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Intervention de Jean-François Chossy

Réunion du 16 février 2010 à 15h00
Indemnisation des victimes d'accidents de la circulation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Chossy :

Lorsque le travail est bien fait, il ne faut pas bouder son plaisir ; il faut le dire. Je veux saluer les travaux de nos collègues Guy Lefrand et Geneviève Levy, rapporteurs de talent et de compétence, qui, dans le cadre d'une mission UMP que leur a confiée Jean-François Copé, ont élaboré cette proposition de loi visant à améliorer l'indemnisation des victimes de dommages corporels à la suite d'un accident de la circulation.

Je voudrais revenir sur les méthodes de travail. J'ai noté que les auteurs de cette proposition avaient organisé de nombreuses auditions pour entendre le maximum de représentants des personnes concernées, ce qui a permis une évolution conséquente et judicieuse du texte en s'inspirant de la vérité des autres.

En fait, ce texte est un subtil mélange entre la réflexion et l'action. II s'agit, sur le fond, de compléter utilement le texte de la loi Badinter de 1985, sans en remettre en cause les acquis. Je note également que, sous la réserve de la prise en compte de quelques suggestions de forme, le Conseil d'État a émis, fin janvier, un avis favorable sur cette proposition de loi.

Mais je voudrais aussi m'attarder un instant sur les efforts positifs entrepris par les gouvernements successifs dans la lutte contre la violence routière. Par une prévention importante, assortie quand il le faut d'une répression juste et pertinente, le nombre de personnes tuées sur la route a sensiblement diminué ces dernières années, ainsi que le nombre de blessés qui a été réduit de moitié entre 1991 et 2007, mais cela représente encore en France 180 000 victimes à indemniser par an, pour 4,3 milliards d'euros.

L'indemnisation des cas les plus graves, dont l'existence et la vie sont bouleversées par l'accident, reste très variable suivant la voie choisie. Un préjudice évalué par un assureur peut être très différent de celui évalué en justice.

« Si environ 95 % des victimes acceptent une transaction avec un assureur, les litiges qui vont en justice obtiennent en général une indemnisation supérieure de 25 % au règlement amiable, mais cela peut être beaucoup plus » nous fait savoir Jean Picart, président honoraire de l'Association des familles de traumatisés crâniens.

Néanmoins, le texte que nous examinons et qui a enregistré le vote unanime de la commission des affaires sociales, ainsi que celui de la commission des finances, s'inscrit dans la politique de reconnaissance des droits des victimes et peut participer à un meilleur accompagnement des personnes traumatisées qui deviennent handicapées pour le restant de leur vie.

On sait ici ce que représente pour la personne atteinte et pour son entourage le fait de devenir subitement handicapé, c'est-à-dire privé d'une ou plusieurs de ses fonctions et condamné à affronter une nouvelle et cruelle réalité de la vie. Le handicap, c'est la rencontre entre la dépendance, la souffrance et le courage. Il faut de la volonté pour admettre son état et surmonter ses difficultés.

On peut tous devenir handicapé un jour ou l'autre, à la suite d'une maladie, d'un accident domestique ou d'un accident de la circulation. On devient dès lors fragilisé et la société étant sans pitié pour la fragilité, chaque acte banal de la vie quotidienne devient un véritable parcours du combattant. Le regard des autres pèse et comme la personne handicapée nous révèle et nous renvoie à ce que nous craignons de devenir, nous évitons pudiquement d'affronter son regard. Nous la considérons avec compassion, quelquefois même avec condescendance, souvent avec distance, ce qui amplifie le sentiment d'indifférence et d'intolérance que ressentent les personnes handicapées.

Alors un texte comme celui que nous allons voter peut contribuer à améliorer notre relation avec le monde du handicap, car il s'agit bien de proposer de nouveaux outils pour aider les victimes à faire valoir le droit à réparation intégrale de leurs préjudices et, comme le veut la loi du 11 février 2005, à compenser les conséquences liées au handicap.

La réparation intégrale accompagnée de l'individualisation de la réparation doit devenir la règle absolue et j'ai noté avec satisfaction qu'après les auditions et suivant l'avis de nombreux commissaires des affaires sociales, les rapporteurs avaient sagement renoncé à la disposition créant un référentiel indicatif qui pouvait abolir de fait le principe de la réparation intégrale.

De l'avis de nombreuses personnes concernées, des associations de personnes handicapées et des familles, le droit à réparation et l'indemnisation rencontrent de nombreuses difficultés liées aux délais très longs, aux expertises compliquées, aux procédures opaques et au non-respect du principe du contradictoire dans la procédure amiable.

Le but poursuivi par cette proposition est de répondre à un certain nombre d'injustices dénoncées par les victimes de la route souvent regroupées en collectif et qui veulent des mesures simples non seulement pour réduire significativement le nombre de morts et de blessés sur la route, mais aussi pour permettre une indemnisation décente et rapide des préjudices subis.

Dans ce but, je note avec intérêt l'amendement présenté par Geneviève Levy, qui énonce que « lorsque l'état de la victime nécessite l'aménagement de son logement, l'adaptation de son véhicule ou l'intervention d'une tierce personne, l'assureur est tenu de lui présenter une offre provisionnelle d'urgence », ce qui n'est pas sans rappeler d'ailleurs la disposition prévue dans la loi du 11 février 2005 qui préconise la compensation des conséquences du handicap à travers une prestation de compensation.

On peut s'étonner de l'absence, dans la loi de 1985, d'outils communs d'évaluation du préjudice entre assureurs, juges et victimes, ce qui crée des disparités importantes sur le montant des indemnisations pouvant aller du simple au double.

On mesure également les limites de l'expertise médicale actuelle avec un risque de conflits d'intérêts entre les médecins-conseils de victimes et les médecins experts près les tribunaux,

Le texte de Guy Lefrand et Geneviève Levy apporte des clarifications sur tous ces sujets dans l'intérêt bien senti des victimes, que ce soit dans la procédure amiable ou dans la procédure contentieuse. J'ai apprécié, et bien d'autres avec moi, la volonté de renforcer les obligations d'information de la victime par la mise en place d'une notice d'information dans une démarche de transparence.

En effet, cette notice, conforme à une notice type établie par décret et qui sera remise à la victime ou à ses proches, devra l'aider dans le choix d'un médecin conseil qui ne soit pas en situation de conflit d'intérêts et l'assureur devra signifier la liste des médecins qui ont des liens avec lui. Il rappellera à la victime que le conseil départemental de l'ordre tient à sa disposition la liste des médecins compétents en réparation des dommages corporels.

Le souci des rapporteurs de définir les critères qui qualifient les médecins compétents en matière de réparation du dommage corporel me semble également de nature à répondre à une volonté de clarification nécessaire, tout comme le fait que chaque médecin soit tenu de déclarer le nom de la compagnie d'assurance pour laquelle il travaille.

Pour ce qui concerne les délais de règlement toujours trop longs, pourquoi ne pas envisager une limite dans le temps pour régler les problèmes d'indemnisation ? La longueur et la lenteur des démarches s'ajoutent aux difficultés et à la douleur humaine.

Cette proposition du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, initiée par Guy Lefrand, Geneviève Levy et Marie-Anne Montchamp, répond à une attente forte et impatiente. Je suis heureux de constater qu'il s'agit, non pas d'un texte qui s'inscrit en termes d'opposition, mais plutôt d'une loi de consensus. Non pas d'un consensus mou, ou de circonstance, mais d'un consensus d'engagement, conforme à notre idéal républicain, au service de nos concitoyens fragilisés par le handicap.

En espérant que le vote de notre assemblée sera unanime, comme il le fut en commission des finances et en commission des affaires sociales, je confirme que le groupe UMP votera ce texte avec empressement, conviction, et engagement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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