Les interventions prononcées par nos deux collègues pour défendre l'exception d'irrecevabilité et la question préalable étaient toutes deux d'un grand intérêt, et j'espère que nous resterons aux yeux de tous, notamment de ceux qui nous regardent de ces tribunes, à la hauteur de pensée à laquelle elles se sont hissées, comme le commandent notre dignité et notre mission.
Madame la garde des sceaux, si votre texte répondait à la quarantaine de questions posées par Serge Blisko, de façon à nous faire franchir un pas supplémentaire dans le règlement de problèmes que personne ne soulève, nous le voterions. Mais si ces questions ont été posées aussi pertinemment et aussi précisément qu'elles l'ont été, grâce à la compétence que notre collègue a acquise dans l'exercice de sa profession, et à laquelle je veux rendre hommage, c'est bien parce que votre projet de loi n'y répond aucunement, quand il ne constitue pas un recul.
Du même coup, mes chers collègues, il ne répond pas non plus aux attentes des familles des victimes, dont nous reconnaissons tous la légitimité. Il ne répond pas davantage aux attentes de ceux qui attendent de la loi de nos États démocratiques qu'elle permette au corps social de progresser chaque jour, en dépit des difficultés.
Serge Blisko a raison de dire que ce texte est inutile, dangereux, mauvais. Il a raison de dénoncer le fait que l'État ne met pas en oeuvre jusqu'au bout tous les moyens à sa disposition pour traiter la maladie mentale, dans notre société et dans l'univers carcéral, se réduisant ainsi à l'impuissance et à l'inefficacité. Il m'indiquait à l'instant – à l'oreille, par modestie – ces chiffres incroyables : alors qu'en 1980 la France comptait 30 000 détenus pour 120 000 personnes hospitalisées en psychiatrie, elle comptait, en 2002, 63 000 détenus pour 40 000 hospitalisés en psychiatrie. Telle est la réalité des chiffres.