La formation de l'armée afghane a été évoquée dès 2001, lors de la Conférence de Bonn. Nous ne sortirons du théâtre des opérations que lorsque les Afghans seront en mesure de prendre en compte leur propre sécurité, avec leurs propres forces armées et leurs propres forces de police. Cette affaire est en bonne voie. Aujourd'hui même, le général Lechevallier, adjoint français de l'ISAF Joint Command Headquarters (IJC), m'indiquait à quel point les choses avaient évolué. Lors de la grande opération lancée dans la région du Helmand décidée par le général Mc Crystal, avec des troupes américaines et britanniques, il a pu vérifier la qualité de la participation des officiers afghans, qu'il s'agisse du placement des officiers sur le terrain ou de la prise en compte des opérations par les généraux. Nous voyons aujourd'hui des soldats afghans piloter des hélicoptères, ce qui était impensable il y a seulement trois mois. À cet égard, le rôle des OMLT – Operational Mentoring and Liaison team – et des POMLT – Police Mentoring and Liaison team – est essentiel et s'avère plutôt efficace.
Je me rends tous les trois mois en Afghanistan. À chacun de mes déplacements, je constate les progrès substantiels de l'armée afghane, en particulier ceux des officiers dans leur capacité à traiter des problèmes tactiques. Le nombre des désertions a diminué, les instructions sont mieux ressenties, et la présence des officiers plus constante.
La conférence de Londres a réuni les ministres des affaires étrangères des nations concernées, en présence du président Karzaï. Parmi les propositions faites par le chef de l'État afghan – formation de forces de sécurité et de police ; restauration d'une certaine gouvernance, opération qui a pris beaucoup de retard ; actions de reconstruction et de développement réalisées dans le cadre de l'effort international – celle consistant à tendre la main aux talibans modérés me paraît incontournable.
En effet, les talibans sont recrutés pour l'essentiel dans les tribus pachtounes ; or celles-ci représentent plus de la moitié de la population afghane. On voit mal comment ce pays pourrait retrouver une vie normale si tous ses citoyens ne se décident pas à vivre ensemble.
On peut en effet se demander pourquoi avoir fait tout cela pour en arriver à une réconciliation nationale ! Pour ma part, je ne vois pas les choses se terminer autrement que par une réconciliation, sous une forme ou sous une autre, associant les talibans les plus modérés à l'exercice des responsabilités, notamment à la gouvernance. Cette proposition ne me choque pas, elle est d'ailleurs encouragée par l'OTAN et par les responsables internationaux.
Parmi les décisions prises au cours de la conférence de Londres, la plus importante consiste à faire en sorte de mieux coordonner, sur le terrain, les actions militaires et civiles, sachant qu'il appartient aux chefs militaires, dans la phase initiale, de coordonner l'action civile. Lorsque les militaires organisent une action ou une Choura et s'aperçoivent qu'il manque une route ou un hôpital, il faut que la décision de financer les travaux permettant de les construire puisse être prise sur place et très rapidement, faute de quoi nous ne gagnerons pas la population au gouvernement Karzaï. C'est cette coordination-là qu'il faut mettre en place entre la mission des Nations unies en Afghanistan (UNAMA), la FIAS et les différents acteurs de terrain. Il faut que cessent les chikayas entre diplomates et militaires pour savoir qui fait quoi. On en arrive parfois à cette situation étrange dans laquelle un général de tel pays coordonne plus facilement les moyens financiers venant d'un pays autre que ceux provenant du sien. Sur ce plan, la conférence de Londres a marqué une évolution saluée par tout le monde.
Il a également été décidé de fixer une échéance de cinq ans pour stabiliser la situation en Afghanistan. Il est clair que nous avons vu surgir, au cours des derniers mois, une dynamique positive à l'échelle internationale.
J'en viens à la question du service militaire. Il ne me paraît pas anormal que le président Karzaï, compte tenu de l'état dans lequel se trouve son pays, sollicite la mobilisation de l'ensemble des personnes qui se trouvent sur place. Quel est le réalisme de cette proposition, alors même que la mise en place de l'armée afghane est difficile et que les armées de l'OTAN peinent à fournir les instructeurs nécessaires ? Les OMLT fonctionnent bien, mais pour nous, Français, fournir une OMLT de 50 soldats revient à « mettre sur cales » un régiment dans sa presque totalité, car, faute de réserve, nous devons prélever les officiers sur nos forces. Nos limites sont vite atteintes. Et collectivement, il nous serait difficile de former la totalité des jeunes Afghans, d'autant que la difficulté serait aggravée par l'illettrisme qui sévit dans ce pays.