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Intervention de Philippe Duron

Réunion du 24 février 2010 à 15h00
Débat sur le développement des transports ferroviaires publics

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Duron :

Je tiens d'abord à remercier le groupe de la Gauche démocrate et républicaine qui nous donne aujourd'hui l'occasion de débattre du système ferroviaire et de son développement. Le chemin de fer en France, c'est tout d'abord un service public qui a permis de mailler, de désenclaver les territoires, d'offrir des déplacements sûrs à un prix raisonnable.

La SNCF a su construire et faire fonctionner un système ferroviaire rationnel, efficace, qui a fait très longtemps référence en Europe. La SNCF, c'est un mode d'organisation où le savoir faire des ingénieurs se conjugue avec la culture du service public des cheminots. Le chemin de fer, c'est la vitesse, la sécurité, l'agrément du voyage, cela a également longtemps été la ponctualité.

La première question que je voudrais aborder est la qualité du service public, qui est indispensable à son développement.

Des informations récentes de la SNCF, certes démenties par le secrétaire d'État, laissent entendre que la société nationale envisagerait de renoncer à l'exploitation de certains TGV régionaux ou interrégionaux : Arras-Paris, Lille-Strasbourg, Nantes-Strasbourg. S'agit-il d'une réalité, d'une nécessité pour la SNCF ? Ou bien est-ce la répétition d'un procédé qu'elle avait déjà utilisé en 2005 pour tenter de faire assumer par les régions les investissements et les déficits d'exploitation des trains corail ? Les présidents de région s'étaient alors mobilisés derrière Jacques Auxiette pour lancer une seconde bataille du rail, et obtenir que les choses soient revues d'une manière plus raisonnable.

La qualité du service public, c'est aussi la ponctualité des trains. Nous faisons tous l'expérience des trains arrivant en retard, quand ils ne sont pas annulés. Voici quelques jours, un grand quotidien économique s'est fait l'écho de la dégradation des taux de ponctualité des grandes lignes : 82,6 % de trains à l'heure en 2008, et 81,2 % en 2009. Près d'un train sur cinq sur ces grandes lignes a subi plus de cinq minutes de retard l'an dernier, soit près de 60 000 TGV et TEOZ. Le directeur général de l'exploitation impute ces retards à l'importance des travaux de régénération engagés depuis quatre ans. Mais l'explication est un peu courte, car dans le même temps, les TER qui circulent sur les mêmes réseaux ont amélioré leur taux de ponctualité : il est passé de 90,7 % en 2008 à 91,4 % en 2009. Il faut sans doute chercher ailleurs des explications à cette dégradation de la qualité. La réduction des personnels annoncée par la SNCF n'est pas encourageante à cet égard. Le vieillissement de certains matériels de la SNCF comme les trains corail, l'insuffisance de la maintenance, peuvent également expliquer ces défauts de ponctualité. La ponctualité des trains français qui a fait l'honneur de générations entières de cheminots et l'admiration de toute l'Europe est un indicateur de la qualité. Il est essentiel que la SNCF relève ce défi.

Le service public, c'est aussi la péréquation tarifaire, c'est-à-dire un coût équitable des déplacements pour les usagers où qu'ils se trouvent sur le territoire. Certes, on peut comprendre les stratégies commerciales incitant à mieux utiliser le train sur les plages les moins saturées. Mais aujourd'hui, plus personne ne peut apprécier correctement le juste coût du déplacement tant les tarifs sont illisibles.

Le deuxième point que j'aborderai aujourd'hui est celui du financement des infrastructures et des matériels nouveaux. La feuille de route de la SNCF et de RFF est particulièrement importante et, pourquoi ne pas le dire, ambitieuse. Qu'il s'agisse de la régénération, des nouvelles lignes LGV, du sauvetage du fret, dont madame Branget a parlé, le besoin de financement est considérable. Cela m'amène à déplorer comme de nombreux collègues et notamment Michel Bouvard lors de la discussion de la loi de finances rectificative, la privatisation des sociétés d'économie mixtes à caractère autoroutier. Cette mesure prive l'agence de financement des infrastructures de transport de France de recettes pérennes et croissantes.

Aujourd'hui, et avant l'arrivée de ressources nouvelles liées à la taxe kilométrique sur les poids lourds, l'agence n'est pas en capacité de couvrir les besoins de financement des projets arrêtés lors du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire de 2003, et des projets actés dans le Grenelle I. En 2009, les recettes de l'AFITF en crédits de paiement atteignent 2832 millions d'euros, dont 374 millions d'euros au titre du plan de relance. Ce bon chiffre reste néanmoins insuffisant au regard des besoins évalués par vos services, de l'ordre de 3,1 milliards d'euros qui devraient croître en 2010 pour dépasser les 4 milliards d'euros.

Comment ferez-vous pour sortir de cette impasse et financer demain les nouvelles lignes LGV, qu'elles aient été annoncées lors du Grenelle ou par le Président de la République, lequel souhaitait, le 29 avril dernier, relier Le Havre à Paris en une heure et quart? Comme le disait Daniel Paul, comment financer les lignes normandes qui ont un grand besoin d'être régénérées et mises aux normes LGV ?

Certes, l'Etat a pris l'habitude d'appeler les collectivités territoriales dans le tour de table du financement des LGV, ou même dans la régénération du réseau via des contrats de projets Etat-région. Mais même ainsi, on mesure la difficulté à boucler le tour de table des LGV Sud-Ouest et Bretagne. Il y a un paradoxe entre les sollicitations répétées de l'État aux régions et aux départements pour des financements croisés, sur des missions qu'il assurait seul par le passé, et les critiques adressées à ces collectivités territoriales sur ces mêmes financements croisés.

Vous voulez mettre un terme aux coopérations financières entre collectivités, brider leur liberté en remettant en cause la clause de compétence générale, mais vous les amenez à financer vos projets pour des sommes qui sont souvent bien supérieures à ce que départements et régions apportent aux communes et aux communautés.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de regretter ; avec le rapporteur général du budget Gilles Carrez et d'autres éminents parlementaires, que le Gouvernement n'ait pas saisi l'opportunité du grand emprunt pour financer de grands projets d'infrastructures tels que des LGV, mais aussi pour combler la dette de RFF, et assainir ainsi cette situation.

Que nous reste-t-il pour mieux financer demain les infrastructures ferroviaires et la régénération du réseau ? Lors de l'examen du Grenelle I, le Gouvernement avait repoussé un amendement qui aurait permis d'accélérer la régénération du réseau ferré en autorisant les régions à investir plus fortement en échange d'un allégement des péages dont elles s'acquittent pour les TER.

D'autres propositions ont été faites, notamment de donner la possibilité au fonds de réserve des retraites de placer une partie de ses encours dans le financement des LGV. Cela permettrait de garantir l'épargne des salariés – rappelons qu'en 2008 les actifs ont diminué de 20 % du fait de placements qui ont subi la crise – et de trouver par ailleurs un financement à long terme.

Quand on parle du fret, on a du mal à parler de développement. On constate les difficultés de l'opérateur historique à s'inscrire dans une démarche de transfert modal qui n'existe réellement que dans le discours politique. Alors que le tonnage transporté augmente en Allemagne, en Autriche et en Pologne, en France la SNCF perd des parts de marché. Aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement parle d'un engagement national pour le fret, et c'est peut-être la dernière des réformes. Des priorités ont été dégagées : création d'autoroutes ferroviaires cadencées, doublement du transport combiné, développement du fret à grande vitesse entre les aéroports, création d'un réseau orienté vers le fret.

Tout cela est bien, mais le réseau à priorité fret laisse de côté des territoires entiers de l'ouest de la France. Par ailleurs, l'abandon du wagon isolé exigerait une émergence rapide des opérateurs ferroviaires de proximité. Or, nous constatons qu'ils peinent à voir le jour et à se structurer.

Pensez-vous que notre pays sera réellement en capacité de rattraper son retard en matière de fret ferroviaire et de faire progresser le report modal de la route vers le fer ? C'est l'une des exigences du Grenelle et l'un des enjeux de développement durable pour les années à venir et pour les générations futures.

J'aimerais terminer sur une note positive, monsieur le ministre, et me réjouir d'un service ferroviaire qui marche bien, qui marche mieux. Je veux parler des trains express régionaux, les TER. Dans les années 1990, les trains d'intérêt local étaient dans un tel état de délabrement qu'ils avaient cessé d'être attractifs pour les usagers. L'expérimentation pratiquée dans un premier temps après le rapport Haenel, puis le transfert de l'organisation des transports ferroviaires régionaux, ont permis d'inverser cette tendance, de retrouver la confiance des voyageurs, et de présenter aujourd'hui un bilan flatteur.

Le succès, c'est d'abord la conséquence d'un volontarisme politique des régions, qui ont accompli un effort budgétaire considérable. En 2007, l'effort hors Île-de-France s'est élevé à 3,4 milliards d'euros alors que la compensation de l'État n'a été que de 2 milliards d'euros. Ce succès, il est mesurable, puisque la fréquentation des TER n'a cessé d'augmenter depuis 2002. On a ainsi assisté à une augmentation de 28 % en moyenne, beaucoup plus dans certaines régions – dans ma région, la Basse-Normandie, c'est 40 % de fréquentation supplémentaire entre 2004 et le premier semestre de 2009. Ce succès, c'est bien sûr le résultat d'un effort considérable pour renouveler les matériels – en Basse-Normandie, 97 % du matériel est récent –, pour mettre en place des tarifications attractives, adaptées et solidaires pour les demandeurs d'emploi, les salariés, les scolaires et les étudiants. C'est un véritable encouragement aux transports en commun que les régions ont ainsi mis en place. Ce succès, c'est encore la mise en place du cadencement en Rhône-Alpes, en Basse-Normandie, en Aquitaine et dans plusieurs autres régions.

Le succès, c'est aussi la capacité à instaurer un dialogue avec les usagers, à mettre en place des comités de ligne, à mieux prendre en charge les besoins de la population. Cet effort des régions en faveur du ferroviaire ne s'arrête pas là, puisqu'elles participent largement à la rénovation des gares.

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