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Intervention de Pascale Crozon

Réunion du 25 février 2010 à 15h00
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Tout juste élue, j'ai reçu à ma permanence une jeune femme qui poursuivait des études de médecine en Algérie lorsqu'elle a rencontré un jeune Français. C'est le coup de foudre, le mariage, l'immigration – et le début du cauchemar : on lui interdit de travailler et d'étudier ; elle est privée de ses papiers, pratiquement séquestrée ; elle subit des humiliations quotidiennes, comme la confiscation de vêtements ou de produits de beauté, et la pression d'une belle-mère qui menace de la dénoncer si elle ne se comporte pas en épouse modèle, c'est-à-dire en esclave domestique totalement soumise au fils. Elle a demandé le divorce après dix-huit mois de cauchemar, et elle a finalement été expulsée de France.

La proposition de loi que nous étudions aurait-elle permis d'écrire une autre fin à cette histoire ? Je veux le croire, et saluer la prise en compte en commission d'un grand nombre de nos amendements. Ce texte met fin à l'arbitraire administratif en liant le renouvellement d'un titre de séjour aux décisions de justice, y compris préventives comme l'ordonnance de protection ; il reconnaît des droits indépendamment de la personnalité de l'auteur des faits au sein de la famille, et précise – c'est important – que la violence peut être psychologique.

Mais cette violence est inhérente à l'inégalité qui existe, au sein du couple, entre celui qui jouit de droits acquis, et celle qui n'a de droits qu'au travers de l'autre. Lorsque l'on recherche sa future femme sur un site internet camerounais, dans une agence de rencontre ukrainienne ou parmi des cousines marocaines, le couple se fonde sur un lien de soumission dont notre politique d'immigration se fait complice, en permettant pour ainsi dire une répudiation au bon vouloir du Français ou du résident. Indépendamment du sentiment amoureux, qui peut survenir et qui existe le plus souvent, car les cas dont nous parlons sont heureusement marginaux, l'inégalité statutaire entre les époux, justifiée par la seule suspicion que tout mariage est potentiellement blanc, est la cause de nombreuses violences subies, tues, et intériorisées.

Madame la secrétaire d'État, on ne peut pas stigmatiser continuellement l'étranger, toujours suspect de détourner les lois pour immigrer clandestinement, on ne peut pas limiter sans cesse ses droits, toujours suspects de créer des appels d'air, et se contenter de mesures correctrices. Vous comprendrez dans ces conditions que je sois particulièrement inquiète des annonces de M. Besson sur la réforme de l'asile.

Les oubliées de ce texte, en effet, ce sont les femmes qui, victimes de violences à l'étranger, sont venues en France et demandent aujourd'hui notre protection. Je le regrette.

Nous avons tous reçu ces femmes venues d'ex-Yougoslavie ou de la région des grands lacs africains, qui racontent les violences sexuelles dont elles ont été victimes, violences qui sont d'autant plus difficiles à établir qu'elles sont le fait d'autorités locales ou militaires. Et nous savons tous combien il est aujourd'hui compliqué pour elles d'obtenir des papiers.

Je veux rappeler ici que si l'on peut venir en France et dire : « Je suis persécuté parce que je suis noir, jaune, juif, chrétien, musulman, de gauche, ou de droite, et je demande la protection de la France », on ne peut toujours pas dire : « Je suis persécutée parce que je suis une femme et je demande la protection de la France ».

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