La comparaison de l'évolution des coûts salariaux fait apparaître un très net décrochage de la France par rapport à l'Allemagne. En revanche, selon les données de l'OCDE, le rythme de croissance de nos coûts salariaux a été inférieur à celui constaté au Royaume-Uni, au Danemark ou aux États-Unis.
C'est donc l'Allemagne qui se détache par rapport à ses concurrents. La conséquence en est, pour les entreprises françaises, une tendance à rogner sur les marges à l'exportation : ainsi, malgré la dégradation de la compétitivité-coût, la compétitivité-prix se maintient à peu près. Les entreprises allemandes en tirent un avantage pour les taux de marge et les fonds propres, et développent leur compétitivité hors prix, c'est-à-dire grâce à l'innovation et à l'amélioration de la qualité de leur offre. Elles ont aussi une plus grande faculté à répercuter la hausse de l'euro, en raison de la réputation de qualité des produits allemands.
Pour ce qui est de l'évaluation des mesures fiscales, en dépit de son expertise juridique, l'administration française semble en retard par rapport aux autres pays développés, tant au stade de la proposition de mesures nouvelles qu'à celui de l'évaluation ex post. Nous avons notamment des difficultés à apprécier les stratégies d'optimisation des entreprises. Par exemple, il existe indéniablement des marges de manoeuvre importantes pour faire rentrer des recettes au niveau de la déductibilité des intérêts d'emprunts au titre de l'impôt sur les sociétés. Alors que les Allemands ont mis en place un système rigoureux, le dispositif français encadre la sous-capitalisation mais ne concerne pas l'endettement bancaire, si bien qu'il favorise l'endettement des entreprises auprès des banques au lieu de les inciter à développer leurs fonds propres. Une action dirigée contre ce type de niche aurait donc un sens économique.
Il existe, en effet, un paradoxe français : l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu des entreprises, est comparativement assez faible, alors que les impôts sur les coûts de production sont plus élevés. Comme l'entreprise raisonne en termes de résultat opérationnel, elle doit prendre en compte ces impôts sur les coûts de production. En revanche, lorsqu'elle envisage un nouvel investissement, elle ne prend pas en compte l'impôt sur les sociétés. Il y aurait donc une logique à améliorer le rendement de cet impôt par rapport à ceux qui frappent les coûts de production. En élargissant ses bases, on pénalisera plutôt les sociétés qui sont à même de pratiquer l'optimisation fiscale, à savoir les grandes entreprises.
De fait, les exonérations de charges sont déjà ciblées sur les petites entreprises. Le taux d'exonération de celles de moins de dix salariés est de 13 %. Il est de 8 % pour celles ayant entre dix et vingt salariés, de 6 % entre vingt et cinquante, de 3 % au-delà de cinq cents – la cause en est que les petites et très petites entreprises servent des salaires moins élevés. La logique de compétitivité ne peut justifier un ciblage accru. Quant aux effets sur l'emploi, ils n'ont pas été étudiés, mais je ne suis pas persuadé que l'on puisse gagner davantage sur ce plan.