Il existe très peu d'études sur la perception que l'on a en France du salaire indirect. À l'évidence, un salaire indirect trop fort brouille la politique des entreprises et du pays en matière de protection sociale. La compréhension est vraisemblablement meilleure au Danemark, où la protection sociale est très avancée mais où l'on a fait un choix tout différent.
Il est très difficile de faire de la macroéconomie en direction des ménages. On n'arrive même pas à leur faire comprendre la logique de la dépense sociale financée par leurs salaires indirects en matière de santé. En 2004, le Parlement a adopté une disposition prévoyant l'envoi annuel à chaque assuré social d'un décompte des dépenses exposées à son bénéfice, mis en regard de ses cotisations. Ce n'est toujours pas fait ! Or, en matière de santé, les gens ont le sentiment que la sécurité sociale rembourse de moins en moins bien, qu'elle coûte très cher au pays mais qu'ils n'en bénéficient pas. Des analyses confirment cette sous-estimation de la dépense socialisée.
C'est également un problème de reconquête politique : il est plus facile d'expliquer les difficultés par des anomalies de la dépense que de dire aux gens que leur dépense est forte – ce qui est incontestablement le cas.
En ce qui concerne la TVA sur l'hôtellerie-restauration, nous n'avons pas prolongé notre analyse d'octobre 2009, aux termes de laquelle il n'était pas assuré que le nombre d'emplois créés correspondrait à ce qui figurait dans le schéma initial. Depuis lors, le dossier a connu des évolutions qu'il ne m'appartient pas de commenter.
Pour ce qui est des arbitrages en matière d'exonérations et de salaires, la France a ceci de particulier que le coût du travail au SMIC y est réglementé. Il n'y a pas lieu de le regretter ou de le discuter : il s'agit d'un acquis. La Cour des comptes a néanmoins signalé que c'était entrer dans une sorte de course diabolique que de vouloir « indemniser » l'augmentation du SMIC au moyen d'exonérations qui provoquent elles-mêmes une augmentation du taux de prélèvement pour les secteurs exposés à la concurrence.
Il est tout à fait possible de mener une politique qui soit moins active en termes d'augmentation du salaire direct pour le travail non qualifié et qui augmente en contrepartie les prestations sociales au bénéfice des ménages modestes. Cela suppose que l'on accepte de rendre plus redistributive notre protection sociale, et c'est là un débat que peu de gens veulent ouvrir. Pour améliorer la situation d'un ménage modeste, on peut choisir soit d'améliorer son salaire direct – augmentation que l'on sera contraint de compenser par des exonérations –, soit de le compléter par des prestations plus actives, ce qui implique, à prélèvements constants, que l'on accroisse la redistributivité et que l'on pourchasse les niches sociales qui immobilisent une part très significative des marges que l'on pourrait dégager.
Quant à la possibilité de conditionner les exonérations, souvent évoquée ces derniers temps, elle semble très difficile à manier. Ne serait-ce que juridiquement, il serait malaisé de faire varier les taux en fonction de la nationalité de l'entreprise, par exemple. On peut considérer qu'il est possible de stabiliser doucement, voire de réduire légèrement, les exonérations sur les bas salaires, mais tenter de les « bricoler » de l'intérieur s'apparente à une course sans fin. Du reste, on ne peut subordonner le bénéfice d'une même exonération à des objectifs multiples. La Cour des comptes l'avait dit il y a quelques années et le Conseil des prélèvements obligatoires le répète : il faut arrêter cette politique qui, toutes choses égales par ailleurs, se traduit par un renchérissement du coût du travail qualifié.
Plus globalement, le problème majeur est celui de la maîtrise de la dépense. Certes, notre société a sa logique propre qu'il serait illusoire de vouloir changer. Mais l'analyse de la composition de la dépense publique fait ressortir que l'on est très loin de l'optimum !