Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation, nous sommes rassurés car nous avions peur de ne plus avoir de ministre. Tout à l'heure, M. Wauquiez a pourtant dit beaucoup de bien de ce texte d'initiative parlementaire ; il eût été dommage de siéger sans ministre. (Sourires.)
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a voté cette proposition de loi, tant en commission des affaires sociales qu'en commission des finances, car elle complète et élargit le champ de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dite loi Badinter.
Le consensus qui s'est dégagé sur la proposition de loi déposée par le groupe UMP et, en particulier, par M. Guy Lefrand s'explique sans doute parce nous avons tous été confrontés dans nos circonscriptions respectives à des cas douloureux.
Personnellement, les difficultés d'une jeune mère de famille m'ont sensibilisé à cette question. En juin 1998, elle était victime d'un accident de la route sans en être aucunement responsable. Il a néanmoins fallu qu'elle entame une démarche judiciaire longue pour que l'entière responsabilité de la partie adverse, qui la mettait en cause, soit finalement reconnue. Après plusieurs années de procédures et d'expertises, la compagnie d'assurance de l'auteur des faits, la MACIF, était condamnée, le 26 février 2006, à régler le montant des dommages corporels, qui furent pour l'essentiel versés à la caisse primaire d'assurance maladie de Valence, au titre des soins déjà effectués, auquel il faut ajouter : 1 000 euros, au titre de préjudice matériel ; 800 euros, au titre des frais d'assistance à expertise, et un montant de 4 000 euros de complément.
Cette jeune femme est pourtant restée plusieurs jours dans le coma et elle a subi un fracas de la face et de la mâchoire. À la suite de traumatismes, elle s'est trouvée en situation d'incapacité totale de travail jusqu'en 2001 et, au cours des années suivantes, elle a fait l'objet de nombreuses interventions chirurgicales.
Les soins prothétiques qui lui étaient nécessaires n'étant pas correctement pris en charge par la sécurité sociale, elle a dû faire l'avance des frais, et, depuis dix ans, elle se bat parce que son assureur ne la rembourse qu'au compte-gouttes. Il lui est encore redevable de plus de 10 000 euros de frais. Pour qu'ils restent limités, j'avais pourtant orienté cette personne vers l'école dentaire.
Cette histoire est terrible : sept années de procédure, une vie sentimentale et psychique anéantie, une carrière professionnelle interrompue – cette personne n'a pas pu mener à bien son projet de création d'entreprise ; heureusement, son mari est fonctionnaire du conseil général de la Haute-Garonne. Décidément, dans les faits, les victimes ne sont pas reconnues comme telles, et rien ni personne n'est en mesure de contraindre les mauvais payeurs à assumer leurs engagements. Pourtant, dans l'exemple cité, l'organisme concerné est une mutuelle qui devrait appliquer à sa gestion quotidienne les valeurs mutualistes dont elle se réclame par ailleurs.
Cette proposition de loi vise à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels. Elle complète et élargit ainsi la loi Badinter qui consistait à assurer la réparation intégrale des préjudices causés aux victimes d'un accident de la circulation.
Pour y parvenir, la proposition de loi déposé par le groupe UMP crée des outils d'évaluation du préjudice, communs aux assureurs, aux juges et aux victimes. Elle doit aussi renforcer le respect du principe du contradictoire lors de la procédure amiable.
Monsieur le rapporteur, je constate toutefois que, sur ce point, la donne a changé au terme des travaux de la commission. J'espère que la discussion des amendements pourra permettre d'améliorer le texte qui en est issu.
Nous approuvons la philosophie générale et l'objet de ce texte, mais je souhaite aussi évoquer plusieurs de ses aspects qui ont motivé que nous déposions des amendements.
La proposition de loi comporte des avancées en matière d'expertise médicale, qu'il s'agisse dans son article 1er de la codification des missions d'expertise médicale ; dans son article 2, de la refonte des barèmes médico-légaux en un barème médical unique, ou, dans son article 3, de l'affirmation des règles d'indépendances de l'expertise médicale, qui sont construites sur le modèle de la déclaration de conflit d'intérêts des médecins travaillant avec des laboratoires pharmaceutiques, sujet d'actualité.
Autre progrès majeur : l'article 7 prévoit le versement rapide d'une provision à la victime pour faire face aux obligations matérielles engendrées par l'accident. Quant à l'article 8, il renforce les obligations d'information incombant aux assureurs.
Il reste que plusieurs aspects du texte nous ont incités à déposer des amendements, qui ont été repoussés par la commission.
L'article 9 modifie le code des assurances et permet d'obtenir l'assistance d'un médecin-conseil pour un examen médical contradictoire. Ce texte ne correspond plus à celui de la version initiale de la proposition de loi, et deux mesures qui constituaient de véritables progrès ont disparu.
L'une permettait de prendre en compte l'environnement de la personne accidentée et de procéder à un bilan situationnel à domicile, qui est d'autant plus nécessaire qu'il ne se pratique que très rarement aujourd'hui. Les expertises ont souvent lieu dans le cabinet des experts sans lien avec la réalité vécue par la victime. Pourtant, ce bilan situationnel constitue déjà un droit pour les personnes. Il n'est cependant jamais exercé car, malheureusement, les victimes ne connaissent pas leurs droits. Son inscription dans la loi permettrait de garantir son effectivité pour les personnes les plus lourdement accidentées.
Une autre mesure proposait de rendre effectif le principe du contradictoire au moment clef de l'expertise médicale. Il est particulièrement important que soit proposé de façon systématique à la victime un rendez-vous contradictoire où interviendrait un médecin conseil de victime. Dans la pratique, cela renforcerait ce droit également méconnu. L'objectif de l'examen contradictoire effectué par les médecins conseils en présence de la victime est de parvenir à un accord médico-légal qui servira ensuite de base à l'offre d'indemnisation.
En ce qui concerne l'article 11, qui crée une base de données concernant les réparations du dommage corporel, l'accès public a été rétabli par un amendement du rapporteur présenté lors de la réunion de la commission au titre de l'article 88. Cet accès est nécessaire si l'on veut assurer la transparence de l'information des victimes. Vous avez ainsi rendu inutile notre propre amendement.
L'article 13 supprime les articles 12 à 27 de la loi Badinter. Or s'il est exact que ces articles sont repris dans le code des assurances, il n'en demeure pas moins que cette suppression pose problème. En effet, une partie de la loi Badinter n'est pas codifiée, notamment les articles concernant le droit à indemnisation et le recours des tiers payeurs. Il est donc important de ne pas soustraire ces articles, relatifs aux transactions entre les assureurs et les victimes, de la loi Badinter, afin que le ministère de la justice puisse rester l'interlocuteur privilégié de ces dernières, au même titre que le ministère des finances reste l'interlocuteur privilégié des compagnies d'assurance dont il est le ministère de tutelle.
En conséquence, nous voterons les avancées proposées par ce texte en espérant que la majorité ira jusqu'au bout et retiendra les trois amendements qui visent à donner à cette proposition de loi sa pleine dimension. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)