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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 24 février 2010 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

J'en viens maintenant au fond.

Que pensez-vous que, monsieur Charasse, de l'usage de la technique contentieuse de « conformité sous réserve d'interprétation » du Conseil ? Il me semble que le Conseil constitutionnel a tendance depuis quelques années à multiplier les réserves – parfois même, d'après ce que l'on m'a dit, sur la suggestion du secrétariat général du Gouvernement. Cette façon de procéder s'apparente à un coup de force politique car le Conseil se substitue ainsi au législateur. Quel sentiment cette dérive vous inspire-t-elle ?

Ma deuxième question portera sur la façon dont le Conseil constitutionnel argumente ses décisions. Comparées à celles d'autres cours constitutionnelles – mais il est vrai qu'il n'en est pas encore une, point sur lequel nous reviendrons –, elles sont bien plus courtes et apparaissent parfois comme des suites d'assertions prononcées d'autorité, sans arguments ni démonstration. Leur caractère quelque peu sibyllin les rend, selon moi, juridiquement dangereuses.

On peut ainsi mettre en regard la décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2004 relative au traité établissant une Constitution pour l'Europe et celle qu'a rendue le Tribunal constitutionnel espagnol sur le même sujet le 2 décembre 2004. Alors que la première est très elliptique, la seconde développe un raisonnement juridique extrêmement charpenté. Sur un sujet très proche, on peut dresser le même constat en comparant la décision du Conseil du 20 décembre 2007 et celle du Tribunal constitutionnel fédéral allemand du 30 juin 2009.

À mon sens, les décisions du Conseil constitutionnel sont fondamentalement politiques. C'est précisément pour cette raison que leur contenu doit être irréprochable du point de vue technique et aussi argumenté que possible du point de vue juridique.

Qu'en pensez-vous ?

Ma troisième question aura trait aux opinions séparées. Depuis 1958, les décisions du Conseil sont artificiellement présentées comme ayant été adoptées à l'unanimité. Pour ma part, j'ai toujours préconisé, notamment par voie d'amendement, que l'on rende publics les désaccords qui traversent le Conseil et qui s'expriment aujourd'hui de façon parallèle. On renforcerait ainsi le sérieux de l'argumentation développée par les membres, on affirmerait la transparence dans la prise de décision et on permettrait au public et aux observateurs de suivre le cheminement par lequel le Conseil a adopté telle ou telle position. Le système des opinions séparées est en vigueur dans la plupart des cours constitutionnelles. Ces opinions sont portées en annexe des décisions et chacun s'en félicite. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs rendu visite au Tribunal constitutionnel espagnol il y a quelques mois afin de mesurer l'intérêt de ce dispositif. Quelle est votre propre opinion à cet égard ?

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