Monsieur le président, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion de la présente proposition de loi visant à renforcer la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes s'inscrit dans le cadre de la « grande cause nationale 2010 de la lutte contre les violences faites aux femmes », annoncée le 25 novembre 2009 par le Premier ministre. M. Fillon a ainsi déclaré que la lutte contre les violences faites aux femmes est « un combat de société, un combat universel ».
Permettez-moi tout d'abord de vous rappeler quelques chiffres significatifs : 156 femmes sont mortes en 2008 sous les coups de leur compagnon, soit une femme tuée tous les deux jours et demi, et 675 000 femmes ont été victimes de violences lors des deux dernières années, soit de leur compagnon, soit d'un autre membre de la famille. Les violences faites aux femmes concernent près de 10 % des femmes, et un meurtre sur cinq est commis par un homme qui dirige sa violence contre sa compagne ou son ex-compagne. Derrière ces chiffres se cache la réalité de milliers de femmes brisées ainsi que de leurs enfants traumatisés par l'expérience directe ou indirecte de la violence.
Les parlementaires interpellés par les associations de défense ont décidé de réagir. Le groupe Nouveau Centre est particulièrement satisfait des avancées considérables et des améliorations figurant dans la présente proposition de loi. Tout d'abord, l'article 1er vise à créer une ordonnance de protection des victimes, permettant de protéger en urgence les femmes en danger, ainsi que celles menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles. Cette ordonnance, qui interviendra avant même le dépôt de plainte, constitue une mesure phare de la loi et permettra d'organiser la protection et le relogement de la femme ayant décidé de quitter son mari ou conjoint violent.
D'autre part, l'article 3 précise la définition de l'intérêt de l'enfant. Les enfants, même s'ils ne sont pas également victimes de violences au sein de la famille, en sont les victimes indirectes. Témoins de la violence subie par leur mère, ils sont souvent perturbés et démarrent dans la vie avec une perception complètement faussée des rapports humains, amoureux ou filiaux. Il est donc important de protéger davantage les enfants, premiers témoins des violences conjugales. La proposition de loi prévoit, d'une part, que le droit de visite et d'hébergement de l'autre parent puisse être refusé ; d'autre part, que le droit de visite éventuellement autorisé par le juge puisse être encadré.
À ce stade de mon intervention, je souhaite, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, poser deux questions. Premièrement, dans ce séisme familial que l'ordonnance de protection des victimes tente d'apaiser, est-il acquis que la mère victime de violences conserve le droit de garder ses enfants ? Car c'est bien souvent par peur de voir les enfants retirés à leurs parents pour être placés que les femmes n'osent pas quitter un conjoint violent. Dans une telle hypothèse, la famille proche est-elle choisie prioritairement pour les accueillir ?
Deuxièmement, l'article 4 propose de retirer l'autorité parentale au parent ayant commis un meurtre sur la personne de l'autre parent. Il s'agit, certes, d'une avancée significative, mais cette mesure ne va pas assez loin. N'aurait-il pas été souhaitable de donner la possibilité au juge de retirer l'autorité parentale au parent ayant fait subir des violences à l'autre parent ?
Nous soutenons également l'initiative, prise par Mme Buffet en commission spéciale, d'ajouter un article additionnel après l'article 11, afin de renforcer la formation dispensée à l'école concernant l'égalité entre les hommes et les femmes et la lutte contre les préjugés sexistes. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est en inculquant dès le jeune âge la notion de l'égalité entre les hommes et les femmes que nous pourrons rompre les stéréotypes et établir de nouvelles relations entre hommes et femmes.
Nous saluons les propositions qui sont faites aux articles 5 et 6 en vue de renforcer la sécurité juridique des personnes étrangères. Aujourd'hui, le fait de quitter un mari violent équivaut le plus souvent, pour elles, à la perte d'un titre de séjour, d'un logement, ou de la garde des enfants. Enfin, l'article 17 introduit le délit de violence psychologique, violence qui peut avoir des répercussions gravissimes et irréversibles sur la santé des victimes. Bien entendu, nous sommes satisfaits de voir les coupables mieux sanctionnés.
En revanche, nous regrettons fortement que les articles 7, 11 et 15 aient été déclarés irrecevables en commission. L'article 7 ouvrait l'accès à l'aide juridictionnelle aux personnes étrangères bénéficiant d'une ordonnance de protection, qui se trouvent souvent dans l'impossibilité d'avoir accès aux informations légales sur leurs droits et de payer un avocat.
L'article 11 prévoyait une formation systématique des professionnels susceptibles d'entrer en contact avec des femmes ayant subi des violences au sein de leur couple. Il est pourtant indispensable qu'une formation approfondie et continue de ces professionnels soit donnée et qu'une mise en réseau de ces différents acteurs soit organisée.
Enfin, l'article 15 visait à créer un Observatoire national des violences faites aux femmes, qui aurait permis une meilleure prise en charge du problème en centralisant les différentes études faites sur le sujet. Nous considérons que la mise en application de ces trois articles est nécessaire à l'efficacité de la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement de les réintroduire par voie d'amendements.