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Intervention de Jean-Philippe Maurer

Réunion du 16 février 2010 à 21h30
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Maurer :

Il y a près de vingt-cinq ans qu'a été votée la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

Concrètement, cette loi posait le principe d'un droit à réparation intégrale du préjudice des victimes d'accidents corporels et accélérait leur indemnisation en délégant aux assureurs cette procédure pour limiter, en pratique, l'intervention des tribunaux aux litiges les plus graves.

Certes, jusqu'à l'adoption de la loi du 5 juillet 1985, les droits des accidentés de la circulation sont restés de nature essentiellement jurisprudentielle, et les décisions des tribunaux ne constituaient pas un régime spécial de responsabilité stricto sensu. Cette loi a donc instauré un régime spécial de responsabilité : cette base juridique de référence demeure toutefois insuffisante.

En effet, à l'usage, il apparaît que les préjudices subis par les victimes d'accidents de la circulation sont indemnisés de manière très inégale, puisque des écarts non négligeables séparent les indemnités obtenues par la voie transactionnelle avec les assureurs de celles allouées par les tribunaux.

Actuellement, l'indemnisation s'apparente, comme vous le soulignez, monsieur le rapporteur, à une sorte de labyrinthe : la nomenclature des postes de préjudices n'a pas de base législative ; il n'y a ni barème médical unique, ni base de données fiable ; les cadres d'expertise sont mal définis ; la loi ne prévient pas les conflits d'intérêts entre médecins des victimes et des assureurs.

L'harmonisation des méthodes d'expertise ne peut incomber aux tribunaux : de ce fait, il fallait une intervention du législateur.

La présente proposition de loi vise à remettre de l'ordre dans le processus d'expertise de l'évolution des dommages et à renforcer l'équité dans l'indemnisation des victimes. Deux priorités ont retenu mon attention.

La première concerne l'amélioration du processus d'indemnisation des victimes. En effet, des disparités flagrantes existent entre l'indemnisation accordée par les tribunaux et celle fixée par la voie amiable entre les assureurs et les victimes d'accidents de la circulation. À préjudice égal, les indemnités allouées par les tribunaux sont sensiblement supérieures à celles accordées par les assureurs.

De surcroît, le rapport fait état de disparités au sein même de l'indemnisation judiciaire, où des écarts non négligeables s'observent entre les décisions des différentes cours d'appel. Ainsi, les victimes d'un accident de la circulation survenu à Strasbourg peuvent découvrir avec étonnement que le préjudice qu'elles ont subi ne serait pas indemnisé de la même manière à Lille ou à Paris.

Les écarts ainsi relevés sont pour partie dus aux fluctuations de l'expertise. Les experts désignés par les tribunaux se trouvent ainsi confrontés à une multitude de barèmes médicaux. Il n'existe pas de nomenclature unique, même s'il faut reconnaître que l'usage de la nomenclature Dintilhac s'est utilement répandu depuis 2007.

C'est pourquoi les articles 5, 6 et 7 de la présente proposition de loi obligent l'assureur à mieux informer la victime de ses droits, rendent obligatoire une évaluation de la victime dans son environnement habituel, rendent obligatoire l'assistance de la victime par un médecin conseil en réparation du dommage corporel, et prévoient qu'un médecin conseil mandaté par une compagnie d'assurance dans le cadre du règlement d'un litige ne peut exercer la mission de médecin conseil de la victime, tant par voie amiable que contentieuse.

La deuxième priorité concerne une meilleure évaluation du préjudice subi. Cela requiert une identification plus claire des postes de préjudices : certains de ceux-ci se sont imposés au fur et à mesure de l'évolution de la société, comme c'est le cas pour le préjudice post-traumatique. Face à ce vaste éventail, il fallait remettre de l'ordre. Je me félicite donc que l'article 3 de la proposition de loi vise à donner une base législative à une nomenclature recensant les différents chefs de préjudices indemnisables tant lors de la procédure amiable que contentieuse.

Ainsi, rappelons que 95 % des accidents de la circulation font l'objet d'une transaction entre l'assureur et la victime, ou son représentant. Il fallait donc mettre en place des points de comparaison sûrs pour définir les critères de l'indemnité : l'évaluation du préjudice ne peut être arbitraire ; un outil commun de référence était donc nécessaire. C'est ce que propose l'article 1er, en créant une base de données en matière de réparation du dommage corporel qui recensera les transactions et les décisions judiciaires. Sur la base de ces données, un référentiel national indicatif des évaluations financières du dommage corporel sera élaboré et rendu accessible à tous.

Je me réjouis donc que cette proposition de loi, qui encadre mieux l'indemnisation des victimes dans un cadre juridique plus clair et égal pour tous, soit enfin débattue. De plus, je tiens à souligner que ce texte a reçu le soutien des principales associations de personnes handicapées et des familles de victimes, ainsi que des assureurs. C'est pourquoi je le voterai sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC.)

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