Ce projet est dangereux, car en instituant une peine après la peine il contrevient, comme le précisait Dominique Raimbourg, à tous nos principes constitutionnels et à l'article VIII de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ainsi qu'aux divers engagements européens de la France. Il s'ajoute aux dispositifs existants, que l'on a cités, et qui fonctionnent mal compte tenu du manque de moyens humains et matériels, comme le démontre dans sa première partie le rapport – excellent de ce point de vue – de M. Fenech, très objectif quand il décrit la situation actuelle, mais beaucoup plus hasardeux et, j'ose le lui dire, spécieux quand il défend le projet de loi. Les nombreuses auditions auxquelles j'ai participé avec notre collègue Dominique Raimbourg l'ont démontré : toutes les enquêtes, du rapport Burgelin à celui de notre collègue Garraud en passant par celui des sénateurs Goujon et Gautier, constatent l'augmentation considérable des détenus souffrant de troubles psychiatriques graves pour lesquels le législateur a prévu la possibilité d'une hospitalisations d'office aux termes de l'article D. 398 du code de procédure pénale.
Le nombre d'hospitalisations d'office de détenus a crû considérablement, passant d'une centaine en 1990 à 1 800 en 2005. Pensez-vous que ce soit un hasard ? Face à cette situation qui alarmait l'administration pénitentiaire, les ministères de la santé et de la justice ont enfin diligenté en 2002 la première étude sur la santé mentale des personnes détenues, supervisée par M. Bruno Falissard, épidémiologiste, et par le docteur Frédéric Rouillon, professeur de psychiatrie. Cette étude corrobore en tous points le constat plus récent de M. Fenech, essentiellement à la page dix-huit de son rapport. Après avoir reçu un très bon accueil de l'administration pénitentiaire – qui, je me dois de le dire, madame la garde des sceaux, est toujours à l'écoute – cette étude a, hélas, comme d'habitude, rencontré l'inertie du ministère de la santé, dont on constate une fois de plus l'échec de la politique de santé mentale. Les résultats de cette étude sont terribles. Ils montrent que, sur l'ensemble des hommes détenus en France, 21 % – c'est un minimum – souffriraient de troubles psychotiques graves, parmi lesquels 7,3 % souffrent de schizophrénie, 7 % de paranoïas et de psychoses hallucinatoires chroniques pouvant conduire au meurtre, 40 % de dépression, 33 % d'anxiété généralisée, 20 % de névroses traumatiques. M. Le Guen évoquait, tout à l'heure, la prévention primaire : la part des détenus ayant vécu une enfance catastrophique est colossale et entraîne un fonctionnement psychique très perturbé à l'âge adulte. Tout étudiant en psychologie le sait : ceux qui se retrouvent en prison ont un lourd passé. Je m'étonne aussi que le ministère des affaires sociales et celui de la santé ne soient pas représentés aujourd'hui pour travailler avec nous sur ces questions. À titre de comparaison, entre 20 et 30 % de détenus sont dans un état mental très grave et posent d'énormes problèmes à l'administration pénitentiaire. Il suffit de se rendre à Fresnes pour le constater. En France, 1 % de la population est atteinte de schizophrénie et 5 % de dépression, et ces troubles sont dix fois plus prévalents en prison ! Ne pensez-vous pas que se pose, là, un problème ?