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Intervention de général d'armée Jean-Louis Georgelin

Réunion du 9 février 2010 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

général d'armée Jean-Louis Georgelin :

Le « décrochage » du soutien de l'opinion aux opérations que nous pouvons observer concerne quasi-exclusivement les opérations en Afghanistan. Il est difficile de faire comprendre que l'action menée par les troupes de la coalition depuis 2001 a, sinon conduit à l'éradication de la menace terroriste qui s'exerce sur nos pays, au moins eu un impact positif en ce sens. Comme toujours, alors que, sur notre sol, cette menace s'estompe, et que le nombre des soldats victimes en opérations augmente, la population ne comprend pas la poursuite de notre déploiement dans ce pays.

Pour moi, la réponse à apporter à ce « décrochage » ne relève pas des armées, mais du pouvoir politique, pour qui c'est la mission par excellence. C'est aux politiques d'expliquer pourquoi la France est présente en Afghanistan et pourquoi elle doit y rester.

La France est présente en Afghanistan pour une seule raison : les événements du World Trade Center et les actions d'Al Qaïda. Avec nos amis Américains et ceux de l'OTAN, nous sommes intervenus dans ce pays pour éradiquer les camps d'entraînement d'Al Qaïda, mettre à bas le régime taliban et permettre à la société et à l'État afghan d'acquérir un niveau de stabilité suffisant pour pouvoir prendre en main leur sécurité. Les missions que nous assurons en Afghanistan relèvent assez largement des Afghans eux-mêmes !

Dans toutes les guerres contre-insurrectionnelles, les rébellions misent sur la fragilité des opinions publiques des pays d'origine des armées qui y combattent. En exerçant une pression sur les dirigeants politiques, les opinions publiques qui ne soutiennent pas l'action des armées, affaiblissent la participation de celles-ci, font le jeu – consciemment ou inconsciemment – des rebelles – en l'occurrence les talibans – et rendent notre tâche sur le terrain plus difficile. Pour moi, le seul moyen d'action sur les opinions publiques consiste en une pédagogie active dispensée par les responsables politiques, par les parlementaires et par tous ceux ayant pour mission de prendre la parole publiquement sur ces questions. Selon le dernier sondage disponible, la part de l'opinion publique favorable à notre engagement en Afghanistan est désormais passée sous la barre des 50 %.

Depuis le début de l'année, quatre soldats français sont morts en Afghanistan. Nos pertes sont très inférieures à celles des américains. On compte plus de 800 tués pour les Américains, plus de 300 pour les Britanniques et 40 pour les Français.

Cependant, je n'observe pas de lien fort entre l'évolution de l'opinion publique et celle du nombre de tués. L'opinion publique a tout à fait compris que les militaires avaient pour métier le danger et que le déploiement de forces sur le terrain leur faisait risquer leur vie. Au fond, la question est celle de la perception de la légitimité de l'action.

En matière d'équipements, je crois pouvoir dire qu'au regard de la mission qui est la nôtre, et de ceux dont l'adversaire dispose, nos armées sont globalement bien équipées.

La menace principale qui pèse sur nos forces est celle des engins explosifs improvisés (EEI). C'est contre elle que se mobilisent toute la matière grise, l'ingénierie, les directions générales de l'armement des pays membres de la coalition. Pour lutter contre les EEI et déceler leur présence, de nouveaux moyens ont été ajoutés : outre les moyens de brouillage électromagnétique dont nous avions déjà équipé nos VAB par le passé, nous avons déployé sur le théâtre afghan des dispositifs spécifiques, comme les Souvim – systèmes d'ouverture d'itinéraires minés –, ou les moyens du Génie, pour détecter le plus en amont possible la présence d'EEI.

Ces moyens techniques atteignent vite leurs limites. Il faut être capable, dans une zone donnée, de détecter les personnes qui, au sein de la population, vont déployer des EEI et faire ainsi peser une menace directe sur nos soldats. Pour cela, l'élément capital est le renseignement. Nous réussissons à peu près à savoir, dans une zone donnée, qui est susceptible de faire peser une telle menace. Toutefois, l'affaire n'est pas simple : alors que les talibans payent des personnes pour déployer des EEI – avec un tarif plus élevé lorsque l'explosion provoque des pertes –, à l'inverse, lorsque des contingents s'essaient à payer des Afghans pour qu'ils indiquent les emplacements où se trouvent ces explosifs, il peut arriver que certains, pour toucher la prime, les posent eux-mêmes préalablement ! C'est la guerre de contre-insurrection !

Globalement, nos moyens de combat d'infanterie sont adaptés. Le VAB résiste plutôt bien à la menace. Avec les Tigre, nous avons déployé des hélicoptères d'attaque performants. Nous disposons aussi, avec les Caracal, d'hélicoptères extrêmement fluides et manoeuvrables. N'oublions pas que, comme les autres nations présentes, nous bénéficions aussi des moyens de la coalition : soutien, appui en aviation, appui-feu indirect, drones, hélicoptères. Les manoeuvres des unités françaises en Kapisa ou en Surobi peuvent être appuyées par des moyens d'autres membres de la coalition, mis à disposition de la Force internationale d'assistance et de sécurité (FIAS).

Le mauvais procès fait à l'été 2008 sur le niveau d'équipement de nos forces est derrière nous. Notre niveau d'entraînement et d'équipement nous permet d'assurer les missions qui nous sont confiées.

Certes, tout n'est jamais parfait. À propos des missiles filoguidés, je pense, monsieur Marty, que vous avez à l'esprit la polémique avec MBDA. Pour ne pas exposer nos tireurs, nous voulons que le successeur du missile filoguidé Milan soit un missile « tire et oublie ». Nous sommes navrés, alors que nous faisons la guerre, que le bon sens ne s'impose pas d'emblée.

Pour autant, je ne constate pas de difficultés majeures.

La sécurité – active et passive – de nos personnels est pour moi une préoccupation permanente. La sécurité passive regroupe l'ensemble des actions destinées à conforter la sécurité de nos bases opérationnelles avancées. À cette fin, nous déployons des éléments du Génie, parfois de façon temporaire, pour mettre les casernements à l'abri des Chicom, ces roquettes utilisées par les talibans, ou encore pour mettre nos bâtiments à l'abri des tirs de mortiers. La sécurité active regroupe quant à elle les mesures prises en matière d'équipement des nos soldats, de Souvim et autres dispositifs anti-EEI. Le matériel dont nous disposons nous permet d'assurer plutôt correctement cette fonction. Au regard des autres contingents, nous n'avons pas à rougir.

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