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Intervention de Philippe Armand Martin

Réunion du 25 février 2010 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Armand Martin, rapporteur :

Merci M. le Président. La situation est grave : la production de gruyère fait vivre de nombreuses familles dans notre pays et bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée (AOC). Aujourd'hui, tout ceci est menacé par l'attitude de la bureaucratie bruxelloise qui montre sur ce dossier ce dont elle est capable quand elle traite un sujet de manière purement administrative et abstraite.

Il s'agit en l'occurrence de la reconnaissance comme AOP (appellation d'origine protégée) de notre AOC nationale « Gruyère ». Le code rural prévoit en effet que les AOC doivent demander une protection sur le marché communautaire sous la forme d'une AOP.

Je signalerai que la Suisse, qui possède également une AOC « Gruyère » et qui partage avec la France l'utilisation de la dénomination, a fait de même. Il s'agit en effet de fromages identiques de part et d'autre de la frontière.

Cependant, il s'avère que seule la demande française a été instruite par les services de la Commission européenne qui, en dépit des nombreux échanges qu'ils ont pu avoir avec le ministère de l'agriculture, s'apprête à recommander le rejet de notre demande. Ce refus se fonde sur des arguments contestables au regard des critères posés par la législation communautaire et qui témoigne d'une interprétation très étroite des dispositions en vigueur, en particulier s'agissant de la définition de l'aire géographique concernée et du lien entre le produit et le terroir dont il est issu.

La France a répondu point par point aux remarques formulées par la Commission mais ne semble pas avoir été entendue. Or, si elle devait être confirmée, cette décision de rejet aurait des conséquences majeures pour les producteurs français de gruyère :

– tout d'abord, elle reviendrait non seulement à ne pas leur accorder de protection sur le marché communautaire mais aussi et surtout à leur faire perdre le bénéfice de l'AOC au niveau national ;

– ensuite, et contre toute attente, le gruyère suisse pourrait, lui, bénéficier d'une protection : pas d'une AOP, mais d'une reconnaissance de son AOC au niveau communautaire par le biais d'un accord de libre échange entre l'Union européenne et la Suisse. Cet accord, actuellement en cours de finalisation, prévoit en effet une reconnaissance mutuelle des appellations.

L'application de cet accord emporterait ainsi l'usage exclusif de la dénomination « Gruyère » par la Suisse, les producteurs français se retrouvant sans rien, si ce n'est la possibilité, qui n'est évidemment pas souhaitable, d'introduire un recours devant la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) en vue de faire respecter leur droit de propriété intellectuelle sur la dénomination « Gruyère ».

Le dossier devait être examiné au niveau communautaire le 15 mars mais la France a fort heureusement obtenu, lundi, un report de la décision afin que son cas soit étudié par le Commissaire à l'agriculture, M. Dacian Ciolos.

L'objectif poursuivi par la présente proposition de résolution est simple : il s'agit de soutenir la position de la France, notamment en soulignant les points que la Commission ne doit pas perdre de vue. Tout d'abord, la proposition de résolution prend acte du report. Elle souhaite ensuite que le délai obtenu soit mis à profit pour que notre dossier soit de nouveau examiné notamment :

– que tous les éléments soient bien pris en compte, car il y a eu plusieurs échanges de lettres mais la Commission semble être restée sur sa première impression ;

– mais également qu'il puisse y avoir un nouvel échange technique avec les services du ministère de l'agriculture, comme la Commission s'y était d'ailleurs engagée en janvier.

Puis elle souligne la logique qu'il y aurait à instruire concomitamment les dossiers français et suisses d'enregistrement en AOP, qui sont similaires.

Elle insiste enfin sur les conséquences d'une décision de rejet accompagnée, parallèlement, de l'octroi d'une protection pour le seul gruyère suisse, qui se traduirait par une distorsion de concurrence inacceptable pour nos producteurs.

C'est pourquoi, en conclusion, il est demandé à la Commission européenne de ne pas proposer de décision définitive sur le dossier français tant qu'une solution acceptable n'aura pas été trouvée avec les autorités françaises.

C'est là le texte de la proposition de résolution que j'ai défendu hier devant la Commission des affaires européennes et qui a été adopté par elle à l'unanimité. Je crois que son adoption par la Commission des affaires économiques permettra, non seulement, de témoigner aux producteurs le soutien de la représentation nationale et de conforter la position du ministre Bruno Le Maire dans les négociations avec Bruxelles mais aussi, plus généralement, d'afficher la détermination de la France dans ce dossier qui, au-delà du cas particulier du gruyère, illustre deux causes qui lui sont chères : d'une part, la défense de la notion de « terroir » et la valorisation des productions locales et, d'autre part, la lutte contre les distorsions de concurrence, à l'intérieur de l'Union européenne et entre l'Union et ses partenaires commerciaux.

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