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Intervention de Hervé Novelli

Réunion du 9 février 2010 à 18h30
Commission des affaires économiques

Hervé Novelli, secrétaire d'état chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation :

Pourquoi créer l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ? Pour quatre raisons principales.

Premièrement, la constitution d'une société, en vue de protéger le patrimoine personnel, n'a pas convaincu les entrepreneurs, loin de là. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Depuis la création, en 1985, de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, 185 000 EURL seulement ont vu le jour. Après un quart de siècle, elles ne représentent que 6,2 % du total des entreprises. En revanche, près de la moitié des entreprises créées en 2008 l'ont été sous forme de sociétés en nom propre, et même 75 % depuis l'apparition des auto-entrepreneurs. Le succès de ce nouveau régime ne fait que confirmer la préférence marquée des Français pour l'entreprise individuelle.

Deuxièmement, la possibilité de rendre insaisissables les biens immobiliers des entrepreneurs individuels, instaurée en 2003 et étendue par la loi de modernisation de l'économie, n'a pas rencontré le succès escompté. À ce jour, 20 000 déclarations seulement ont été faites. Il fallait donc faire davantage pour satisfaire le million et demi d'entrepreneurs individuels français.

Troisièmement, l'apparition de l'EIRL est un progrès social et sociétal significatif puisqu'elle adresse un signal positif à ceux qui entreprennent, dont elle améliore la protection. Elle traduit le fait qu'une défaillance ne signera plus, comme trop souvent dans le passé, la condamnation définitive de celui qui connaît un revers de fortune.

Quatrièmement, l'EIRL est bonne pour la croissance et pour l'emploi puisque l'entrepreneuriat individuel est l'une des réponses à la crise : il s'agit de promouvoir la liberté d'entreprendre par tous les moyens en limitant la prise de risque sans, bien sûr, la faire disparaître. Nous avons respecté à la fois la liberté de choix de l'entrepreneur et l'incitation à entreprendre.

Le statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée s'adressera à tous les entrepreneurs individuels, qu'ils soient artisans, commerçants ou professionnels libéraux. Une simple déclaration au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers suffira. Pour atteindre l'objectif, le projet de loi repose sur un dispositif juridique très innovant : le patrimoine affecté. Cette nouvelle architecture, qui constitue une nouveauté dans notre droit, a été validée par le Conseil d'État le 21 janvier dernier, à l'issue d'un débat nourri.

Le nouveau dispositif prévu par le projet de loi est simple.

Tout d'abord, l'entrepreneur déclarera la liste des biens qu'il affecte à son activité professionnelle, séparant ainsi son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel. Le patrimoine professionnel sera constitué de l'ensemble des biens, droits ou sûretés nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle. L'entrepreneur restera propriétaire des deux patrimoines et la déclaration d'affectation n'entraînera pas la création d'une société. Il évitera ainsi la complexité liée à la gestion d'une personne morale distincte.

Des règles particulières sont prévues pour l'affectation de biens immobiliers, ou de biens communs ou indivis nécessitant l'accord exprès du conjoint. Elle devra être reçue par acte notarié publié au bureau des hypothèques. En outre, lors de la constitution du patrimoine d'affectation, tout actif d'une valeur supérieure à 30 000 euros devra faire l'objet d'une évaluation par un expert. Il sera sans doute utile de compléter le texte sur les tarifs de dépôt de la déclaration, afin d'éviter que la création d'une EIRL n'entraîne des coûts importants.

L'affectation du patrimoine entraîne les conséquences suivantes à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration d'affectation.

Les créanciers dont les droits sont nés à l'occasion et pour les besoins de l'activité professionnelle ont pour seul gage le patrimoine affecté, et les autres créanciers le patrimoine non affecté, c'est-à-dire personnel. Le patrimoine spécialement affecté à l'exercice de l'activité professionnelle fera l'objet d'une comptabilité autonome et les comptes annuels, déposés au même lieu que celui de la déclaration initiale d'affectation, permettront de suivre l'évolution du patrimoine professionnel. En cas de faillite, seul le patrimoine professionnel sera liquidé et les biens personnels – maison, voiture, épargne – seront préservés. Le Gouvernement sera habilité à prendre par voie d'ordonnance les modifications nécessaires pour adapter à l'EIRL les dispositions du code de commerce relatives aux difficultés des entreprises.

Sur le plan fiscal, une injustice sera réparée : l'entrepreneur en nom propre pourra enfin bénéficier du même régime fiscal que l'associé unique d'une société. Il s'agit là aussi d'une innovation majeure. L'entrepreneur individuel optera soit pour l'impôt sur le revenu, soit pour l'impôt sur les sociétés. Par défaut, le régime des sociétés de personnes, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, s'appliquera, mais l'entrepreneur aura le choix. L'EIRL ne créera pas un régime social ou fiscal nouveau dans la mesure où tout entrepreneur individuel peut d'ores et déjà opter pour l'IS en créant une EURL. Le bénéfice réalisé par l'EIRL pourra donc être taxé dans les mêmes conditions que l'entrepreneur en EURL ayant opté pour l'impôt sur les sociétés : 15 % jusqu'à 38 000 euros et 33 % au-delà. En outre, la part des revenus de l'activité professionnelle reversée au patrimoine non affecté, et qui excédera 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou 10 % du montant du bénéfice net – si ce montant est supérieur –, sera assujettie aux cotisations sociales dans les conditions de droit commun. C'est ce qu'on appelle la clause anti-abus. L'option pour l'IS est novatrice et se situe dans la logique visant à rapprocher le régime fiscal applicable aux entrepreneurs quelle que soit la forme juridique qu'ils adoptent. C'était une demande forte des députés. Les auto-entrepreneurs, s'ils le souhaitent, pourront aussi adopter le régime de l'EIRL dans un cadre comptable spécifique et simplifié. Leur régime fiscal et social demeurera inchangé, avec des prélèvements en pourcentage du chiffre d'affaires.

Bien entendu, les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée devront avoir accès au crédit. C'est un enjeu crucial ! Pas plus tard que cet après-midi, j'ai réuni les représentants des établissements bancaires pour développer les outils de caution solidaire et éviter ainsi que les banques ne cherchent, dans certains cas, à reprendre, via des cautions personnelles, ce que nous sécurisons au moyen de l'EIRL.

J'ai indiqué à mes interlocuteurs qu'il était nécessaire de faire évoluer les pratiques pour les adapter à l'EIRL. Il s'agit, non pas de déresponsabiliser les acteurs, mais de mieux prendre en compte la réalité économique de l'entreprise individuelle, confondue jusqu'à présent avec l'entrepreneur et ses biens personnels. Il convient de promouvoir la faculté pour l'EIRL de fournir des garanties extérieures, comme les cautions solidaires. À cet égard, nous proposerons, avec les opérateurs concernés, un plan d'action en nous appuyant sur des solutions de marché, pour accompagner la loi. Nous aurons cette discussion en séance publique le 17 février, mais sachez combien j'ai été sensible aux premières observations qui m'ont été adressées, notamment par Mme la rapporteure. Nous entendons sécuriser davantage le régime de l'EIRL en offrant à l'entrepreneur la faculté de substituer à une partie de sa caution personnelle une garantie apportée par des organismes tiers. Les propositions que j'ai reçues sont en cours d'expertise.

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