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Intervention de Gérard Charasse

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Charasse :

C'est au législateur, et non pas au Conseil constitutionnel, de remettre en cause le régime concordataire, que nous avons eu à mettre en oeuvre en 1984, au moment du départ de l'évêque de Strasbourg, Mgr Elchinger. Cela a donné lieu à des palinodies du Vatican, parce que le pape Jean-Paul II n'acceptait pas que le Président de la République puisse nommer un évêque, ce qui m'a contraint à prévenir le nonce apostolique que, dans ce cas-là, l'État n'assumerait plus ses obligations financières en la matière, ce qui lui ferait faire des économies. Le nonce m'a alors assuré qu'il s'agissait d'un malentendu.

Le pape étant très sourcilleux sur le sujet, nous avons eu quelque temps plus tard un second incident, à propos de la nomination de l'évêque de Pointe-à-Pitre : le pape considérait qu'il ne s'agissait pas d'un territoire français et qu'en conséquence la procédure du nihil obstat ne s'appliquait pas. Le Président Mitterrand a alors donné les instructions nécessaires pour que l'évêque nommé ne débarquât pas, et il n'a pas débarqué : j'y ai veillé.

Depuis toujours, dans la tradition républicaine, la Présidence de la République n'est pas considérée comme une administration, mais comme la maison civile et militaire du Président. Du reste, un arrêt du Conseil d'État a été rendu à propos d'un collaborateur, jeune membre du Conseil d'État, du président Giscard d'Estaing – il n'avait pas quatre ans de service : il ne pouvait donc pas être affecté dans un cabinet ministériel. Le Conseil d'État a rappelé que la Présidence de la République n'étant pas une administration, ce jeune conseiller pouvait y être nommé. C'est ainsi que je suis resté à l'Élysée. Ma situation, compte tenu de cet arrêt du Conseil d'État, était moins fragile que celle de Robert Pontillon, sénateur nommé aux côtés du Premier ministre Pierre Mauroy, et a, du reste, permis de couvrir la sienne. J'ajoute que, pour ce qui me concerne, le Bureau du Sénat avait été saisi et que, pour les raisons que j'ai indiquées, aucune suite n'a été donnée.

Madame Pau-Langevin, dans la phase préparatoire aux nominations actuelles, j'ai plaidé pour la nomination d'une femme. Je pensais qu'il fallait nommer à la fois une personne de la même sensibilité que Pierre Joxe, et une femme pour remplacer celle qui partait. Les autorités constitutionnelles en ont jugé autrement. J'en prends acte.

Cela étant, j'ai sur la parité une position qui peut choquer mais qui est conforme à ma conception de la République, selon laquelle il ne convient pas de faire de différence entre les personnes. Si j'ai été le premier ministre du budget à nommer une femme directeur du budget – il s'agissait d'Isabelle Bouillot –, ce n'est pas parce qu'elle était une femme, mais parce qu'elle était la meilleure. Là encore, le législateur peut modifier les textes et exiger la parité dans les nominations au Conseil constitutionnel, mais ce n'est pas au Conseil de le faire.

Quant aux questions relatives à la dignité humaine, elles font partie du corpus juridique. Si le Conseil est appelé à se prononcer, il ne saurait écarter une décision le conduisant à exiger l'application des textes en la matière.

Monsieur Vidalies, le Conseil constitutionnel est composé de politiques, même si la chose n'est pas certaine s'agissant, notamment, de M. Canivet, de M. Denoix de Saint-Marc ou de Mme de Guillenchmidt – ces personnes n'ont jamais été des élus. Dans la mesure où le Conseil juge les lois, il n'est pas mauvais que des parlementaires, qui ont fait la loi, se retrouvent ainsi de l'autre côté de la barrière.

Vous avez également évoqué le fait que l'impartialité du Conseil constitutionnel pourrait être mise en cause à Strasbourg en raison du mode de nomination de ses membres. Il conviendrait dès lors d'examiner le mode de nomination de tous les juges de toutes les institutions de tous les États signataires de la Convention européenne des droits de l'homme pour vérifier si on ne connaît pas ailleurs des cas analogues. De plus, lorsqu'on prend connaissance du livre, récemment publié à la demande du président Jean-Louis Debré, regroupant les délibérations du Conseil constitutionnel datant de plus de vingt-cinq ans, on s'aperçoit que ceux qu'on aurait pensés les plus acharnés à défendre la majorité de l'époque n'ont pas toujours pris les positions qu'on attendait d'eux. Il y avait là d'anciens résistants dont la conception de la liberté et de la République n'était pas celle qu'on supposait être.

La Cour européenne étudie actuellement la nature exacte du procureur de la République en France : elle donnera sa réponse. Le procureur existe depuis la Révolution et, si je mets à part Fouquier-Tinville, qui n'a pas laissé le meilleur souvenir, je tiens à rappeler qu'il a également existé des procureurs courageux qui ont su montrer leur attachement à la loi.

Madame Filippetti, les assemblées ne doivent pas accepter – je suis encore des vôtres – que le Conseil constitutionnel, dont les membres n'ont été élus par personne, s'érige en troisième chambre. Ce serait sinon la remise en cause absolue de la souveraineté nationale et du pouvoir du peuple, à savoir de l'élection, qui est le système de base de la démocratie. Le Conseil commettrait du reste une grave erreur, qui serait un signal de mort, si, ayant évité jusqu'à présent de se considérer comme tel, il se lançait dans un processus de cet ordre.

Telles sont, mesdames, messieurs, mes réponses, dont l'imperfection tient à la rapidité de l'exercice, qu'a soulignée M. Urvoas.

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