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Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du 25 février 2010 à 15h00
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'exposé des motifs de la proposition de loi cadre contre les violences faites aux femmes, élaborée par le Collectif national pour les droits des femmes – dont je salue le travail – et que j'ai eu l'honneur de déposer en 2007 avec Martine Billard, Huguette Bello et l'ensemble des députés du groupe GDR, débutait ainsi : « Les violences masculines à l'encontre des femmes ne constituent pas un problème privé. Au contraire, elles représentent le plus brutal de l'inégalité existant dans notre société. Il s'agit de violences qui sont exercées sur les femmes en raison d'une prétendue infériorité, parce que leurs agresseurs considèrent qu'elles sont dépourvues des droits élémentaires de liberté, de respect, de sûreté et de liberté de décision. »

Aujourd'hui, en adoptant la proposition de loi dont nous débattons, nous allons dire avec force que la violence faite aux femmes est un problème public, auquel toute la société doit se confronter. Grâce à ce texte, la République peut se doter de moyens efficaces pour faire respecter les droits des femmes contre la domination patriarcale.

La genèse de cette proposition de loi est atypique ; cela fait sa force. Ce sont les femmes, leur refus d'accepter l'inacceptable, leur volonté de vivre libres, de survivre, qui en sont à l'origine. L'actualité nous le rappelle : tous les trois jours, une femme meurt sous les coups. Ces jours-ci, une jeune femme, Najlae, qui avait porté plainte pour avoir été battue par son frère, a même été expulsée. Au-delà de ces faits, je veux dédier cette loi à toutes celles qui, parfois pendant des années, vivent au quotidien humiliations, coups et souffrances, à toutes celles qui s'y opposent, à toutes celles qui résistent.

En 2004, en Espagne, les femmes font adopter une loi-cadre. Le Collectif national pour les droits des femmes prend le relais en France et élabore une proposition de loi. Un processus est en route, celui d'une construction législative commune par les associations féministes et la représentation nationale. Après le dépôt de la proposition de loi-cadre, une pétition ayant recueilli 16 000 signatures est déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale pour qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour.

Est alors mise en place une mission parlementaire, puis une commission ad hoc, dont je veux saluer ici la qualité du travail et des auditions, sous l'impulsion remarquable de sa présidente, Mme Danielle Bousquet, et de son rapporteur, M. Guy Geoffroy, que je remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.) C'est dire combien cette proposition de loi est importante, autant pour les dispositions qu'elle introduira dans notre droit que pour le processus qui a conduit à sa discussion par notre assemblée.

Qu'apporte-t-elle ? Des avancées notables pour les femmes, notamment la création d'une ordonnance de protection – dont le champ s'élargit aux femmes victimes d'un mariage forcé –, la reconnaissance d'un délit de violences psychologiques, de nouveaux droits pour les femmes étrangères – qui, je l'espère, seront maintenus au cours de notre débat –, l'inscription dans les missions de service public de France Télévisions de la lutte contre les préjugés sexistes et de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes – objectifs également intégrés dans la formation des maîtres et les cours d'éducation civique –, des efforts de formation pour tous les acteurs et actrices concernés, l'obligation pour les bailleurs de réserver des logements aux femmes victimes de violences ainsi que de nouvelles mesures relatives à l'autorité parentale.

Peut-on faire mieux ? Oui, madame la ministre d'État, madame la secrétaire d'État. Il faut, pour cela, réintégrer dans le texte les trois articles qui en ont été ôtés en raison de leur irrecevabilité financière. Madame la ministre d'État, vous avez annoncé que le Gouvernement reprendrait les dispositions relatives à l'aide juridictionnelle et aux mesures de formation, et je m'en félicite. Mais j'insiste sur la nécessité de reprendre également l'article visant à créer un observatoire scientifique des violences contre les femmes. Les observatoires existants, notamment celui de la Seine-Saint-Denis, ont effet prouvé leur très grande efficacité en matière d'information, de prévention et d'accompagnement.

Il est également possible d'enrichir ce texte dès aujourd'hui, en adoptant d'autres amendements. Je pense notamment à ceux visant à étendre le bénéfice de l'ordonnance aux femmes menacées d'agression sexuelle ou de violences par une personne vivant au même domicile, à préciser que la médiation pénale est interdite quand une femme dépose plainte pour des violences, à réserver des chambres dans les résidences universitaires aux étudiantes victimes de violences, ainsi qu'à renforcer les mesures en matière de logement que le juge peut prendre par ordonnance, laquelle doit intervenir dans les meilleurs délais et être prolongée si nécessaire jusqu'à l'issue des procédures civiles ou pénales engagées.

Ainsi, cette proposition de loi nous permettra de franchir une étape remarquable. Tous les acteurs et actrices de l'État auront dorénavant comme mission de prévenir et de combattre les violences exercées contre les femmes au prétexte de leur genre, de prévenir la société elle-même contre la pérennité de telles pratiques et de lui permettre ainsi de réaliser de nouvelles avancées.

En adoptant ce texte, nous définissons un cadre, des règles, mais la vigilance et la mobilisation ne doivent pas faiblir. Il faudra agir pour se doter de moyens réglementaires – afin, par exemple, d'étendre le bénéfice de la loi aux ressortissantes algériennes – et dégager les moyens financiers nécessaires. On voit en effet comment l'exceptionnelle loi sur l'IVG se heurte aujourd'hui aux coupes claires réalisées dans le budget de l'hôpital public et les subventions aux associations.

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