Ce rapport, d'une grande objectivité, est tout à fait éclairant. Nous apprenons ainsi que les prélèvements français, réputés les plus élevés d'Europe, ne le sont pas tant que cela puisque l'on fait entrer des éléments différents dans la comparaison. Il apparaît qu'ils n'entravent pas forcément la compétitivité des entreprises. En tout cas, ils n'expliquent pas la faiblesse du tissu industriel de PME en France par rapport à l'Allemagne. On sait aujourd'hui que ce ne sont pas les prélèvements obligatoires qui altèrent notre modèle industriel.
De même, il n'est pas du tout sûr que les allégements de cotisations sur les bas salaires soient d'une grande efficacité. Concernant les emplois qu'ils auraient permis de préserver ou de créer, les chiffres varient de 300 000 à 1,5 million, sans que l'on puisse déterminer s'il ne s'agit pas là que d'effets d'aubaine.
Ce qui est sûr, ce sont les effets improductifs d'un système qui fonctionne comme une trappe à bas salaires : on qualifie peu les personnes pour ne pas avoir à augmenter leur salaire au-delà de 1,6 SMIC. C'est peut-être ce qui explique la faiblesse des PME, dont les ouvriers sont peu qualifiés et ne peuvent passer à la vitesse supérieure parce qu'on ne leur en donne pas les moyens. On ne saurait parler de « grande réforme » de la formation professionnelle si l'on ne tient pas compte de ces éléments.
Par ailleurs, il manque bon an mal an une dizaine de milliards d'euros à notre régime de sécurité sociale – 5 milliards pour la branche maladie et 5 autres milliards pour les retraites –, abstraction faite de la période de crise que nous traversons. Or, le total des exonérations s'élève à 55 milliards, les allégements de cotisations sur les bas salaires représentant 31 milliards. En procédant à des modifications à la marge, par exemple en ramenant le seuil à 1,4 SMIC ou en excluant les entreprises qui délocalisent, il est possible de rétablir un équilibre. Contrairement à ce que l'on voudrait faire croire, le financement de la protection sociale n'est pas insurmontable. Mais il faudra que l'effort soit partagé entre les entreprises et les salariés.
Ce modèle social est le nôtre. La préférence donnée à un salaire indirect élevé par rapport au salaire direct correspond à un choix que nous avons fait et qui nous a permis d'amortir les effets de la crise. On ne peut s'en réjouir d'un côté et le dénoncer de l'autre. Il faut choisir son camp : soit notre modèle social peut perdurer, ce que j'espère, soit il faut le remettre en question, ce que je n'espère pas.