ont été financés pour un montant de 2,5 millions d'euros ; 4 200 adultes-relais, pour un budget global de 88,5 millions d'euros, pratiquent des actions de médiation et renseignent chaque jour des centaines de femmes sur leurs droits ; 300 « ateliers santé ville » garantissent aux femmes victimes de violences une prise en charge médicale et psychologique à proximité de chez elles.

Troisième volet d'action, le plan national de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes. Dans ce cadre, 150 intervenants sociaux ont été installés dans les commissariats de police et les unités de gendarmerie, dont vingt et un en Île-de-France.

Le Gouvernement entend continuer son action. En cette dernière année du plan triennal 2008-2010, nous lui avons donné une nouvelle impulsion. Ici encore, les axes que nous entendons privilégier témoignent d'une volonté sans faille de produire des résultats concrets : renforcement de la protection civile et pénale des femmes victimes de violences ; prévention de la récidive à travers la prise en charge des auteurs de violences au sein du couple ; sensibilisation et information de l'opinion publique sur le fléau de la violence conjugale.

Je le disais : la mobilisation est générale et répond au souhait du Premier ministre, qui a institué la lutte contre les violences faites aux femmes comme grande cause nationale pour l'année 2010.

Si l'action doit être globale, nous devons aussi examiner cette proposition de loi, dont l'objectif est de renforcer notre législation. Vous allez créer un dispositif de référé- protection. Je n'y reviendrai pas dans le détail, puisque Mme la garde des sceaux l'a explicité.

Nous allons aussi élargir la procédure d'éviction du domicile conjugal, restreinte pour l'instant au conjoint marié, aux personnes passés et aux concubins.

Nous allons enfin introduire la reconnaissance, importante, des violences psychologiques. Cela correspond à une demande très forte des associations. C'est un fait constaté, puisque près de 84 % des 80 000 appels reçus au 3919 sont dus à des violences psychologiques.

Tout cela – la discussion sur le mariage forcé, l'autorité parentale, le renforcement de l'arsenal législatif – doit s'accompagner de nouveaux moyens technologiques. Je pense au bracelet électronique, que M. Guy Geoffroy et moi-même sommes allés voir fonctionner en Espagne et dont nous avons pu juger des premiers résultats.

L'homme ne pourra plus s'approcher, dans un périmètre de 400 mètres, de la femme menacée. Ce nouveau moyen technologique permettra d'assurer une surveillance, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, 365 jours par an. La femme sera dotée à la fois d'un téléphone et d'un dispositif qui lui permettra d'être appelée ; l'intervention des forces de sécurité dans les meilleurs délais permettra ainsi d'assurer sa protection.

M. Jibrayel indiquait tout à l'heure que ces chiffres étaient insupportables. Les prénoms mêmes des victimes sont insupportables à entendre.

Moyens technologiques, renforcement de notre législation, mais aussi information, sensibilisation, communication. Le collectif contre les violences faites aux femmes a préparé un spot qui sera diffusé sur les chaînes nationales le 8 mars prochain. Il met en scène l'indifférence, l'indifférence par rapport aux violences faites aux femmes que l'on entend derrière la cloison. Quand le silence intervient, on sous-entend qu'une femme, encore une fois, vient de perdre la vie derrière la cloison. Il y aura également un spot en direction des enfants qui, par répercussion, sont également les victimes des violences conjugales. Nous savons que des gestes qui vont se renouveler risquent de devenir la « norme » pour ces enfants, gestes qu'ils reproduiront en étant adultes.

Un guide d'information visant à toucher toute une classe d'âge sera diffusé lors de la Journée d'appel.

Un guide d'information sera également diffusé aux primo- arrivants, pour que chacun sache, en entrant sur notre territoire, que les violences faites aux femmes ne sont pas permises et que l'égalité entre les hommes et les femmes fait partie de notre pacte républicain.

Les moyens de communication et d'information sur cette grande cause nationale bénéficieront d'un budget de 1,5 million d'euros cette année.

Si cette mobilisation est générale dans notre pays, elle l'est au-delà de nos frontières, puisque la présidence espagnole de l'Union européenne a décidé de consacrer une partie de sa mission à la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle va permettre la création d'un Observatoire européen de lutte contre les violences faites aux femmes.

Plusieurs d'entre vous se sont inquiétés de l'accompagnement de ce dispositif, et M. Guy Geoffroy nous a interpellés sur la formation. Il faut effectivement former l'ensemble des acteurs intervenants sur tous dispositifs qui reçoivent et entendent les femmes victimes de violences.

Nous allons élargir le centre d'appel 3919. Nous formerons des écoutants à d'autres violences. Je pense aux mariages forcés, aux mutilations sexuelles, aux violences psychologiques, à toutes ces violences faites aux femmes, qui sont insupportables.

Mme Bousquet a rappelé qu'il était important, au-delà du vote de ce texte, qu'il soit appliqué dans les meilleurs délais. C'est pourquoi, j'ai demandé que, après son examen à l'Assemblée nationale, la proposition de loi soit inscrite très rapidement à l'ordre du jour du Sénat. Vous avez rappelé la nécessité d'apporter des financements aux associations pour la mise en oeuvre de ce texte. Pour mémoire, je vous indique que, sur la ligne 137 du budget de mon ministère, les associations ont été dotées de 10,45 millions d'euros. Pour 2010, le budget consacré aux associations n'a pas baissé ; il a même été légèrement augmenté, puisqu'il est passé à 10,56 millions d'euros.

Mme Quéré nous a rappelé que la lutte contre les violences faites aux femmes était une priorité nationale et que le poids des mots ne devait pas être négligé.

M. Lesterlin s'est interrogé sur la mise en place des pôles spécialisés. En pratique, c'est déjà une réalité. Les juges naturels des contentieux au sein de la famille sont les juges aux affaires familiales. Ces derniers composent d'ailleurs le plus souvent le tribunal correctionnel pour le contentieux pénal de la famille. En ce qui concerne le Parquet, il existe déjà des pôles chargés des mineurs et de la famille, avec des magistrats référents. Une plus grande spécialisation nécessiterait de regrouper les tribunaux, et donc d'éloigner la justice des victimes, ce qui n'est pas souhaitable.

Mon amie Chantal Brunel, si je puis me permettre, a consacré un livre à ce sujet. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

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